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Société - Communautés

Kabalan persiste et signe : Le changement de Taëf est devenu incontournable

Idéologiquement proche du Hezbollah, le mufti jaafarite veut incarner l’image du chef religieux réformateur.

Kabalan persiste et signe : Le changement de Taëf est devenu incontournable

Le cheikh Ahmad Kabalan. Photo ANI

Après les propos incendiaires tenus en mai dernier lorsqu’il a décrété la mort de la formule libanaise, le mufti jaafarite, le cheikh Ahmad Kabalan, a récidivé et appelé une nouvelle fois à la révision du système politique issu de l’accord de Taëf (1989) ou à défaut à œuvrer à l’améliorer.

Bien qu’il semble avoir recadré son discours, livré jeudi dans une version atténuée, le dignitaire chiite a réveillé une fois de plus de vieux démons, ressuscitant les craintes d’une constituante jadis réclamée par le Hezbollah. À l’heure où le Liban tel qu’on l’a connu s’effondre et qu’il est de plus en plus question d’un changement du système politique en vigueur, réclamé par une partie de la rue et suggéré par la France, le cheikh Kabalan a saisi l’opportunité pour glisser sa nouvelle proposition, mais qui ne va pas nécessairement dans la même direction.

Dans une intervention prononcée à l’occasion du nouvel an de l’Hégire, le mufti jaafarite a indiqué que les explosions dans le port de Beyrouth, qui ont fait plus de 180 morts et dévasté la capitale libanaise, sont « la preuve de l’échec du système actuel », appelant à la mise en place d’un nouveau système qui « réviserait ou compléterait » l’accord de Taëf signé en 1989 et à la déclaration d’un État civil et de droit.

« Le cœur de la légitimité de la nation et des autorités est l’humain. Pas le fait de se tourner vers l’est ou l’ouest, mais uniquement les intérêts humains, et pour cette cause, il ne peut y avoir de neutralité », a déclaré le mufti chiite, qui avait longuement critiqué la formule de la neutralité à laquelle avait appelé le patriarche maronite, Béchara Raï, ces derniers temps. « Les conditions dans lesquelles le confessionnalisme a été mis en place en 1920 ont disparu, l’équation a changé, ce qui oblige le Liban à changer lui aussi et à mettre en place un nouveau système politique », a encore estimé le cheikh Ahmad Kabalan.

L'éditorial de Issa Goraieb

Tueurs en série

L’accord de Taëf est considéré par la majorité de la classe politique comme un acte fondateur. S’il est régulièrement rappelé dans les discours politiques, les réformes fondamentales qu’il prévoit, comme la dissolution de toutes les milices et la remise de leurs armes à l’État libanais ou l’abolition du confessionnalisme politique, n’ont toujours pas vu le jour. Les propos du mufti jaafarite semblent toutefois aller plus loin que la simple demande de l’application de certaines clauses de Taëf occultées des années durant par la classe au pouvoir. En évoquant une révision du texte, il laisse entendre une refonte du système, tout en évitant soigneusement d’évoquer cette fois-ci l’abolition du pacte entre chrétiens et musulmans. Une précaution qui serait due à l’intervention de deux membres du comité de dialogue islamo-chrétien, Hareth Chehab et Abbas Halabi, comme le souligne une source informée.

Répartition des rôles ?
Le mufti jaafarite avait déjà provoqué un tollé avec des propos sur la mort de la formule libanaise, et avec elle la Constitution « corrompue » de Taëf. Deux semaines plus tard, il avait atténué son discours.

« Nous voulons vivre ensemble dans un pays non confessionnel, dans le cadre d’un projet politique qui protège (…) Le temps de la tutelle politique et des lois électorales sur mesure doit prendre fin », avait-il dit en mai dernier. Jeudi, il est revenu à la charge pour préconiser la mise en place d’un système qui puisse empêcher « le monopole du pouvoir par une famille et ses affiliés et le détournement des élections à son profit ».

Cherchant à se réapproprier une partie du discours de la révolte du 17 octobre qui avait appelé à une abolition du confessionnalisme politique et à une modernisation du système libanais, le dignitaire chiite n’en répercute pas moins la logique du changement souhaité par le Hezbollah.

