Alors que le patriarche maronite Béchara Raï multiplie depuis deux semaines les appels à la neutralité du Liban et ses critiques à l'encontre de la majorité au pouvoir, et implicitement du Hezbollah, il a clairement accusé, dans une interview accordée à un site du Vatican, le parti chiite de "mainmise sur la politique et le gouvernement" et d'entraîner le Liban dans des guerres.
"La neutralité est là, en pratique, mais il y a la question du Hezbollah qui lance ses guerres et entraîne le Liban avec lui en Syrie ou au Yémen… Ce n’est pas normal. Cette neutralité du Liban, qui fait partie de son essence, est aujourd’hui déchirée. Et malheureusement la mainmise du Hezbollah sur la politique et le gouvernement, fait que nous sommes délaissés par les pays arabes, par l’Europe et les États-Unis", a dénoncé Mgr Raï dans cette interview diffusée jeudi sur le site vaticannews.va.
Les prises de positions de Mgr Raï sont saluées par les figures politiques d'opposition et plusieurs chancelleries. Mercredi, c’est depuis le palais présidentiel de Baabda que le cardinal avait plaidé pour la "neutralité" du Liban. Reçu cinquante minutes durant par le chef de l’État Michel Aoun, il a répondu clairement et avec assurance aux questions des journalistes en évitant seulement de désigner nommément le Hezbollah.
"La décision d’un statut de neutralité du Liban devrait être du ressort de l'ONU et il faut aussi qu’il soit accueilli favorablement par le monde arabe. La majorité de la population libanaise, ou presque, aspire à ce statut de neutralité", a encore dit Béchara Raï. Il a en outre expliqué que pour lui "neutralité" signifie que "le Liban devienne le défenseur de la paix, sans se mêler des politiques et conflits régionaux ou internationaux". "C’est ce qu’on appelle la neutralité utile ou positive, a-t-il ajouté. Cela ne veut pas dire que le Liban ne doit s’intéresser à personne. Mais plutôt qu’il soit actif à promouvoir les valeurs de paix, de justice, de vivre-ensemble, de liberté".
"J’ai défendu le vivre-ensemble des chrétiens et des musulmans dans un pays qui sépare la religion et l’État. Le Liban est un État civil, c’est ce qui le différencie de tous les pays de ce monde arabe. Et ce qui le différencie aussi des pays occidentaux, c’est que l’État respecte Dieu et la loi divine, révélée ou naturelle, tout en étant séparé de la religion. C’est là la spécificité du Liban (...), a poursuivi Mgr Raï. La figure du pays n’a pas changé en tant que telle, mais étant donné que nous sommes délaissés par l’Orient et par l’Occident, comment voulez-vous que le Liban soit ce lieu de rencontre et de partage ?".
Lorsqu'on lui demande s'il craint que la crise au Liban puisse entraîner "une nouvelle vague d’émigration, notamment parmi les chrétiens", il répond : " Sûrement, parce que nous vivons dans la famine. C’est la famine maintenant au Liban. C’est la panique du chômage, 50% des Libanais n’ont plus de travail". "Étant donné que les chrétiens sont de plus en plus minoritaires… oui, nous avons une grande vague d’émigration et il faut y remédier le plus tôt possible. Nous sommes en train d’aider les familles qui n’ont aucune ressource pour vivre, mais cela ne veut pas dire que nous combattons le chômage. Endiguer l’émigration, c’est une question politique. Quand la question politique sera réglée, la question économique le sera aussi, puisqu’elle en est une conséquence", a conclu le patriarche.
commentaires (5)
INTERROGATION A L'INTENTION DEL'OLJ qui n'a rien a voir avec l'article : POURQUOI PASSER SOUS SILENCE TOTAL L'APPEL DU GEN CHAMEL ROUKOZ A LA MANIFESTATION AU CENTRE VILLE CE JOUR ?????
Gaby SIOUFI
11 h 14, le 17 juillet 2020