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Politique - Décryptage

D’un report à l’autre, les nominations butent sur l’absence de consensus politique

S’il est vrai que le gouvernement de Hassane Diab n’a pas eu beaucoup de chance depuis sa formation en raison de la succession de crises auxquelles il a dû faire face, il reste responsable du flop dans le dossier des nominations. De report en report, cette question est donc en train de miner la crédibilité du gouvernement, acquise essentiellement grâce à la gestion de la crise du coronavirus. Et ceux qui avaient accusé le cabinet dès sa formation d’être une copie à peine améliorée des équipes précédentes ne se privent pas de constater que leurs allégations se sont vérifiées.

Tout a commencé avec la volonté du gouvernement de désigner les vice-gouverneurs de la Banque du Liban et les membres de la commission de contrôle des banques, en somme de procéder à ce qu’on appelle les nominations financières. Le président du Conseil avait annoncé son intention de ne maintenir aucune personne à son poste et il s’est rapidement heurté au courant du Futur qui voulait maintenir le vice-gouverneur sunnite. Cette volonté du parti haririen a poussé le président de la Chambre, Nabih Berry, et le leader du PSP, Walid Joumblatt, à augmenter leurs exigences et le dossier est rapidement devenu ingérable, d’autant que le courant des Marada a contesté à son tour les propositions de noms chrétiens qu’il estimait être tous proches du Courant patriotique libre. L’affaire n’est pas restée simplement interne, puisque dans un communiqué l’ambassade des États-Unis s’est invitée dans les négociations en appuyant de façon implicite un des noms que voulait changer Hassane Diab. Pourtant, la démarche de ce dernier n’était pas simplement dictée par une volonté de changement. Selon des sources proches du Sérail, le Premier ministre pensait qu’il ne servirait à rien de remplacer le gouverneur de la banque centrale si l’appareil qui le soutient reste le même. Il fallait donc commencer par cette équipe. Mais il s’est heurté à un mélange d’interventions politiques et diplomatiques et il a décidé de reporter le dossier, le temps de laisser la situation se calmer.

Il y a eu ensuite l’affaire du mohafez de Beyrouth, qui a provoqué une crise avec la communauté grecque-orthodoxe, ou du moins avec un grand nombre de personnalités appartenant à cette communauté, avec à leur tête le métropolite de Beyrouth Mgr Élias Audi. Après une réunion houleuse à Achrafieh et une médiation sous la houlette du président de la République, cette crise a été pratiquement réglée, mais le gouvernement préfère procéder à un paquet de nominations en même temps. Plus récemment, il y a eu encore des tiraillements au sujet de la désignation d’un nouveau directeur général de la Fonction publique, un poste-clé pour les autres nominations. Le président du Conseil a une candidate qui est contestée par d’autres...

Entre ces conflits, il y a eu le long feuilleton des nominations judiciaires qui continue à errer entre les bureaux du ministère de la Justice et ceux du ministère de la Défense. Apparemment, il s’agit essentiellement d’un problème d’équité et d’équilibre confessionnel dans les permutations. La ministre de la Justice a elle-même déclaré qu’il n’y avait pas un critère unifié dans le projet présenté par le Conseil supérieur de la magistrature et les milieux proches du CPL précisent que ce conseil a tenu compte des souhaits de certaines parties politiques et confessionnelles au détriment d’autres. Des accusations sont d’ailleurs échangées entre les différentes parties et le sort du projet présenté par le CSM reste flou.

Dans ce contexte déjà compliqué, le Parlement a adopté la semaine dernière une loi sur un mécanisme précis pour les nominations aux postes de première catégorie au sein de l’administration. Cette loi a été fortement contestée par le CPL qui prépare d’ailleurs un recours devant le Conseil constitutionnel. Le motif déclaré est que cette loi viole la Constitution qui donne un pouvoir discrétionnaire au ministre concerné dans les nominations au sein de son ministère. Cette disposition de la Constitution s’est heurtée tout au long des années écoulées à l’exigence du consensus qui a affaibli le rôle du ministre au profit du Conseil des ministres réuni. Le résultat a été que chaque train de nominations, tout au long des années précédentes, se heurtait à la volonté d’obtenir l’accord de toutes les parties représentées au sein des gouvernements successifs. Au final, les nominations n’avaient lieu que lorsqu’un accord préalable avait été conclu entre les principales composantes du cabinet.