En mai dernier, le secrétaire général du parti chiite, Hassan Nasrallah, avait déclaré dans une interview à la radio al-Nour que le système issu de l’accord de Taëf a besoin d’évoluer, mais que cette nécessaire évolution ne pouvait se faire « sans un consensus entre les parties libanaises ».

On ne saura pas cependant s’il s’agit cette fois-ci d’une répartition des rôles entre les deux dignitaires chiites ou si le cheikh Kabalan fait cavalier seul. Son discours incendiaire de mai dernier avait poussé le tandem chiite à s’en laver les mains, plusieurs sources au sein du Hezbollah et d’Amal ayant indiqué que ses prises de position ne reflètent aucunement l’avis des deux partis chiites.

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Selon Kassem Kassir, un analyste proche du Hezbollah, le mufti jaafarite « se présente comme la nouvelle génération de dignitaires chiites qui aspirent au changement. Il tente de s’octroyer l’image d’un révolutionnaire et veut s’imposer comme le catalyseur pour réformer le système ». Le cheikh Ahmad Kabalan n’a aucune position officielle au sein du Hezbollah, mais reste idéologiquement proche de ce dernier et entretient des liens étroits avec l’Iran, indiquent ceux qui le connaissent de près.

« Il faut le reconnaître : les chiites, tout autant que les chrétiens, n’ont jamais avalé la pilule de Taëf qui a confié le pouvoir exécutif aux sunnites », fait remarquer M. Kassir, proche du Hezbollah.

Pour combler ce qu’ils considéraient être une lacune ou une « injustice » dans le partage du pouvoir, les chiites ont tenté de compenser le manque en revendiquant notamment certains portefeuilles-clés comme le ministère des Affaires étrangères puis celui des Finances que le mouvement Amal a monopolisé des années durant.

Après les propos incendiaires tenus en mai dernier lorsqu’il a décrété la mort de la formule libanaise, le mufti jaafarite, le cheikh Ahmad Kabalan, a récidivé et appelé une nouvelle fois à la révision du système politique issu de l’accord de Taëf (1989) ou à défaut à œuvrer à l’améliorer. Bien qu’il semble avoir recadré son discours, livré jeudi dans une version...

commentaires (10)

S'il est vrai que Taef a octroyé un pouvoir exécutif aux Sunnites, il a aussi malheureusement octroyé un pouvoir obstructif aux Chiites avec Berri au Parlement, un exemple patent.

Esber

00 h 13, le 23 août 2020

Tous les commentaires

Commentaires (10)

  • S'il est vrai que Taef a octroyé un pouvoir exécutif aux Sunnites, il a aussi malheureusement octroyé un pouvoir obstructif aux Chiites avec Berri au Parlement, un exemple patent.

    Esber

    00 h 13, le 23 août 2020

  • Oui, nous voulons l’abolition totale du confessionalisme pour que ce pays puisse exister un jour! Pour ce, il faut que tous les hommes religieux chrétiens, musulmans, druzes et autres se retirent totalement de la scène politique et maintiennent le silence total et absolu sur toutes les questions d’ordre national. On ne veut plus vivre au rythme de leurs discours du vendredi ou du dimanche au courant desquels Au lieu de prêcher, ils endoctrinent leurs adeptes et glissent leurs mots d’ordre aux politiciens qui exécutent leurs programmes souvent dictés par des puissances étrangères.

