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Politique - Les Échos de l’Agora

Retour au point de départ...

Place des Martyrs en ce 6 juin 2020. Les manifestants sont là, comme d’habitude depuis le 17 octobre dernier. Mais ce n’est point la même ambiance de kermesse festive célébrant une libération du peuple des ghettos confessionnels.

Tous ceux qui étaient là sont rentrés chez eux avec un sentiment de frustration, un désir d’autonomie inassouvi. Les plus lucides avaient compris que le pays était revenu au point de départ, en septembre 2004 et le vote de la résolution 1559 du Conseil de sécurité. La 1559 fut l’étincelle de l’incendie qui ne cesse de consumer le pays jusqu’à aujourd’hui. La loi César, votée par les Américains contre le régime syrien (et qui entre en vigueur le 17 juin), a ramené le Liban en 2004, au point de départ du coup d’État permanent que le Hezbollah entreprend, depuis lors, avec ses auxiliaires chrétiens.

Les leçons de cette journée sont multiples :

1 – La période du bluff et du double langage est terminée. Le duo Hezbollah-Amal a jeté le masque des embrassades du vivre-ensemble et montré sa détermination à déclencher une guerre civile contre les « chrétiens » qu’il appelle indistinctement « Forces libanaises », et une guerre sectaire contre les « sunnites » qu’il traite de « sionistes ». Sur la place des Canons, tout le monde était devenu à leurs yeux « vous les Forces libanaises ». Par contre, un peu plus haut, les groupes descendus vers le Ring venant du quartier de Khandak el-Ghamik s’en prenaient à la foule en lançant leur cri de guerre « Chiaa, Chiaa, Chiaa » et en traitant le public de « sionistes ». Mais il n’y avait pas que cela. Il y avait également toute la chienlit que les officines de barbouzes savent si bien manipuler.

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2 – Certains ont cru nécessaire de se positionner comme en 1975 sur des lignes de front imaginaires, entre les quartiers de Aïn el-Remmaneh et de Chiyah… Rien ne sera comme avant, rien ne reviendra en arrière. Les nostalgiques de la période « Bachir Gemayel » se trompent lourdement. On ne répond pas à la provocation sectaire par un positionnement sectaire mais par un positionnement national.

3 – Les tenants de l’action dite « société civile » ont sans doute réalisé que leur stratégie demeure utopique dans le contexte actuel. À supposer que des élections législatives puissent avoir lieu, elles ne changeront pas grand-chose tant que le Hezbollah ne neutralise pas son arsenal iranien qui n’est pas là pour servir le Liban mais pour soumettre le pays, l’État et toute la population à la volonté de Téhéran.

4 – Cependant, on notera la présence de revendications en faveur de la résolution 1559 qui exige le retrait des armes de toutes les milices libanaises, y compris le Hezbollah. Ainsi la journée de samedi a mis ouvertement le doigt sur la plaie permanente du Liban : la castration de sa souveraineté et la perméabilité de la frontière avec la Syrie à travers laquelle tous les trafics ont lieu : armes, drogues, produits du pillage du Liban, assassins du peuple syrien, etc.

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Le clivage est clair et net. D’un côté, un peuple de mercenaires à la solde de l’Iran appuyés par des groupes sectaires opportunistes. En face, le peuple bariolé du Liban qui ne parvient pas à transformer son éveil du 17 octobre 2019 en un processus politique réaliste et cohérent ou, à défaut, ouvertement révolutionnaire.

Et maintenant on fait quoi ? Tout le monde est au pied du mur. Le Liban est dans l’œil du cyclone. Il faut pouvoir survivre. L’arsenal du Hezbollah, l’étanchéité de la frontière dépassent les capacités inexistantes de la seule République libanaise. Tout ce qu’on peut espérer c’est que l’État puisse mener à bien les négociations avec le FMI afin de soulager la population bientôt au bord de la famine et, surtout, de sauver ce qui peut encore l’être : ses établissements d’éducation, son secteur bancaire et le haut niveau de ses services médicaux.

Place des Martyrs en ce 6 juin 2020. Les manifestants sont là, comme d’habitude depuis le 17 octobre dernier. Mais ce n’est point la même ambiance de kermesse festive célébrant une libération du peuple des ghettos confessionnels. Tous ceux qui étaient là sont rentrés chez eux avec un sentiment de frustration, un désir d’autonomie inassouvi. Les plus lucides avaient compris que le...

commentaires (4)

Puisse l'analyse d'Antoine Courban être lue, relue et méditée afin d' éveiller la conscience politique, c'est urgent!

Beauchard Jacques

11 h 33, le 08 juin 2020

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Commentaires (4)

  • Puisse l'analyse d'Antoine Courban être lue, relue et méditée afin d' éveiller la conscience politique, c'est urgent!

    Beauchard Jacques

    11 h 33, le 08 juin 2020

  • puisque, je cite "" Les nostalgiques de la période « Bachir Gemayel » se trompent lourdement.""- que l'iran est inamovible de chez nous, que la preuve multipliee par 10 000 nous rappelle l'inconviviabilite dans notre pays,il n'y a plus qu'a esperer que la theorie que les usa tiennent a notre stabilite economique puisqu'a l'origine-entre autres- des troubles la menacent. en attendant j'espere qu'une strategie basee sur le 6 juin serait etudiee par tous les vrais acteurs de la revolution.

    Gaby SIOUFI

    11 h 06, le 08 juin 2020

  • LE MANDAT SUPPOSE ETAT FORT ET AU CPL COMPLICE DES DEUX MILICES IRANIENNES ET PROVOQUANT GENDRISSIMALEMENT PARTOUT LE CONFESSIONALISME MENE LE PAYS A SA DESTRUCTION. LE SEUL REMEDE POUR GARDER LE PAYS UNI... SI ON VEUT LE GARDER...SONT LES CANTONS A LA SUISSE. CA SI LES LIBANAIS VEULENT SAUVER LEUR PAYS.

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 19, le 08 juin 2020

  • Excellente analyse. Merci.

    M.E

    00 h 16, le 08 juin 2020

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