Dans le premier gouvernement présidé par Saad Hariri en 2009, le ministre du Développement administratif de l’époque, Mohammad Fneich, avait proposé un mécanisme pour les nominations afin de contourner les pièges du partage des quotes-parts confessionnelles et politiques. Ce processus, dont la loi adoptée la semaine dernière s’est largement inspirée, n’a pas réussi à éliminer les habituels tiraillements entre les différentes parties politiques à chaque nomination. Il a d’ailleurs été rarement appliqué et en réalité, à chaque fois qu’il a été mis en œuvre, c’est qu’il y avait un conflit sur les nominations, lequel n’était réglé que par la conclusion d’une entente politique, au moins sur les grandes lignes.

Aujourd’hui, le débat se poursuit et pour les sources proches du CPL, la nouvelle loi n’est qu’une tentative supplémentaire de l’empêcher de participer aux nominations à l’instar des autres composantes du gouvernement. Car, en pratique, les deux formations chiites s’entendent sur les candidats pour les postes chiites, le chef du PSP et le chef du Parti démocratique se partagent les postes druzes, le courant du Futur protège sa part dans les nominations pour les postes sunnites et ce n’est que pour les postes chrétiens qu’on réclamera l’application du mécanisme prévu par la loi. D’ailleurs, toujours selon les sources proches du CPL, les candidats pour les nominations dont il est question actuellement – qu’il s’agisse des postes financiers ou administratifs comme la Fonction publique – n’ont pas été proposés selon le mécanisme prévu par la nouvelle loi. Autrement dit, celle-ci reste un moyen de contrôler les nominations, lorsqu’il n’y a pas d’entente préalable...

Face à ces arguments et contre-arguments, le gouvernement continue de faire du surplace dans cette affaire, qui a d’ailleurs été reportée à jeudi prochain. Pourquoi ? Dans l’espoir qu’entre-temps, les médiations puissent réussir à aboutir à des accords préalables !

S’il est vrai que le gouvernement de Hassane Diab n’a pas eu beaucoup de chance depuis sa formation en raison de la succession de crises auxquelles il a dû faire face, il reste responsable du flop dans le dossier des nominations. De report en report, cette question est donc en train de miner la crédibilité du gouvernement, acquise essentiellement grâce à la gestion de la crise du...

commentaires (8)

Merci Mme Haddad pour la 1ere phrase car ça m'a éviter de lire l'article tout entier "S’il est vrai que le gouvernement de Hassane Diab n’a pas eu beaucoup de chance depuis sa formation " ... Correction quand même si vous permettez, cette phrase aurait dû dire " n'a pas eu beaucoup d'honnêteté, car il a promit d'être un groupe de technocrates indépendants et il s'avère que ce n'est pas vrai, n'a pas beaucoup de c.....es car il se fait marcher dessus par tout politiciens des présidents 1 et 2 et d'autres plus leaders que présidents, ainsi que d'autres valeurs qu'il n'a pas..."... Merci de nouveau de m'avoir économiser des minutes pour lire la suite de la saga bashar asma et les makhlouf...

Wlek Sanferlou

15 h 16, le 05 juin 2020

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Commentaires (8)

  • Merci Mme Haddad pour la 1ere phrase car ça m'a éviter de lire l'article tout entier "S’il est vrai que le gouvernement de Hassane Diab n’a pas eu beaucoup de chance depuis sa formation " ... Correction quand même si vous permettez, cette phrase aurait dû dire " n'a pas eu beaucoup d'honnêteté, car il a promit d'être un groupe de technocrates indépendants et il s'avère que ce n'est pas vrai, n'a pas beaucoup de c.....es car il se fait marcher dessus par tout politiciens des présidents 1 et 2 et d'autres plus leaders que présidents, ainsi que d'autres valeurs qu'il n'a pas..."... Merci de nouveau de m'avoir économiser des minutes pour lire la suite de la saga bashar asma et les makhlouf...

