C’est une décision qui pourrait chambouler les plans des pays du Golfe en vue d’une normalisation de leurs liens avec Israël. Alors que le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu ne cesse d’agiter le spectre d’une annexion d’une partie de la Cisjordanie, l’initiative unilatérale pourrait être officiellement actée dans une semaine jour pour jour. Une étape qui avait été annoncée en janvier dernier lors de la présentation du « plan de paix » préparé par l’administration américaine de Donald Trump et qui prévoit de légaliser le contrôle israélien sur 30 % des territoires occupés, incluant la vallée du Jourdain, où la population est majoritairement palestinienne.
À mesure que l’échéance approche, l’embarras est de plus en plus perceptible du côté des pays du Golfe. Si ces derniers avaient eu des réactions relativement modérées au plan de paix, dont le pan économique avait été déjà présenté à Bahreïn en juin 2019, ils s’étaient opposés au projet d’annexion des colonies de Cisjordanie et de la vallée du Jourdain. Officiellement, les monarchies de la péninsule Arabique n’entretiennent pas de relations avec l’État hébreu et maintiennent la position arabe traditionnelle au sujet du conflit israélo-palestinien. Celle-ci s’articule autour de l’« initiative de paix arabe » présentée par le roi Abdallah d’Arabie saoudite lors du sommet de la Ligue arabe de Beyrouth en 2002, en vue d’une solution à deux États et d’un retrait total d’Israël des territoires occupés.
Cette posture a toutefois été contrebalancée par leur attitude et la multiplication des contacts avec des officiels israéliens en coulisses au cours de ces dernières années, pavant la voie à un rapprochement avec l’État hébreu. Un double jeu encouragé par les leaders de la péninsule Arabique issus de la nouvelle génération symbolisée par le duo formé par le prince héritier saoudien Mohammad ben Salmane et son homologue émirati Mohammad ben Zayed, privilégiant d’abord la convergence d’intérêts stratégiques avec Israël dans la lutte contre l’expansionnisme iranien. Affichant leurs liens plus ouvertement, des officiels israéliens s’étaient rendus en octobre 2018 aux Émirats arabes unis et au Qatar dans le cadre de compétitions sportives tandis que Benjamin Netanyahu était reçu la même semaine à Mascate par l’ancien sultan Qabous. Plus récemment, les médias israéliens ont fait état de contacts entre Israël et trois pays du Golfe, dont les EAU et Bahreïn, dans le cadre de la lutte contre la pandémie de Covid-19. Deux avions siglés Etihad Airways, la compagnie aérienne émiratie, se sont également posés à l’aéroport Ben Gourion à Tel-Aviv depuis Abou Dhabi en mai dernier et au début du mois pour fournir de l’aide aux Palestiniens. Une cargaison qui a été aussitôt refusée par l’Autorité palestinienne, qui a refusé de servir d’intermédiaire entre Israël et les Émirats pour normaliser leurs relations.
« Alors que les Émirats arabes unis, l’Arabie saoudite et Bahreïn ne voudront pas renoncer à leurs partenariats tacites avec Israël (en cas d’annexion), ils subiront des pressions pour rendre leurs liens avec l’État hébreu moins visibles et plus confidentiels », explique Giorgio Cafiero, PDG de Gulf State Analytics, une société de conseil en risques géopolitiques basée à Washington, interrogé par L’Orient-Le Jour.
L’annexion d’une partie de la Cisjordanie par l’État hébreu signifierait la fin du régime d’occupation dans la région en vigueur depuis 1967. Le projet est décrié par une partie de la communauté internationale comme une violation du droit à l’autodétermination du peuple palestinien remettant en question la solution à deux États, alors que la Ligue arabe était allée jusqu’à le qualifier de « nouveau crime de guerre » en avril. Au début du mois, l’Organisation de la coopération islamique, dont le siège est à Djeddah, avait dénoncé une « grave escalade » des mesures israéliennes contre les Palestiniens, « constituant une proclamation officielle d’annulation de tous les accords signés » par Israël. Autant d’éléments qui rendent difficile l’acceptation de rapports plus décomplexés avec l’État hébreu pour les populations du Golfe si l’annexion était mise en œuvre.
S’adresser au public israélien
Espérant pouvoir sauver la face, des officiels de la région sont montés au créneau dans les médias israéliens, une démarche inhabituelle, pour s’adresser directement au public israélien et avertir des conséquences qu’une annexion pourrait avoir. Dans une tribune publiée en hébreu dans le quotidien israélien Yediot Aharonot le 12 juin, l’ambassadeur des Émirats arabes unis à Washington, Youssef al-Otaïba, prévient que « l’annexion va certainement et immédiatement bouleverser les aspirations israéliennes à l’amélioration des liens sécuritaires, économiques et culturels avec le monde arabe et avec les Émirats arabes unis ». « Elle durcira également la vision arabe à l’égard d’Israël juste au moment où les initiatives émiraties ouvrent un espace d’échange culturel et de compréhension élargie d’Israël et du judaïsme », anticipe-t-il. Même ton dans les propos tenus la semaine suivante par Nawaf Obaid, ancien conseiller auprès du gouvernement saoudien entre 2002 et 2015, dans les colonnes du quotidien israélien Haaretz : « Si Israël annexait les colonies juives de Cisjordanie, il condamnerait tout espoir de paix avec les Palestiniens, fermerait la porte aux liens stratégiques régionaux et renverserait tous les progrès réalisés avec certains pays arabes. »
« Surtout en raison de leur intérêt à modérer un public national et régional, les autorités de ces pays arabes devront publier des déclarations fermes condamnant le processus d’annexion », souligne Giorgio Cafiero. Selon lui, « derrière la rhétorique, on peut s’attendre à ce que les dirigeants d’Abou Dhabi et de Riyad continuent de coopérer avec Israël, car il restera un fort alignement entre ces capitales du Golfe et Tel-Aviv en ce qui concerne la lutte contre la Turquie, les Frères musulmans et la République islamique d’Iran ».
Ce n'est pas demain que les dirigeants du Golfe vont se défaire de leur dépendance économique au pétrole et de leur dépendance militaire vis-à-vis des USA. Vu que ces derniers pourraient avoir des vélléités isolationistes surtout avec Trump l'imprévisible, il est logique que ces monarchies pétrolières cherchent une alliance avec Israël. Certes ils sont usurpateurs dans le sens où ils prétendent être des exemples de réussite économique alors que si on enlève le pétrole ils ne sont plus rien... Et prétendent être les amis des Palestiniens alors qu'ils les trahissent presque pas en cachette.. Le peuple palestinien est comme le peuple syrien: il a beaucoup de prétendus amis mais aucun véritable parmi les régimes en place.. Quand à l'Iran au Hezbollah et à leur Axe de l'Imposture, si seulement ils avaient fait pour la libération de la Palestine le millième de ce qu'ils ont fait pour maintenir Bachar el Assad au pouvoir...
19 h 03, le 24 juin 2020