L’échéance de la visite lundi prochain du président français, Emanuel Macron, a fini par avoir ses effets. Après plus de deux semaines de tergiversations et de négociations en coulisses, qualifiées d’inconstitutionnelles, Baabda s’est finalement décidé à fixer la date des consultations parlementaires à l’issue desquelles devrait être désigné un nouveau chef de gouvernement. Ce sera donc lundi prochain, soit quelques heures à peine avant que l’avion de M. Macron n’atterrisse à Beyrouth.
À la manière d’un ultimatum qui expire avec le retour du président français, qui s’est imposé comme le parrain de toute future solution à la crise endémique du Liban, le premier nœud s’est ainsi défait comme par enchantement. « Nous avons l’impression que nous sommes en présence d’une classe politique composée de cancres qui attendent la dernière minute pour rendre leur copie », commente le politologue Karim Bitar.
C’est donc à l’issue des consultations parlementaires contraignantes que devra être révélée l’identité du Premier ministre qui reste la grande inconnue pour l’heure.
Maintenant que l’ensemble des candidats sunnites potentiels ont été passés au crible, que plusieurs d’entre eux (notamment Tammam Salam et Nagib Mikati, mais aussi Saad Hariri) ont décliné le poste et que d’autres font l’objet d’un veto du Hezbollah (Nawwaf Salam, Mohammad Baassiri), le curseur s’est de nouveau arrêté sur le nom du chef du Futur. C’est en tout cas ce qu’a fait savoir hier de nouveau le tandem chiite (Amal-Hezbollah) d’une même voix, les milieux respectifs des deux formations ayant clairement exprimé leur choix renouvelé en faveur de Saad Hariri, en qui ils voient un partenaire de taille, mais aussi, pour le Hezbollah, une couverture et un paravent lui assurant une légitimité, même écornée, sur la scène internationale.
Le choix en faveur de M. Hariri, affiché une fois de plus par les deux partis chiites quelques jours à peine avant l’arrivée du président français, s’inscrirait dans le cadre d’une tentative d’effectuer un nouveau forcing en direction de la présidence et surtout du chef du Courant patriotique libre, Gebran Bassil, qui continue d’opposer un refus catégorique à la candidature de M. Hariri avec lequel il est à couteaux tirés depuis la démission de ce dernier en octobre 2019. Pour de nombreux analystes, c’est là ou réside le nœud principal, à savoir « l’obstination » de M. Bassil qui paralyse d’emblée toute sortie de crise, liant ainsi les mains du chef de l’État, Michel Aoun. Ce dernier ne serait d’ailleurs plus complètement opposé au retour de M. Hariri, à en croire des sources informées, surtout que c’est désormais la course contre la montre à l’heure où la valse diplomatique s’intensifie et les pressions internationales aussi. Pourtant, rien n’indique pour l’heure que le président puisse lâcher du lest et accepter ce qu’il avait refusé tout au long de son mandat, à savoir se désolidariser avec son gendre et imposer sa voix face aux ambitions politiques de ce dernier.
Prestige
Selon Mohammad Obeid, un analyste politique proche du Hezbollah, le chef du CPL n’a plus tellement le luxe d’affiner ses options puisqu’il se trouve depuis quelque temps dans une situation inconfortable et doit affronter des pressions de plus en plus intenses exercées sur lui au sein même de son bloc parlementaire. « Une majorité de membres de son bloc s’inquiètent désormais non plus pour l’avenir politique de M. Bassil en tant que tel, mais plus pour la destinée du sexennat lui-même qui risque de voler en éclats. On lui réclame donc de faire preuve de flexibilité. » Cela signifierait donc que M. Bassil s’abstienne d’intégrer un gouvernement présidé par Saad Hariri puisqu’il s’agit d’une condition sine qua non posée par le chef du courant du Futur qui, dès le départ, avait conditionné son retour au pouvoir par l’avènement d’un cabinet formé de figures indépendantes.
Ce scénario pourrait pourtant aplanir le terrain devant M. Aoun et lui garantir une « solution honorable », puisqu’il n’y aurait ainsi aucune figure politique au sein d’un gouvernement épuré de Gebran Bassil.
