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Culture - Arts plastiques

Les réseaux sociaux sont-ils inspirateurs ou tueurs de créativité ?

Pour sa quatrième édition, Sleeping With the Enemy production joue la carte de la distanciation. Semaan Khawam et Fadi el-Chamaa, les pères fondateurs du collectif, s’isolent à deux pour 21 jours au service de l’art. « Tabaaod » est une initiative enclenchée le 7 juillet et qui présente une particularité inédite, celle de se détacher complètement du monde numérique.

Les réseaux sociaux sont-ils inspirateurs ou tueurs de créativité ?

Semaan Khawam et Fady el-Chamaa vont créer en vase clos pendant 21 jours, sans accès à internet. Photo Lea Skayem

Un peu à la manière de la règle des trois unités dans le monde du théâtre au XVIIe siècle (l’unité d’action, de lieu et de temps), le collectif Sleeping With the Enemy production s’était imposé, depuis sa création, trois règles : chaque travail produit appartient au collectif, les œuvres sont proposées à la vente au même prix, et les bénéfices sont partagés entre tous les artistes. Mais pour cette nouvelle édition, cocuratée par Zalfa Halabi, Semaan Khawam et Fady el-Chamaa travaillent en binôme en s’interrogeant : les réseaux sociaux sont-ils inspirateurs ou tueurs de créativité ? Pour tenter de trouver une réponse, ils décident de se distancier du monde numérique. « Qui de nous n’a pas, au réveil, ce geste mécanique de prendre son portable pour aller surfer d’un réseau social à un autre ? » demandent les deux artistes. Ces images, ces mots s’impriment inconsciemment dans le cerveau, laissent souvent des traces que l’on reprend dans une conversation, au cours d’une réunion de travail ou même dans la conception d’une œuvre artistique. Pouvons-nous alors parler d’une liberté d’inspiration ? Quoi qu’il en soit, il y aura toujours des adeptes et des détracteurs des réseaux sociaux. Pour les uns, ces plateformes représentent de formidables outils de communication. Pour d’autres, elles représentent un gâchis de temps, une violation de la vie privée, sans oublier un certain contrôle de la pensée. C’est donc un confinement que les deux artistes s’imposent non par crainte du Covid-19, mais par besoin de se désintoxiquer, de stopper la contamination virtuelle, de se protéger et de créer, en dehors de toute influence. Leur but ultime est de redonner à l’art ses lettres de noblesse, de le sortir du contexte virtuel et de plus en plus chaotique, afin qu’il porte en lui la vérité, et non son reflet. Réussir à faire le vide afin de laisser place à la création, cette initiative n’est pas sans rappeler le principe du Tsimtsoum de l’école kabbalistique, selon lequel le Créateur, avant de créer, produit un espace de vide total pour laisser la place à la création : il se retire pour mieux voir.

Extinction des feux

Pour Fady el-Chamaa, le Liban postrévolution subit, comme le reste de la planète, les ravages psychologiques et physiologiques de l’épidémie du Covid 19. Vient s’ajouter à cela la situation économique désastreuse qui plonge le pays dans le chaos le plus absolu. Assailli par une multitude d’informations, avec tout ce que cela comporte comme intox, le citoyen internaute n’arrive plus à faire la part des choses, à déceler le vrai du faux, à mesurer ce qui a de la valeur et ce qui n’en a pas. Les deux artistes avouent avoir eux-mêmes cédé à la tentation de la facilité que les réseaux sociaux mettent à la disposition de tout un chacun. « Nous réalisons un dessin, confie Fadi el-Chamaa, nous le postons sur les réseaux sociaux, nous recevons des commentaires positifs ou négatifs, nous passons à autre chose, et le lendemain nous recommençons. Livré à domicile, personne ne prend même plus la peine de se déplacer pour voir l’œuvre. L’art n’est plus physique et l’inspiration créative est de plus en plus réduite. Il fut un temps où une lumière, un coin d’épaule, une nuit d’amour, une belle mélodie, opéraient sur la création. Aujourd’hui, nous sommes vissés sur nos écrans. Alors, depuis le 7 juillet, c’est l’extinction totale. Nos portables ne servent plus qu’à recevoir des appels. » Quant à Semaan Khawam, il avoue que l’enjeu est double. D’abord se déconnecter physiquement, mais aussi tenter de séparer, dans le regard des autres sur lui, le militant, l’activiste de la révolution d’octobre et l’artiste. « On a longtemps fait l’amalgame entre mon travail et mes convictions politiques, dit-il. Cela m’a porté préjudice et a nui à mon identité intrinsèque d’artiste. » Et d’ajouter : « Les réseaux sociaux sont devenus une benne à ordure où les débats sont soulevés, où les idées sont échangées d’une façon désordonnée et incohérente. La corruption est plus que politique, elle est sociale, présente dans les mentalités et le mode de vie de chacun et touche même le monde de l’art, un monde en chute libre. De quoi sera fait notre lendemain et quel sera le sort de ces artistes impuissants et dans l’incapacité de se payer un tube de peinture ? »

Deux hommes avec tout ce qui les sépare ou les rapproche, leurs différences et leurs similitudes, face à eux-mêmes mais surtout face au seul pouvoir de leurs mains, guidées par une force créative à l’état brut, en déconnexion avec le brouhaha extérieur, vont tenter de comprendre le monde et de l’interpréter à leur manière, en trois semaines. Sans interférences.

Un peu à la manière de la règle des trois unités dans le monde du théâtre au XVIIe siècle (l’unité d’action, de lieu et de temps), le collectif Sleeping With the Enemy production s’était imposé, depuis sa création, trois règles : chaque travail produit appartient au collectif, les œuvres sont proposées à la vente au même prix, et les bénéfices sont partagés entre...

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LES RESEAUX SOCIAUX COMME ILS SONT LA PLUPART SONT DES BORDELS.

LA LIBRE EXPRESSION

12 h 39, le 15 juillet 2020

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  • LES RESEAUX SOCIAUX COMME ILS SONT LA PLUPART SONT DES BORDELS.

    LA LIBRE EXPRESSION

    12 h 39, le 15 juillet 2020

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