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Moyen-Orient - Éclairage

Le malaise des pays du Golfe face à une possible annexion de la Cisjordanie

Alors qu’ils entretiennent déjà des liens en coulisses avec l’État hébreu, l’initiative unilatérale israélienne prévue pour le 1er juillet ralentirait leur rapprochement en public.

Le malaise des pays du Golfe face à une possible annexion de la Cisjordanie

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu montrant sur une carte la vallée du Jourdain, lors d’une conférence de presse à Ramat Gan, près de Tel-Aviv, le 10 septembre 2019. Menahem Kahan/AFP

C’est une décision qui pourrait chambouler les plans des pays du Golfe en vue d’une normalisation de leurs liens avec Israël. Alors que le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu ne cesse d’agiter le spectre d’une annexion d’une partie de la Cisjordanie, l’initiative unilatérale pourrait être officiellement actée dans une semaine jour pour jour. Une étape qui avait été annoncée en janvier dernier lors de la présentation du « plan de paix » préparé par l’administration américaine de Donald Trump et qui prévoit de légaliser le contrôle israélien sur 30 % des territoires occupés, incluant la vallée du Jourdain, où la population est majoritairement palestinienne.

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À mesure que l’échéance approche, l’embarras est de plus en plus perceptible du côté des pays du Golfe. Si ces derniers avaient eu des réactions relativement modérées au plan de paix, dont le pan économique avait été déjà présenté à Bahreïn en juin 2019, ils s’étaient opposés au projet d’annexion des colonies de Cisjordanie et de la vallée du Jourdain. Officiellement, les monarchies de la péninsule Arabique n’entretiennent pas de relations avec l’État hébreu et maintiennent la position arabe traditionnelle au sujet du conflit israélo-palestinien. Celle-ci s’articule autour de l’« initiative de paix arabe » présentée par le roi Abdallah d’Arabie saoudite lors du sommet de la Ligue arabe de Beyrouth en 2002, en vue d’une solution à deux États et d’un retrait total d’Israël des territoires occupés.

Cette posture a toutefois été contrebalancée par leur attitude et la multiplication des contacts avec des officiels israéliens en coulisses au cours de ces dernières années, pavant la voie à un rapprochement avec l’État hébreu. Un double jeu encouragé par les leaders de la péninsule Arabique issus de la nouvelle génération symbolisée par le duo formé par le prince héritier saoudien Mohammad ben Salmane et son homologue émirati Mohammad ben Zayed, privilégiant d’abord la convergence d’intérêts stratégiques avec Israël dans la lutte contre l’expansionnisme iranien. Affichant leurs liens plus ouvertement, des officiels israéliens s’étaient rendus en octobre 2018 aux Émirats arabes unis et au Qatar dans le cadre de compétitions sportives tandis que Benjamin Netanyahu était reçu la même semaine à Mascate par l’ancien sultan Qabous. Plus récemment, les médias israéliens ont fait état de contacts entre Israël et trois pays du Golfe, dont les EAU et Bahreïn, dans le cadre de la lutte contre la pandémie de Covid-19. Deux avions siglés Etihad Airways, la compagnie aérienne émiratie, se sont également posés à l’aéroport Ben Gourion à Tel-Aviv depuis Abou Dhabi en mai dernier et au début du mois pour fournir de l’aide aux Palestiniens. Une cargaison qui a été aussitôt refusée par l’Autorité palestinienne, qui a refusé de servir d’intermédiaire entre Israël et les Émirats pour normaliser leurs relations.

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« Alors que les Émirats arabes unis, l’Arabie saoudite et Bahreïn ne voudront pas renoncer à leurs partenariats tacites avec Israël (en cas d’annexion), ils subiront des pressions pour rendre leurs liens avec l’État hébreu moins visibles et plus confidentiels », explique Giorgio Cafiero, PDG de Gulf State Analytics, une société de conseil en risques géopolitiques basée à Washington, interrogé par L’Orient-Le Jour.

L’annexion d’une partie de la Cisjordanie par l’État hébreu signifierait la fin du régime d’occupation dans la région en vigueur depuis 1967. Le projet est décrié par une partie de la communauté internationale comme une violation du droit à l’autodétermination du peuple palestinien remettant en question la solution à deux États, alors que la Ligue arabe était allée jusqu’à le qualifier de « nouveau crime de guerre » en avril. Au début du mois, l’Organisation de la coopération islamique, dont le siège est à Djeddah, avait dénoncé une « grave escalade » des mesures israéliennes contre les Palestiniens, « constituant une proclamation officielle d’annulation de tous les accords signés » par Israël. Autant d’éléments qui rendent difficile l’acceptation de rapports plus décomplexés avec l’État hébreu pour les populations du Golfe si l’annexion était mise en œuvre.

