
Le logo de Facebook. Reuters/Dado Ruvic/Illustration/File Photo
L’AKP (Parti de la justice et du développement) a présenté mardi au Parlement turc une proposition de loi visant à imposer des régulations sur certains réseaux sociaux qui comptent plus d’un million de connexions par jour, à l’instar de Twitter ou Facebook. Cette nouvelle loi s’apparente à une nationalisation de la Toile, aujourd’hui considérée comme le seul endroit où les journalistes et les citoyens peuvent s’exprimer librement. Non seulement les plateformes de médias devront nommer un représentant local en Turquie, mais elles auront aussi la mission de transmettre aux internautes les notifications provenant des autorités turques, sous peine de sanctions graduelles. La loi prévoit également un délai de 48h aux plateformes numériques pour répondre aux plaintes relatives aux « violations des droits personnels », ainsi qu’un délai de 4h pour supprimer les contenus incriminés. Le président turc a justifié cette décision peu de temps après que sa fille, Sera Albayrak, a fait l’objet d’une vague d’injures sur Twitter suite à l’annonce de la naissance de son quatrième enfant sur les réseaux sociaux. Depuis la tentative de putsch du 15 juillet 2016, les autorités turques n’ont cessé de contrôler les médias, limitant la liberté d’expression : arrestations, incarcérations de journalistes, fermeture ou rachat des médias et grands groupes de presse… La Turquie se situe désormais au 154e rang sur 180 du classement mondial de la liberté de la presse, selon Reporters sans frontières.Le gouvernement turc a pris les mesures nécessaires pour assurer l’application de la loi, avec la mise en place d’un système de sanctions graduelles : tout d’abord, des amendes seront distribuées, à la hauteur de dix millions de livres turques (1 300 000 euros), puis trente millions de livres, soit environ quatre millions d’euros. Ensuite, si les plateformes numériques refusent de coopérer, elles verront la diffusion de leurs publicités interdites ainsi que l’impossibilité d’en tirer des revenus. En derniers recours, les autorités ont annoncé le rétrécissement des bandes passantes des publicités de 50 % puis de 90 %. C’est « une nouvelle façon de mettre en œuvre la censure des contenus en ligne en intimidant les fournisseurs de réseaux », résume Renan Akyavas, coordinatrice du programme pour la Turquie à l’Institut international de la presse (IPI).
« Style de vie non islamique »
Le gouvernement turc a justifié cette proposition de loi, expliquant qu’il s’agissait de protéger la vie privée des individus et de « mettre fin à l’immoralité », selon les mots du président turc. « La nouvelle réglementation n’implique pas une interdiction totale ou une fermeture des réseaux, mais en réalité elle donne un droit absolu au gouvernement d’imposer toute règle sur les sociétés de médias sociaux par le biais de la juridiction turque », selon le politologue et professeur à l’université d’Istanbul Hakan Günes.
Cette loi est perçue, par l’opposition, comme une tentative d’imposer un contrôle total des plateformes de médias et d’éviter toute critique et contestation du gouvernement en place. « Erdogan espère pouvoir regagner le soutien d’une partie des citoyens à travers le contrôle des médias. Cette stratégie n’a fonctionné dans aucun pays, mais il a l’exemple de l’Iran et de la Chine et espère gagner la guerre des médias sociaux, qui est futile », explique Hakan Günes. La proposition de loi intervient dans un contexte où le régime turc connaît une dérive vers l’autoritarisme, constituant l’« étape finale pour légitimer les procès et les poursuites contre les journalistes, et toutes les voix dissidentes et critiques sur leurs postes dans les médias sociaux », selon Renan Akyavas. M. Erdogan entend renforcer l’idéologie conservatrice du pays grâce à cette loi : « Il pense que tous ces réseaux diffusent un style de vie non conservateur et non islamique. C’est la raison la plus importante pour laquelle il veut contrôler la sphère idéologique en contrôlant les médias sociaux », souligne le professeur Günes.
Fossé avec les jeunes
Le vote de cette nouvelle loi risque de creuser le fossé, déjà profond, entre la jeunesse turque et le gouvernement. Le mécontentement social était déjà présent en Turquie, du fait du contrôle de la liberté d’expression. « En Turquie, les gens, surtout la jeune génération, pensent que les médias sociaux sont le seul moyen de faire entendre leur voix. Ils craignent que la nouvelle réglementation les laisse sans voix », confie Hakan Günes. Tandis que les médias, comme Twitter, constituaient la dernière échappatoire pour les journalistes indépendants de s’exprimer librement, cette loi représente l’opportunité pour le gouvernement turc de museler toute tentative d’opposition politique qui s’exerçait sur les réseaux. « Le grand public ne pourra pas accéder à des contenus et des informations critiques qui ne sont pas manipulés par les autorités, notamment en ce qui concerne les sujets sensibles et très médiatisés tels que la violence et les meurtres liés au genre ou la corruption des fonctionnaires », précise Renan Akyavas.
La proposition de loi passera prochainement au Parlement, « l’AKP ayant la majorité des sièges pour faire accepter une loi », selon la coordinatrice du programme pour la Turquie à l’IPI. Elle craint par ailleurs qu’il y ait de « fortes chances que le pouvoir judiciaire se voie accorder le pouvoir de demander l’accès aux données des utilisateurs lorsqu’un crime a été commis en ligne. Cela permettra d’accélérer les efforts du gouvernement pour faire taire les critiques par le harcèlement judiciaire ».
LA TURQUIE PLONGE DANS L,OBSCURANTISME ISLAMO FANATIQUE ET DESPOTIQUE TOTAL A L,EXEMPLE DE L,IRAN.
08 h 22, le 25 juillet 2020