    Wlek Sanferlou

    15 h 16, le 05 juin 2020

  • A quoi sert le partage du fromage avarié? Corrupteurs,corrompus, prenez votre aise. Sans répit, sans scrupules.

    Esber

    12 h 13, le 05 juin 2020

  • Diab a choisi de signer en sachant que à l’avance que c’est pour en chi... alors que la rue avait une plus longue vue sur ce qui allait se passer si le gouvernement était méticuleusement choisi par les vendus, Diab faisait mine d’ignorer ce qui l’attendait. Lorsque SH parle des postes pourvus aux chrétiens en précisant que le CPL bataille pour placer ses pions comme s’il représentait les chrétiens on a envie de pouffer. Les chrétiens sont nombreux à pouvoir accomplir des tâches ministérielles ou à occuper des postes régaliens sans être affiliés au CPL. Mais le but de Gibran et Aoun est de garder le contrôle pour arriver à leur fin qui est de céder le pays aux vendus juste pour garder le fauteuil ainsi que l’autre du Nord Frangié qui défend à cor et à cri les armes des vendus pour plaire à ses maître en espérant trôner. Même pas en rêve. Nous ne voulons plus de marionette dans ce fauteuil et encore moins de vendu.

    Sissi zayyat

    11 h 48, le 05 juin 2020

  • Ce n'est point la faute du gouvernement actuel mais de l'establishement politique ominiprésent qui entrave tout changement . et on se retrouve et retombe dans le cercle vicieux . Le gouvernement actuel doit passer outre aux exigences des fractions politiques et on verra bien alors les critères de désignation qui ont été appliqués et si une loi existe si elle a été respectée .

    Lecteurs OLJ 2 / BLF

    09 h 36, le 05 juin 2020

  • La partialité de SH est vraiment insupportable. Elle insiste ( et commence) lourdement sur les blocages faits A CAUSE du Futur... Mais elle survole... vite fait... sans trop insister et pire... en prenant comme référence la ministre CPL , dans l’affaire des nominations en matière de justice . Vraiment, pourrait-on penser que ce genre de papier propagandiste pouvait passer inaperçu en tant que tel?

    LE FRANCOPHONE

    09 h 32, le 05 juin 2020

  • Merci a S hadad de nous rappeler le but ultime de aoun&jobran CPL qui est d'accaparer toutes les nominations chretiennes .a leurs partisans un sens a leur slogan mensonger mais je l'avoue diabolique de rapatrier les droits des chretiens.

    Gaby SIOUFI

    09 h 14, le 05 juin 2020

  • Ni le CPL, ni son fondateur, ni son chef, aucun de tout cela n'a le monopole de la représentation chrétienne du pays. Ils sont une minorité comme toutes les minorités de la Nation. Ou ils acceptent la réalité en respectant tous les autres, ou ils seront rejetés par tous les autres. Le Liban appartient à tous les Libanais exclusivement, aucune intervention étrangère n'est tolérée.

    Un Libanais

    08 h 56, le 05 juin 2020

  • C’est bien ça, Mme Haddad, vous corrigez dans ce décryptage le certificat de réussite et de bonne conduite que vous aviez décerné à ce gouvernement lors d’un décryptage précédent sur les 108 jours de ce cabinet! Force est d’admettre qu’il n’a rien pu réaliser à ce jour, il continue de se débattre dans les contradictions communautaires, pris en otage par ses parrains qui lui imposent leurs diktats qu’il n’ose refuser et continue sa fuite vers l’avant sans trop savoir où il va et n’ose même pas dénoncer ces interférences et menacer d’une démission collective de ses ministres, s’imaginant qu’un vide politique serait pire pour le pays! Entre-temps, la situation économique et sociale empirent, on pense avoir muselé les gens et essoufflé la révolution avec cette pseudo-micro pandémie qui devient une comédie mélodramatique ridicule... Et vogue la galère!

    Saliba Nouhad

    02 h 40, le 05 juin 2020

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