S’adresser au public israélien

Espérant pouvoir sauver la face, des officiels de la région sont montés au créneau dans les médias israéliens, une démarche inhabituelle, pour s’adresser directement au public israélien et avertir des conséquences qu’une annexion pourrait avoir. Dans une tribune publiée en hébreu dans le quotidien israélien Yediot Aharonot le 12 juin, l’ambassadeur des Émirats arabes unis à Washington, Youssef al-Otaïba, prévient que « l’annexion va certainement et immédiatement bouleverser les aspirations israéliennes à l’amélioration des liens sécuritaires, économiques et culturels avec le monde arabe et avec les Émirats arabes unis ». « Elle durcira également la vision arabe à l’égard d’Israël juste au moment où les initiatives émiraties ouvrent un espace d’échange culturel et de compréhension élargie d’Israël et du judaïsme », anticipe-t-il. Même ton dans les propos tenus la semaine suivante par Nawaf Obaid, ancien conseiller auprès du gouvernement saoudien entre 2002 et 2015, dans les colonnes du quotidien israélien Haaretz : « Si Israël annexait les colonies juives de Cisjordanie, il condamnerait tout espoir de paix avec les Palestiniens, fermerait la porte aux liens stratégiques régionaux et renverserait tous les progrès réalisés avec certains pays arabes. »

« Surtout en raison de leur intérêt à modérer un public national et régional, les autorités de ces pays arabes devront publier des déclarations fermes condamnant le processus d’annexion », souligne Giorgio Cafiero. Selon lui, « derrière la rhétorique, on peut s’attendre à ce que les dirigeants d’Abou Dhabi et de Riyad continuent de coopérer avec Israël, car il restera un fort alignement entre ces capitales du Golfe et Tel-Aviv en ce qui concerne la lutte contre la Turquie, les Frères musulmans et la République islamique d’Iran ».

C’est une décision qui pourrait chambouler les plans des pays du Golfe en vue d’une normalisation de leurs liens avec Israël. Alors que le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu ne cesse d’agiter le spectre d’une annexion d’une partie de la Cisjordanie, l’initiative unilatérale pourrait être officiellement actée dans une semaine jour pour jour. Une étape qui avait été...

commentaires (7)

Ce n'est pas demain que les dirigeants du Golfe vont se défaire de leur dépendance économique au pétrole et de leur dépendance militaire vis-à-vis des USA. Vu que ces derniers pourraient avoir des vélléités isolationistes surtout avec Trump l'imprévisible, il est logique que ces monarchies pétrolières cherchent une alliance avec Israël. Certes ils sont usurpateurs dans le sens où ils prétendent être des exemples de réussite économique alors que si on enlève le pétrole ils ne sont plus rien... Et prétendent être les amis des Palestiniens alors qu'ils les trahissent presque pas en cachette.. Le peuple palestinien est comme le peuple syrien: il a beaucoup de prétendus amis mais aucun véritable parmi les régimes en place.. Quand à l'Iran au Hezbollah et à leur Axe de l'Imposture, si seulement ils avaient fait pour la libération de la Palestine le millième de ce qu'ils ont fait pour maintenir Bachar el Assad au pouvoir...

Citoyen libanais

19 h 03, le 24 juin 2020

Tous les commentaires

Commentaires (7)

  • Ce n'est pas demain que les dirigeants du Golfe vont se défaire de leur dépendance économique au pétrole et de leur dépendance militaire vis-à-vis des USA. Vu que ces derniers pourraient avoir des vélléités isolationistes surtout avec Trump l'imprévisible, il est logique que ces monarchies pétrolières cherchent une alliance avec Israël. Certes ils sont usurpateurs dans le sens où ils prétendent être des exemples de réussite économique alors que si on enlève le pétrole ils ne sont plus rien... Et prétendent être les amis des Palestiniens alors qu'ils les trahissent presque pas en cachette.. Le peuple palestinien est comme le peuple syrien: il a beaucoup de prétendus amis mais aucun véritable parmi les régimes en place.. Quand à l'Iran au Hezbollah et à leur Axe de l'Imposture, si seulement ils avaient fait pour la libération de la Palestine le millième de ce qu'ils ont fait pour maintenir Bachar el Assad au pouvoir...

