Sur le plan humain, le président français a tenu à donner la priorité au peuple libanais qu’il a tenu à rencontrer en premier, se rendant de l’aéroport directement sur le terrain. Et pas n’importe quel terrain, puisqu’il s’est rendu à la rue Gouraud (du nom du général qui, il y a cent ans, a proclamé la naissance du Grand Liban) à Gemmayzé. Emmanuel Macron a donc tenu à rencontrer la population dramatiquement éprouvée par l’explosion avant de se rendre aux rendez-vous politiques, ce qui constitue clairement un message de soutien aux Libanais et un désaveu indirect de ce qu’on appelle la classe politique. Il a ainsi écouté les cris de colère des gens et leur rejet de cette même classe, au point pour certains de réclamer un retour du mandat français. Cette tournée à la rue Gouraud a d’ailleurs constitué pour beaucoup de Libanais un baume dans un quotidien désespérant. Ils se sont sentis en effet entendus par le président de la République française alors qu’ils estiment ne pas trouver d’oreille attentive chez leurs propres dirigeants.
Mais l’atmosphère était totalement différente dans les rencontres politiques du président français, que ce soit à Baabda ou à la Résidence des Pins. Selon des informations concordantes, Macron aurait été très clair en déclarant aux responsables et aux chefs de file politiques qu’ils ont perdu la confiance de la population et que leur priorité devrait être de la reconquérir. Il est ainsi revenu sur la nécessité de procéder à des réformes concrètes au lieu de se contenter de vagues promesses. Il aurait ainsi clairement évoqué le secteur de l’électricité et de l’énergie en général, le système bancaire qui ne doit plus être aussi opaque, l’audit de la Banque centrale, une lutte véritable contre la corruption, etc. Devant les présidents de la République, Michel Aoun, du Parlement, Nabih Berry, et du Conseil, Hassane Diab, il aurait même déclaré que si ce gouvernement n’est pas en mesure de réaliser rapidement les réformes requises, il est préférable de former un gouvernement d’union nationale qui serait, lui, en mesure de le faire.
Macron a répété cette idée devant les principaux chefs de parti, à savoir Saad Hariri, Gebran Bassil, Samir Geagea, Walid Joumblatt, Mohammad Raad, Ibrahim Azar (bloc Berry), Sleiman Frangié et Samy Gemayel, qu’il a reçus en fin d’après-midi à la Résidence des Pins. Il aurait même insisté sur cette idée pour que le Liban soit doté d’un gouvernement en mesure de réaliser des réformes et surtout de répondre aux besoins immédiats de la population. Il aurait, dans la foulée, conseillé aux différents chefs de file d’entamer un dialogue sérieux entre eux et, s’ils ne peuvent pas s’entendre sur les questions stratégiques, d’essayer au moins de régler les problèmes du quotidien des Libanais. Cette idée n’aurait pas beaucoup convaincu certains des présents qui auraient préféré que le président français propose de former un gouvernement « neutre », c’est-à-dire dépourvu de personnalités marquées politiquement, notamment de proches du Hezbollah. De même, l’idée du dialogue interne n’a pas non plus séduit certains des présents qui estiment clairement qu’un tel dialogue ne servirait à rien tant que le Hezbollah conserve ses armes et que le pouvoir en place ne veut rien entendre. Chacun des présents a ensuite exposé son point de vue et sa vision de la sortie de crise, mais le chef de l’État français n’aurait par exemple pas été favorable à l’idée d’organiser des élections législatives anticipées, considérant que pour l’instant, il y a d’autres priorités plus pressantes, d’autant que l’organisation de ces législatives ferait perdre un temps précieux. M. Macron a eu un aparté avec Mohammad Raad dont la présence a été considérée comme un indice important de la volonté française de se démarquer de la position américaine et de celle de certains pays européens qui considèrent le Hezbollah comme une organisation terroriste. Dans sa conférence de presse, il a même répondu à une question sur ce sujet, précisant que ce parti a été élu au Parlement, et des Libanais et des Libanaises ont voté pour lui.
L’idée des législatives a aussi été évoquée lors de la rencontre du président français avec les représentants de la société civile que M. Macron aurait poussés à se présenter aux élections législatives lorsqu’elles auront lieu.
M. Macron a appuyé l’idée d’une enquête internationale sur la terrible explosion au port de Beyrouth, tout en promettant de commencer par l’envoi d’experts français, comme l’ont suggéré les responsables. À M. Aoun qui lui a demandé d’envoyer des images satellite sur l’explosion si la France en possède, M. Macron a promis de le faire tout comme il a promis d’étudier la proposition de diviser le port de Beyrouth en plusieurs secteurs pour que différents pays puissent aider à le reconstruire, chacun prenant en charge un secteur. Une opération qui devrait toutefois prendre du temps, en raison de la destruction quasi totale du lieu. À ceux qui ont vu dans les propos de M. Aoun hier un refus de l’enquête internationale, les milieux proches de la présidence libanaise précisent qu’il s’agit plutôt d’une demande de commencer par l’enquête libanaise pour voir ensuite s’il vaut mieux procéder à une autre internationale.
Dans une discussion à bâtons rompus avec des journalistes à Baabda, le président libanais avait considéré qu’une enquête internationale « diluerait la vérité » . Au final, c’est un message de soutien et d’espoir clair qu’a transmis le chef de l’État français aux Libanais, tout en précisant aux responsables qu’ils n’ont pas beaucoup de temps pour procéder aux réformes réclamées, ni pour regagner la confiance des citoyens. Si M. Macron a dit qu’il y aura désormais un avant et un après-4 août, pour de nombreux Libanais, il y aura aussi un avant et un après-6 août... Rendez-vous le 1er septembre prochain, date à laquelle le président français a promis de revenir « pour faire un point d’étape ensemble ».
Dans le paysage dramatique, triste et révoltant à la fois qu’offre le Liban depuis la double explosion du 4 août au port de Beyrouth, la visite du président français Emmanuel Macron au Liban a constitué une lueur d’espoir, voire une source de réconfort. C’est vrai que la visite n’a pas duré plus de 9 heures, mais elle a été riche en messages à la fois humains et politiques, et...
commentaires (4)
Oui le Président Macron a fait poireauter nos 3 super présidents à Baabda le temps qu’il termine sa visite à Gemmayzeh et le bain de foule chargé d’émotions. Oui le Président Macron a donné 3 semaines à ce qui est appelé nos dirigeants pour commencer les réformes sinon ZÉRO sou d’aide internationale. Oui Le Président Macron a engueulé les principaux dirigeants politiques alors que ces derniers se prennent pour de demi dieux. Non nous n’avons pas confiance dans une enquête locale car tous les services de ce qui appelé l’Etat libanais sont noyautés par un courant politique déterminé (mentir de la rédactrice de l’article) qui est au service d’une nation étrangère et que toute voix contraire sera soit étouffée soit traitée de complice avec l’ennemi.
Liberté de penser et d’écrire
11 h 17, le 08 août 2020