
La réunion patriarcale au sommet à Dimane.Photo ANI
Réunis au siège patriarcal maronite de Dimane, trois patriarches catholiques, ainsi que le représentant du catholicos d’Antélias Aram Ier, ont apporté hier leur adhésion aux thèses du patriarche maronite Béchara Raï, en faveur de la neutralité du Liban. Cette déclaration coïncide avec la présence au Liban du ministre français des Affaires étrangères.
Les dignitaires ayant assisté à la réunion sont le patriarche grec-catholique Youssef Absi, le patriarche des syriaques-catholiques Ignace Youssef III Younan, le patriarche des arméniens-catholiques Grégoire Bedros XX et les évêques Chahé Panossian et Makarios Achkarian, représentant Aram Ier. Les débats ont porté sur la proposition de neutralité dont le patriarche maronite a fait son cheval de bataille, ainsi que sur la crise sociale et les aides en nature que distribuent les Églises catholiques, les jeunes et l’emploi, et enfin l’aide possible qui peut provenir des maronites de la diaspora, afin d’endiguer une vague d’émigration qui menace.Abordant le volet de la neutralité du Liban, le patriarche Raï a parlé d’un « statut de neutralité » qui est, à ses yeux, « étroitement lié à la mission de civilisation du Liban ». Ce statut, a expliqué le chef de l’Église maronite, était celui dont jouissait déjà la région du Mont-Liban au temps de la moutassarrifiya. Il a émergé, a noté le patriarche, citant une note du conseil d’administration de la moutassarrifiya du Mont-Liban du 10 juillet 1920, comme « une exigence adaptée à la région du Mont-Liban et à la nature de ses habitants habitués depuis toujours à la liberté et à l’indépendance, ce qui a rendu nécessaire qu’on leur octroie un statut d’indépendance et de neutralité politique ».
« Depuis l’adoption du pacte de 1943, a poursuivi le patriarche, le Liban s’en est tenu à une politique de neutralité et de non-alignement, sur la base des principes suivants : pas de tutelle, pas de protectorat, pas de privilège ni de place privilégiée pour aucun pays, qu’il soit d’Orient ou d’Occident, mais plutôt un statut de patrie souveraine, libre et pleinement indépendante. »
« Telle était la politique étrangère constante de l’État libanais telle qu’elle ressort des déclarations ministérielles successives, à commencer par celle du premier gouvernement dirigé par Riad el-Solh en 1943, jusqu’au cinquante-troisième gouvernement dirigé par Chafic Wazzan en 1980. Les gouvernements successifs ont ensuite continué à exercer une politique de neutralité et de non-alignement, sur la base du fait que le Liban est partie intégrante du monde arabe, qu’il en partage les heurs et malheurs et qu’il œuvre constamment au resserrement de leurs rapports de fraternité et des liens d’amour qu’ils entretiennent; qu’il est ouvert sur le monde entier, qu’il ne s’aligne sur aucun des blocs ou alliances politiques ou militaires et s’en remet constamment à la Charte des Nations unies. »
La déclaration de Baabda
L’État libanais a ensuite réaffirmé dans la déclaration de Baabda du 11 juin 2012 le statut de « neutralité du Liban à l’égard des axes et conflits régionaux et internationaux, de manière à lui éviter les répercussions négatives des tensions et crises régionales, et ce dans son intérêt supérieur, celui de son unité nationale et de sa paix civile ».
Mais, ajoute la déclaration de Baabda, ce statut de neutralité ne s’applique pas « à tout ce qui touche au respect des résolutions internationales, en particulier à celles qui touchent aux portions de son territoire qui sont toujours sous occupation israélienne ; il ne s’applique pas non plus aux questions arabes qui font consensus et à la juste cause palestinienne, y compris au droit des réfugiés palestiniens à retrouver leurs terres et leurs maisons et à ne pas être forcés à l’implantation ».
« Le statut de neutralité est totalement étranger à toute pensée confessionnelle, politique ou factieuse. C’est une approche nationale inclusive qui est dans l’intérêt de tous les Libanais d’une part et de tout le Machrek arabe limitrophe du Liban d’autre part. La neutralité du Liban est un projet de paix, non de guerre, un projet d’accord non de conflit. Le Liban ne peut supporter de rester otage de conflits et de projets venus de l’étranger. Il est temps de se dégager ensemble de la dégradation et de l’effondrement et des crises successives. Nous sommes tous pour le Liban et le Liban est pour nous tous », a conclu le patriarche Raï.
Le Liban ne se définit pas par sa neutralité, mais par l'intégration de sa catholicité dans sa constitution même. Il n'est pas nécessaire d'être maronite catholique pour être un authentique libanais, mais il faut donner toute sa place à cette foi vraiment objective et divine pour former un Etat unitaire sur le plan politique. C'est bien ainsi que se définit la foi maronite catholique, éminemment tolérante et conviviale, mais respectueuse de sa vérité, irréductible à toute autre religion qui n'intègre pas la foi catholique et la rejette dans la formation d'un Etat multiconfessionnel se limitant à la réalisation d'un Etat faisant de la neutralité son fondement essentiel.
19 h 07, le 24 juillet 2020