    Citoyen libanais

    19 h 03, le 24 juin 2020

  • PENSEZ CE QUE VOUSVOULEZ MAIS LES PAYS ARABES ONT UN BESOIN IMMINENT D'ISRAEL DANS LEURE LUTTE CONTRE L'IRAN ET OFFICIELEMENT ILS FERONT DES DISCOURS CONTRE L'ANNEXION MAIS EN DESSOUS TOUT RESTERA COMME AVANT LA CAUSE PALESTINIENNE A FINI PAR LASSER LES ARABES ET LES OCCIDENTAUX A FORCE DE VOIR LES PALESTINIENS REFUSER TOUT DIALOGUE AVEC ISRAEL NE SERAIT=CE QUE POUR OBTENIR MIEUX QUE CE QUI EST PROPOSE TRUMP A COMPRIS CELA ET SAVAIT PARFECTEMENT QUE SON PLAN POURRA AVOIR DES AMENDEMENTS DANS LES DISCUSSIONS BI OU TRILATERALES LA VERITE LA POSITION INCHANGEABLE DES PALESTINIENS ( RETOUR AUX FRONTIERES DE 1967, RETOUR DES REFUGIES EN ISRAEL ETC.. ) A FAIT QUE RIEN N'A AVANCE DEPUIS OSLO ET LES GRANDS PERDANTS SONT LES PALESTINIENS EUX MEMES MAIS QU'ATTENDEZ VOUS DE DIRIGEANTS QUI REFUSENT UNE AIDE MEDICALE D'UN PAYS FRERE ARABE CONTRE LE CORONA VIRUS PARCEQUE TRANSPORTEE VIA ISRAEL LA PREUVE FLAGRANTE QUE CES DIRIGEANTS N'ONT QUE FAIRE DE LEUR PEUPLE MAIS PENSE UNIQUEMENT A EUX MEMES ( QUI N'HESITENT PAS A FAIRE SOIGNER LEURS PROCHES EN ISRAEL D'AILLEURS ) A QUAND LA REVOLUTION DU PEUPLE PALESTINIEN CONTRE SES DIRIGEANS FATH ET HAMAS REUNUIS?

    LA VERITE

    15 h 21, le 24 juin 2020

  • Nous dire que les bédouins du golfe persique vont ralentir leur coopération en douce avec le pays usurpateur , est d'un ridicule qui provoque un rire infini. Les bédouins, les Européens sont dans le même sac , incapable de réagir et forcés de se la boucler parce que pris en otage par leur maître. Des hypocrites . Les seules vraies forces qui s'opposent sont les forces de résistance du hezb libanais et de ses alliés régionaux. Même si on estime que les résultats tardent à se faire voir , eux , au moins ne sont pas hypocrites.

    FRIK-A-FRAK

    14 h 32, le 24 juin 2020

  • Israël exploitera les eaux du Jourdain et les pays arabes vont applaudir car la cause palestinienne est devenue dans le monde de l 'oubli

    Antoine Sabbagha

    13 h 34, le 24 juin 2020

  • ""Annexion"". L’obsession d’Israël des ressources vitales, comme l’eau, et d’avoir accès quand ce n’est pas par la force, c’est par la négociation directe ou avec l’ONU. Exemple, les négociations avec la Syrie sur le lac de Tibériade. Autre exemple, ""les experts"", (de quelles nationalités ?) mandatés par l’ONU pour le méga-projet Renaissance/Nahda en Ethiopie, et qui risque d’allumer un autre feu. Assécher le Nil sous prétexte de mauvaise gestion égyptienne de l’eau, est un grand risque, et c’est l’Egypte qui va souffrir. Là aussi il y aura des négociations, car les visées expansionnistes de Bibi n’ont pas de limites. L’eau du Nil sera négociable, sinon quoi ? Les eaux du Litani tellement polluées que ce n’est pas la peine d’en parler. Toutes ces tribunes des inconditionnels de cette entité, comme celle publiée dans "Le Monde" pour dénoncer l’annexion ne sont que de la poudre aux yeux. Israël exploitera les eaux du Jourdain, et qu’on ne vienne parler de la dangerosité de l’un ou de l’autre, quand Erdogan et Poutine se partagent les rôles en Libye… C. F.

    L'ARCHIPEL LIBANAIS

    13 h 04, le 24 juin 2020

  • IL FAUT METTRE UN FREIN AUX DEUX DANGEREUX FANATIQUES DE LA REGION NETANYAHU ET ERDO.

    LA LIBRE EXPRESSION

    11 h 36, le 24 juin 2020

  • vous avez dit malaise? mais c'est la honte qui devrait se lire sur leurs visages ainsi que tous les pays du monde !!!! les israéliens font subir aux palestiniens les conséquences d'un crime que d'autres ont commis ,il y a 80ans avec le concours des puissances occidentales trop heureuses de conserver ainsi leur "équilibre" régional; mais la roche tarpéienne est près du capitole et les générations futures se souviendront aussi de cette honte;J.P

    Petmezakis Jacqueline

    06 h 59, le 24 juin 2020

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