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Moyen-Orient - Décryptage

Coronavirus au Moyen-Orient : le calme avant la tempête ?

Si la catastrophe sanitaire redoutée n’a pas eu lieu, le tableau général n’est pas pour autant réjouissant.


Un Saoudien, muni d’un masque protecteur et de gants, prend la température d’un compatriote durant le mois de ramadan à Riyad. Ahmad Yosri/Reuters

Il y a toujours deux façons de voir le verre. À moitié plein, on peut considérer que la catastrophe sanitaire redoutée n’a pas eu lieu au Moyen-Orient et dans les pays du Maghreb. Du moins pour l’instant, puisque rien n’indique que la crise du coronavirus soit sur le point de se terminer et la situation peut encore largement évoluer. À moitié vide, on peut constater que la région va tout de même sortir fragilisée de cette période et que le comptage du nombre de morts ne suffit pas à établir un bilan sérieux de l’impact de cette pandémie.

Au Moyen-Orient et au Maghreb, il y aura un avant et un après-coronavirus. Non que la pandémie ait profondément bousculé les esprits – la région en a vu d’autres – ou que les conflits d’hier aient subitement disparu. Mais plutôt que la crise a accéléré certaines dynamiques qui étaient déjà en cours et souligné l’urgence de (re)penser le contrat social qui unit les gouvernants aux gouvernés dans la majorité de ces pays. La crise du coronavirus a ceci de particulier que, sans être spectaculaire, elle n’a pas son pareil pour appuyer là où ça fait le plus mal, pour faire ressortir les fragilités d’un État et d’une société. Or, la région en question ne manque pas de fragilités, c’est le moins que l’on puisse dire. Les États sont globalement faibles et leur autoritarisme ne fait que surligner cette faiblesse ; les modèles économiques sont très vulnérables, lorsqu’ils existent ; la coopération est un concept quasi inconnu, même si la crise a réservé quelques belles surprises.

Retour au bilan. Celui du nombre de cas ne veut pas dire grand-chose compte tenu du faible nombre de tests dans la majorité des pays en question, et du fait qu’une partie importante des personnes atteintes par la Covid-19 ont peu ou pas de symptômes. Mais celui du nombre de morts est pour sa part plutôt flatteur, surtout si on le compare à celui des Européens ou des Américains. Selon l’OMS, 8 350 personnes sont décédées en raison du coronavirus au Moyen-Orient et au Maghreb depuis le début de la crise, dont 6 783 rien qu’en Iran. La pandémie a déjà fait 300 000 morts dans le monde dont plus de 80 000 rien qu’aux États-Unis. On peut douter de la fiabilité des chiffres dans une grande partie des pays de la région, mais force est de constater qu’on est loin de la catastrophe redoutée, et ce malgré les camps de réfugiés aux conditions sanitaires déplorables, malgré les zones de guerre et en dépit d’un système de santé précaire dans la plupart des pays en question.

Les États ont réagi assez vite – le Liban a par exemple pris des mesures avant nombre de pays européens – et les sociétés ont globalement suivi les consignes et évité les grands rassemblements, malgré un contexte propice tant sur le plan politique que religieux.

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Les bons résultats de la région pourraient toutefois être surtout liés à des facteurs non maîtrisables : la jeunesse de la population, le climat, la mobilité internationale sur le territoire en question ou encore le nombre important de fumeurs. Ce ne sont que des hypothèses mais compte tenu du contexte de départ, et malgré les mesures prises par les États, elles paraissent assez plausibles.


Austérité
Place au bilan économique et aux potentiels effets politiques. Là, le tableau est beaucoup moins réjouissant. Le confinement a des effets nettement plus délétères quand l’État n’est pas en mesure de venir en aide à sa population, ne serait-ce qu’aux plus pauvres, ce qui est le cas dans la majorité des pays du Moyen-Orient. Que l’on pense à l’Égypte et ses 100 millions d’habitants, dont la situation économique était déjà chancelante, alors que la pandémie devrait avoir un fort impact sur le tourisme et, potentiellement, sur les aides que l’État reçoit depuis l’étranger, particulièrement des pays du Golfe. Car elle semble bien là la principale rupture géopolitique de l’épidémie pour la région : la fin de l’âge d’or pour les pétromonarchies du Golfe et tout ce que cela implique pour l’écosystème régional. Si la rupture se confirme dans le temps et que les prix du baril de pétrole restent aussi bas, c’est une nouvelle dynamique qui devrait s’installer et dans laquelle il y aura probablement beaucoup plus de perdants que de gagnants.

L’Arabie saoudite, pays le plus riche de la région, a annoncé cette semaine pour la première fois de son histoire la mise en place de mesures d’austérité. La transition vers un nouveau modèle devient une urgence pour le royaume. Les pertes à prévoir pour les pétromonarchies devraient avoir des conséquences pour les pays qui dépendent en partie de leurs aides ou du fait que nombre de leurs citoyens y travaillent et envoient de l’argent à leurs familles restées sur place. Si l’Arabie vacille, la crise du pétrole aura des effets encore plus graves pour des pays dont les économies sont moins solides et tout aussi dépendantes de cette ressource, comme l’Irak ou l’Algérie.

L’Iran, pays de loin le plus touché par cette pandémie dans la région, et qui est déjà étranglé par les sanctions économiques américaines, devrait également sortir encore plus affaibli de cette crise, qui réduit davantage ses rentrées d’argent en raison de la crise du pétrole.

Si l’on considère qu’on est à la mi-étape de la crise du coronavirus, le bilan au Moyen-Orient et au Maghreb est moins réjouissant qu’il en a l’air. La situation sanitaire pourrait se dégrader, d’autant plus en cas de possible deuxième vague qui surviendrait dans un climat moins propice. Mais c’est surtout les situations économiques et politiques qui suscitent l’inquiétude.

Les printemps arabes sont nés de l’incapacité des régimes en place à offrir autre chose à leurs citoyens qu’une politique répressive. Près de dix ans plus tard, les États apparaissent encore plus fragiles, les modèles économiques encore moins viables, sans que personne ou presque n’ait réussi à proposer un nouveau contrat social. On pourrait voir de plus en plus d’États faillis dans la région, d’autant qu’en parallèle les conflits déjà en cours ne devraient pas trouver une issue prochaine. Les manifestations ont déjà repris au Liban, en Irak et en Algérie et pourraient s’étendre à d’autres pays. Tant bien que cette crise du coronavirus pourrait être perçue dans quelques années comme le moment du calme avant la tempête, le moment où la marmite bout silencieusement avant de déborder violemment.

Il y a toujours deux façons de voir le verre. À moitié plein, on peut considérer que la catastrophe sanitaire redoutée n’a pas eu lieu au Moyen-Orient et dans les pays du Maghreb. Du moins pour l’instant, puisque rien n’indique que la crise du coronavirus soit sur le point de se terminer et la situation peut encore largement évoluer. À moitié vide, on peut constater que la région...

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PERSONNE NE SAIT. MAIS LE FLEAU EST LA POUR DURER MEME S,IL Y AURAIT DES VACCINS.

LA LIBRE EXPRESSION

07 h 13, le 15 mai 2020

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Commentaires (1)

  • PERSONNE NE SAIT. MAIS LE FLEAU EST LA POUR DURER MEME S,IL Y AURAIT DES VACCINS.

    LA LIBRE EXPRESSION

    07 h 13, le 15 mai 2020

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