
Un char de la Finul à côté d’un portrait du secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, en patrouille dans le village frontalier de Chebaa, au Liban-Sud, le 28 juillet 2020. Mahmoud Zayyat/AFP
Bien au-delà de l’épreuve de force à laquelle se sont livrés sur le terrain le Hezbollah et Israël lundi dernier en zone frontalière au Liban-Sud, l’escalade entre les deux camps a remis en lumière l’épineuse question du renouvellement du mandat de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul). A un mois de la réunion du Conseil de sécurité consacrée au vote pour le renouvellement du mandat des Casques bleus, le 31 août, la modification de leur statut, souhaitée notamment par Washington et Tel Aviv, semble exclue, du moins pour le moment.
L’escalade survenue en début de semaine au Liban-Sud est certainement à aborder sous l’angle de son timing. Elle est intervenue à l’heure où aussi bien les États-Unis qu’Israël exercent des pressions pour que la Force onusienne voie sa mission modifiée de façon à avoir plus de prérogatives pour intervenir sur le terrain et s’assurer notamment que la bande frontalière reste une zone sans armes. Une façon pour Washington de rendre plus efficace la présence de la Finul au Liban-Sud. De son côté, l’État hébreu, et par la bouche de son ambassadeur aux Nations unies, Danny Danon, a exprimé sa volonté de voir les soldats de la Finul « accéder à tous les sites et être plus libres de leurs mouvements ». Des propos qu’il avait tenus lors d’une visioconférence en mai dernier. Début juin, sa collègue américaine, Kelly Craft, dénonçait le fait que « la Finul (soit) empêchée de remplir son mandat » et que le Hezbollah « continue à s’armer », comme on pouvait lire sur son compte Twitter.
Durant la même période, Dorothy Shea, ambassadrice des États Unis à Beyrouth, a exprimé l’appui de son pays à une éventuelle modification de la mission de la Force onusienne au Liban. Lors d’une réunion entre le chef de l’État, Michel Aoun, et les ambassadeurs des membres permanents du Conseil de sécurité (les États-Unis, la Chine, la Russie, la France et la Grande-Bretagne), le 3 juin dernier, la diplomate américaine avait déclaré sans détours : « Les Casques bleus sont présents au Liban pour assurer la mise en application de la résolution 1701(qui a permis de maintenir le calme au Liban-Sud depuis la fin du conflit de 2006). Mais je crois que celle-ci n’est pas appliquée dans son intégralité ». « Nous devons penser à améliorer l’efficacité de la Finul. Et si elle ne parvient pas à appliquer son mandat, il faut se poser des questions autour de son efficacité ».
Ces déclarations de Mme Shea ont été interprétées comme s’inscrivant dans la continuité du forcing que Washington exercerait pour déployer la Finul aux frontières libano-syriennes. Une façon pour les États-Unis, et plus globalement la communauté internationale, de (tenter de) neutraliser le trafic d’armes en provenance de la Syrie au profit du parti de Hassan Nasrallah.
« Escalade symétrique »
Mais les autorités libanaises ne semblent pas l’entendre de cette oreille, Beyrouth campant sur sa position officielle traditionnelle : le Liban est attaché à un renouvellement de la mission de la Finul, sans aucune modification, ni de son statut ni de l’effectif de ses soldats.
Tentant d’expliquer les motifs de l’insistance du Liban à garder intacte la mission des Casques bleus, on souligne à L’Orient-Le Jour, dans les milieux politiques informés, que les amendements qu’exigent certains pays sont « dangereux », dans la mesure où ils pourraient porter atteinte à la stabilité de la paix civile au Liban-Sud, comme le fait d’accorder aux soldats onusiens la possibilité de fouiller les maisons des résidents et leurs terrains. Voulant éviter ce genre de dérapage, le Liban officiel continuera à plaider pour le maintien de la mission et des effectifs de la Finul tels que définis dans le cadre de la 1701. Et de préciser que tout changement du mandat des Casques bleus requiert une (nouvelle) résolution du Conseil de sécurité, une option exclue pour le moment au vu, bien entendu, du double veto russe et chinois auquel un tel projet pourrait faire face.
De toute évidence, cela signifie que Beyrouth ne voit aucune incidence de l’escalade de lundi dernier sur le statu quo au Liban-Sud d’autant qu’il s’agissait de ce qu’une source ministérielle appelle « une escalade symétrique » qui s’inscrit dans le cadre de l’épreuve de force entre Tel-Aviv et le Hezbollah.
Sur un autre registre, exclure l’option d’une nouvelle résolution du Conseil de sécurité reviendrait à écarter la possibilité d’un déploiement des Casques bleus aux frontières libano-syriennes, comme le demandent certains protagonistes locaux en vue de lutter contre la contrebande, en attendant la fermeture des points de passage illégaux. Quant au Hezbollah, il rejette, sans surprise, tous les appels à élargir le champ d’action de la Finul pour englober les frontières avec la Syrie. Contacté par L’OLJ, Mohammad Fneich, ancien ministre du Hezbollah, est catégorique : « Nous nous opposons à toute tentative d’amender le statut de la Finul, en dépit de toutes les pressions que les Américains pourraient exercer ».
Il reste que, pour le moment, les États-Unis maintiennent le flou autour de leur position en Conseil de sécurité, la question étant toujours sujette à des tractations et des négociations politiques. Une source proche de l’ambassade américaine réitère laconiquement, via L’OLJ, l’engagement des États-Unis dans les négociations portant sur le mandat de la Finul. « Nous voulons voir la Force onusienne remplir son mandat et opter pour une révision à même d’identifier les lacunes entachant son action », selon cette source. Celle-ci ne cache pas « les profondes inquiétudes » américaines quant aux « violations de la 1701 par le Hezbollah ». Toujours selon la même source, ces entorses pavent la voie à « un réarmement (de la formation chiite), principal obstacle à la libre action des Casques bleus ». « Il est crucial de faire face à la menace que constitue le réarmement du Hezbollah et œuvrer pour que les autorités libanaises exercent leur souveraineté sur l’ensemble du territoire libanais », affirme-t-on de même source.
Ce durcissement de ton devrait se traduire, à en croire des cercles politiques, par des pressions de plus en plus croissantes à la veille de la présidentielle américaine, attendue en novembre. Affaire à suivre…
SANS LA MODIFICATION DU MANDAT DE LA FINUL LA GUERRE EST PLUS QUE CERTAINE.
19 h 46, le 01 août 2020