« Toute l’idée est de faire en sorte de ne pas ternir le prestige de Baabda et de trouver une solution que le président aurait lui-même bénie », commente M. Obeid qui ne croit cependant pas trop à une reconversion aussi subite du président, encore moins de Gebran Bassil. « Lorsque l’on sait que ce dernier avait insisté, lors de son entretien avec Nabih Berry il y a quelques jours, pour obtenir tous les ministres chrétiens, et les portefeuilles de l’Énergie et le ministère des Affaires étrangères qu’il convoitait lui-même, on est en droit d’avoir des doutes. »
Sauf que, une fois de plus, c’est de M. Macron, qui n’hésite plus à recourir à un langage ferme à l’égard de la classe politique, que pourrait venir le mot d’ordre. Dans le cadre des discussions entourant la formation du futur cabinet, une source à l’Élysée a confié hier à Reuters que Paris estime qu’il est temps que les partis politiques traditionnels du Liban « se mettent de côté » afin de laisser la place à la mise sur pied d’un gouvernement « de changement ». « Si nous lâchons le Liban dans la région, si en quelque sorte nous le laissons aux mains des turpitudes des puissances régionales, ce sera la guerre civile » et « la défaite de ce qui est l’identité même du Liban », a pour sa part prévenu Emmanuel Macron devant l’Association de la presse présidentielle à Paris.
La tâche de libérer le prochain gouvernement des griffes des politiques sera par ailleurs d’autant plus difficile que le Hezbollah avait, rappelons-le, écarté toute possibilité d’un gouvernement apolitique, un point de vue sur lequel il diverge donc avec M. Hariri. Ce dernier, qui n’est toujours pas revenu officiellement sur son renoncement à présider le futur cabinet, aurait d’ailleurs fait part au parti chiite de ses craintes de voir les manœuvres d’obstruction reprendre de plus bel durant la formation du gouvernement s’il devait être désigné. Comprendre qu’il voudrait avoir les coudées franches ou se désister. Hier, le chef du courant du Futur a pris part à une réunion qui a regroupé les anciens chefs du gouvernement en vue de l’échéance de lundi prochain. Cette rencontre devait servir à unifier les rangs et convenir non seulement du nom du candidat que soutiendrait le courant du Futur, mais également du programme de réformes et de ce que devrait être le modus operandi du futur cabinet.
« Tout aussi importantes que le nom, voire même plus, sont la mission et la feuille de route que devrait adopter le prochain cabinet », avait déclaré M. Siniora à L’OLJ avant la rencontre. Aucune déclaration n’a en revanche été faite à l’issue de la réunion, ni sur la teneur des entretiens ni sur le nom du candidat, une position de principe à laquelle restent attachés les anciens chefs du gouvernement qui ont inlassablement souligné la nécessité d’appliquer les règles constitutionnelles : pas de nom avant les consultations parlementaires.
Le président français visitera Feyrouz et plantera un cèdre à Jaj
La visite du président français au Liban aura aussi une dimension symbolique des relations historiques franco-libanaises : Emmanuel Macron plantera un cèdre avec des enfants libanais dans la forêt de Jaj, dans le caza de Jbeil, où prospère l’arbre emblématique du pays. Cette « cérémonie simple » célébrera le centenaire de la création de l’État du Grand Liban, le 1er septembre 1920, par le général français Henri Gouraud. Pour l’occasion, la Patrouille de France survolera le site en colorant le ciel avec les couleurs du drapeau libanais.
Le président rencontrera également lundi soir une icône libanaise : la diva Feyrouz qui, à 85 ans, est considérée comme la plus grande chanteuse arabe vivante depuis la disparition d’Oum Kalsoum.
M. Macron retournera mardi matin dans les quartiers ravagés de Beyrouth, où il fera le point sur les opérations de déblaiement et la distribution de l’aide. Il rencontrera des ONG et les agences de l’ONU, mais aussi une partie des 400 militaires français déployés ces dernières semaines pour aider à débarquer les quelque 1 000 tonnes d’aides médicale, alimentaire ou de reconstruction acheminées depuis la France.
commentaires (19)
Sonner la fin de la récréation ne suffit plus avec cette clique adonnée au jeu et aux magouilles. IL FAUT CARRÉMENT UN BULLDOZER POUR LES DÉLOGER et les chasser ad vitam aeternam. Ils sont englués sur leurs sièges. Ils ne peuvent vivre sans magouiller et se faire des coups bas. Ils sont incurables. Il faut absolument un personnel politique nouveau honnête, compétent et courageux.
Georges Airut
03 h 31, le 30 août 2020