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Procès anticorruption : Kamerhe et son co-accusé libanais condamnés à "20 ans de travaux forcés"


Procès anticorruption : Kamerhe et son co-accusé libanais condamnés à

L'ex-président de l'Assemblée nationale de la République démocratique du Congo Vital Kamerhe, lors d'une conférence de presse à Genève, le 11 novembre 2018. Photo AFP / Fabrice COFFRINI

C'était encore inconcevable il y a six mois: un intouchable de la vie politique congolaise, Vital Kamerhe, allié et directeur de cabinet du président de la République démocratique du Congo, a été condamné à 20 ans de "travaux forcés" pour des faits de corruption.

M. Kamerhe, 61 ans, a été reconnu coupable du "détournement de deniers publics portant sur le montant de 48,831 millions de dollars" avec son principal co-accusé, l'entrepreneur libanais Jammal Samih, 79 ans. M. Kamerhe a été condamné à d'autres peines (deux fois deux ans de travaux forcés pour le détournement d'autres sommes, et 15 ans de prison pour corruption). Le tribunal a indiqué qu'il "cumule les peines" et prononce à l'encontre des deux principaux accusés "la peine de 20 ans de travaux forcés chacun".

La défense a immédiatement annoncé son intention de faire appel de cette peine à des "travaux forcés", qu'elle juge par ailleurs contraire à la Constitution.

M. Kamerhe est accusé d'avoir détourné des fonds publics alloués à la construction de 1.500 logements sociaux dans le cadre du programme dit des "100 jours" du nouveau chef de l'Etat, Félix Tshisekedi, investi le 24 janvier 2019. "Ce n'est pas moi qui suis attaqué, c'est le président de la République", avait-t-il glissé face au parquet qui lui avait justement reproché sa "tendance à se cacher derrière le chef de l'État" Félix Tshisekedi.

Bien plus qu'un simple directeur de cabinet, M. Kamerhe s'était désisté en faveur de M. Tshisekedi avant l'élection présidentielle du 30 décembre 2018. Il devait être lui-même candidat à la prochaine élection en 2023, selon un accord politique entre les deux hommes à Nairobi en novembre 2018.

Des tensions ont été enregistrées samedi dans la province d'origine de M. Kamerhe, le Sud-Kivu, où la police a dispersé comme la veille des sympathisants de M. Kamerhe.

"Le gouvernement a pris toutes les dispositions nécessaires en vue de faire face à tout mouvement pouvant résulter du verdict attendu", lit-on dans le compte rendu du Conseil des ministres qui s'est tenu vendredi.

Rebondissements

 Le tribunal a siégé samedi, après un rebondissement de dernière minute la veille sous la forme d'un conflit de juridictions. Vendredi, la Cour constitutionnelle a demandé au tribunal de lui transmettre le dossier en "l'état" et "toutes affaires cessantes, l'estimant "frappé de l'exception d'inconstitutionnalité". Cette "exception" avait été soulevée par la défense de M. Kamerhe lors de la dernière audience le 11 juin, jour du réquisitoire et des plaidoiries. Ses avocats estiment que la peine de "travaux forcés" requise par le parquet est interdite par la Constitution, même si elle existe dans le Code pénal. Le tribunal a répondu à la Cour constitutionnelle qu'il était dans "l'impossibilité" de lui transmettre le dossier.

Un autre événement a marqué ce procès hors norme retransmis en direct, et qui captive les Congolais : la mort du premier magistrat qui présidait les débats le 27 mai, à peine deux jours après la deuxième audience. Une enquête pour "meurtre" a été ouverte, a indiqué le ministre de la Justice Célestin Tunda Ya Kasende, attribuant son décès à une "hémorragie intracrânienne" résultant d'un "traumatisme" crânien et de "coups" reçus" à un endroit très sensible du crâne". La famille du magistrat Raphaël Yanyi a contesté ces conclusions du rapport d'autopsie, privilégiant la piste de l'empoisonnement.
En conclusion de sa plaidoirie, l'avocat de l'Etat, partie civile, avait demandé au tribunal d'honorer la mémoire du juge, "qui a sacrifié sa vie pour permettre que l'Etat de droit advienne dans ce pays".

Ce procès n'est pas isolé. Dans une autre affaire liée au programme des 100 jours, quinze ans de prison ont été requis contre trois responsables d'agences publiques et un entrepreneur congolais, également pour détournements présumés de fonds publics. Jugement attendu le 23 juin. Ces opérations "mains propres" sont assez rares dans un pays classé 168e sur 180 dans l'indice de perception de la corruption dans le rapport 2020 de Transparency international. Mais le garde des Sceaux avait souhaité en février un "renouveau" de la justice, rappelant la volonté présidentielle d'instaurer "un véritable État de droit".

Des anciens ministres, l'actuel gouverneur de la Banque centrale et plusieurs responsables des services de l'État ont témoigné sur leur part de responsabilité dans le décaissements des fonds ainsi que sur le rôle joué par M. Kamerhe. "Certains acteurs clé dans les mécanismes de détournements semblent avoir été épargnés. C'est difficilement compréhensible", regrette Floribert Anzulini, du mouvement citoyen Filimbi, qui cite une banque commerciale au cœur de l'affaire. Un avis partagé par le lanceur d'alerte Jean-Jacques Lumumba : "Au sein de la chaîne des dépenses", des responsables auraient dû "être inquiétés" parce qu'ils "n'ont pas fait leur travail".

C'était encore inconcevable il y a six mois: un intouchable de la vie politique congolaise, Vital Kamerhe, allié et directeur de cabinet du président de la République démocratique du Congo, a été condamné à 20 ans de "travaux forcés" pour des faits de corruption. M. Kamerhe, 61 ans, a été reconnu coupable du "détournement de deniers publics portant sur le montant de 48,831 millions...