    Fady Abou Hanna

    16 h 14, le 22 août 2020

  • La seule force que vous possédez est la vie du peuple qui vous sert à vous et à vos acolytes de rempart et de bouclier pour imposer vos lois. On aurait pu tendre une oreille attentive si le discours était un peu plus nuancé. Mais prétendre que le pouvoir est entre les mains d’autres que les deux escrocs qui pillent et terrorisent le pays et son peuple enlève toute crédibilité à vos propos qui se veulent victimaire alors que les seules victimes de cette dictature sont les libanais qui paient le prix fort de la trahison de votre camps et qui a pour alliés des brebis galeuses du camp chrétien attiré par l’odeur du pouvoir et de l’argent. Pour se faire entendre il faut un poil de bon sens et d’objectivité. Le Liban veut se tourner vers qui il veut pour se sortir de cet enfer concocté par HB , Berry et leurs acolytes qu’ils ont soudoyer pour mieux les exterminer et leurs partisans avec, mais malheureusement d’autres libanais feront les frais de leur traîtrise. Vous n’avez pas d’amis, vous n’avez que des ennemis soumis ou achetés. Les libanais ne veulent défendre personne, ils veulent vivre en paix et sans armes ni explosifs si vous voulez savoir. La confession des ministres, juges, commandant de l’armée ou même maire n’ont pas grande importance à nos yeux il suffit qu’ils soient patriotes et honnêtes cela nous suffirait largement. Mais pour cela il faut déposer vos armes et vous ranger derrière le drapeau libanais et laisser travailler pour y arriver.

    Sissi zayyat

    13 h 52, le 22 août 2020

  • Dans un autre article on explique que Ahmad Kabalan est le fils du chef du Conseil supérieur chiite Abdel Amir Kabalan. Cela c'est important a savoir (ou a ecrire dans l'article), surtout dans un pays ou les fonctions sont dans la famille de pere en fils. https://www.lorientlejour.com/article/1226928/rai-va-appeler-a-un-dialogue-nexcluant-personne-.html

    Stes David

    12 h 30, le 22 août 2020

  • Il devrait aussi nous entretenir de la réforme des tribunaux jaafarites

    M.E

    11 h 35, le 22 août 2020

  • Quelqu’un don’t dire a ce monsieur que la moitie des Libanais ne veulent pas de son etat.

    hrychsted

    10 h 17, le 22 août 2020

  • -la preuve de l’échec du système actuel », -la mise en place d’un nouveau système -la déclaration d’un État civil et de droit. -Le cœur de la légitimité de la nation et des autorités est l’humain. -Pas le fait de se tourner vers l’est ou l’ouest -evitant soigneusement d’évoquer l’abolition du pacte entre chrétiens et musulmans.« -empêcher « le monopole du pouvoir par une famille et ses affiliés TOUT CA EST TRES VRAI, n'etait ce "" -il ne peut y avoir de neutralité"" qui efface toutes bonnes intentions qu'on lui aurait accorde: en effet ce qu'il(s) veut(veulent) c'est la chose qui detruit le Liban des sa naissance: nous rattacher pieds plombes vers l'abime -a une culture arabo-neo persane de la guerre de liberation, une culture de la mort, du djihad pour jerusalem, plus tard pour le zimbabwe !

    Gaby SIOUFI

    08 h 17, le 22 août 2020

  • Taëf a donné officiellement plus de pouvoir aux sunnites qu'aux autres communautés mais tout le monde sait qu'officieusement l'occupant assadien a donné le vrai pouvoir politique à ses deux milices chiites Amal et Hezbollah. Que ce cheikh n'oublie donc jamais que sa communauté a pris le pouvoir au Liban dans les bottes de l'occupant assadien puis le garde toujours sous supervision iranienne au service de la tyranie de Bachar el Assad. L'imposture qui consiste à exercer le pouvoir en coulisses tout en se faisant passer pour des déshérités est vraiment au coeur de l'idéologie du Hezbollah que partage ce cheikh.

    Citoyen libanais

    07 h 51, le 22 août 2020

  • Commencez par organiser un referendum national et que le peuple se prononce sur ces trois points de litige: 1) "Souveraineté de l'état" versus "le peuple, l'armée, et la résistance" 2) "Neutralité du Liban" ou "Axe Iranien" 3) "Laïcité de l'état" ou "Confessionnalisme"

    Zovighian Michel

    05 h 00, le 22 août 2020

  • effectivement. Le changement de Taef est incontournable . Vous allez de votre cote on va du notre. Vous avez déjà votre canton, on aura le notre!

    LeRougeEtLeNoir

    00 h 05, le 22 août 2020

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