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Monde - Reportage

Minneapolis : quand les lieux du crime se muent en agora

Une manifestante portant une affiche « Je ne peux pas respirer », à Minneapolis, le 31 mai 2020. Daniel Leal-Olivas/AFP

Le visage de George Floyd, auréolé du nom d’autres victimes de bavures policières aux États-Unis, s’étale en grand sur un mur coloré, là où son cœur s’est arrêté, dans un quartier de Minneapolis en plein embourgeoisement. Sous la fresque érigée en son honneur, des centaines de personnes ont défilé samedi, pour déposer un bouquet, un message ou prendre le micro sur cette scène de crime, devenue tribune d’une population diverse, mais unie dans sa douleur. « Nous sommes George, nous n’arrivons pas à respirer », scande la foule, en référence aux derniers mots de cet Afro-Américain de 46 ans, mort après être resté plaqué au sol, le genou d’un policier sur le cou, pendant de longues minutes. Tous réclament justice. Au lendemain de l’arrestation de cet agent, ils veulent que ses trois collègues, présents lors du drame, soient interpellés à leur tour. « Mettez en prison tous les policiers racistes », clame une pancarte. « Inculpez les quatre », renchérit une autre. Mais parfois le ton monte entre les orateurs, divisés sur la tournure violente prise par les manifestations qui ont dégénéré, chaque nuit, en pillages et incendies.

Ici, en plein jour, le discours se veut pacifique. Le micro est ainsi vite retiré à un jeune homme qui assure que les Noirs, eux aussi, ont un droit constitutionnel à porter des armes. Christina Gonzalez, une New-Yorkaise de 33 ans, vole alors à son secours. Le président Donald Trump lui-même a menacé de tirer sur les casseurs, dit-elle. « Si on doit nous tirer dessus, on ne va pas rester les mains en l’air ! »

Épuisé par la haine

Dans l’assemblée, où Noirs, Blancs, jeunes et moins jeunes se côtoient, certains saluent son intervention, mais un homme s’emporte et l’insulte avant d’être délicatement exfiltré. « Il y a beaucoup d’émotions, parce que nous sommes un melting-pot, ou plutôt une salade dont les éléments ne se mélangent pas bien », rétorque, philosophe, la jeune femme en notant que certains ont vécu eux-mêmes des violences policières, ce qui les rend particulièrement sensibles.

« Je ne peux pas vous dire combien de fois j’ai été jeté à l’arrière d’un fourgon de police, alors que j’ai un casier vide », confie Alex Washington, un employé municipal de 37 ans, qui a été notamment interpellé pour avoir fait du vélo sur un trottoir ou couru un peu vite en traversant une rue. « Marcher dans son quartier et se sentir détesté, c’est épuisant », poursuit-il. Malgré son profond « dépit », il trouve « merveilleuse » la diversité des personnes venues rendre hommage à George Floyd.

Ce large soutien réconforte également Keira, une femme noire qui ne veut pas donner son nom. « Je n’ai plus peur pour ma vie, je sens le soutien de la communauté », souligne-t-elle, en espérant que cette unité se cimente. « On a des opinions différentes, mais on doit s’unir, s’éduquer, s’armer et aller voter », insiste-t-elle.

Tom Steller, un pasteur blanc de 65 ans, chauffeur de Lyft à ses heures perdues, veut croire que c’est possible. « Les gens se rassemblent pour faire leur deuil, prier, ça montre qu’on peut vivre ensemble même si on est différent », dit-il. Au centre de l’assemblée, Tyron Carter, un ancien artiste, espère créer cette unité en faisant appel à un sentiment universel. « Maman », crie-t-il longuement, en étreignant une silhouette en robe blanche. « Maman », avait murmuré George Floyd, 46 ans, sur la vidéo, très éprouvante, de ses derniers instants.

Charlotte PLANTIVE/AFP

Le visage de George Floyd, auréolé du nom d’autres victimes de bavures policières aux États-Unis, s’étale en grand sur un mur coloré, là où son cœur s’est arrêté, dans un quartier de Minneapolis en plein embourgeoisement. Sous la fresque érigée en son honneur, des centaines de personnes ont défilé samedi, pour déposer un bouquet, un message ou prendre le micro sur cette...

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