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Culture - Entretien

Martha Hraoui : Je me suis accommodée du confinement, l’artiste est un navigateur solitaire !

L’artiste libanaise qui, par sa peinture, porte haut les couleurs du Liban en France en particulier et à travers le monde en général, se préparait à une grande exposition à Coulommiers (lieu particulièrement chargé d’histoires à 35 kilomètres de Paris) sous l’égide du ministre français de la Culture, Frank Riester, dont c’est la commune. Hélas, les circonstances en ont décidé autrement et l’artiste, sereine, a sagement observé les huit semaines de confinement dans son appartement-atelier à Paris.

Martha Hraoui, une artiste qui porte haut les couleurs du Liban. Photo DR

Une exposition de vos œuvres, intitulée « Parcours », devait se tenir à Coulommiers à partir du 19 avril et jusqu’au 16 mai...

Oui tout était prêt ! Les toiles avaient été transférées à peine une semaine avant le confinement au musée de Coulommiers, une magnifique chapelle du XVIIe siècle désacralisée, située au cœur du parc des Capucins où Mme de La Fayette s’était réfugiée pour écrire La Princesse de Clèves. Le vernissage devait se tenir en présence de Frank Riester, ministre de la Culture et maire de Coulommiers. Il était également prévu qu’un concert, le 16 mai date de la nuit des musées, clôture l’exposition avec Michael Lonsdale comme récitant.

Quels tableaux allaient être exposés ?

Le thème de l’exposition étant Parcours, j’avais choisi quelques œuvres précédemment faites auxquelles se sont ajoutées des toiles inédites en hommage au patrimoine saccagé, sur fond d’un ciel dominant tantôt tourmenté, tantôt serein. Et, bien sûr, des nus masculins et féminins, qui sont mon sujet de prédilection.

Il n’a pas été question de reporter l’exposition à une date ultérieure ?

Si ! Et la mairie de Coulommiers était même disposée à faire reporter les travaux de rénovation prévus au musée pour que l’exposition se tienne coûte que coûte. Mais voyant l’évolution de la situation sanitaire en France et l’annulation de tous les festivals de l’été, d’un commun accord avec la mairie, nous avons jugé qu’il était plus sage de renoncer. C’est bien dommage, mais l’homme propose et Dieu dispose et puis nous, Libanais, sommes habitués à ces coups du sort !



Une œuvre de Martha Hraoui de sa série « Parcours ».

Comment avez-vous vécu le confinement ?

Les premiers jours étaient extrêmement durs. J’ai mis du temps à réaliser ce qui se passait et puis j’étais très inquiète. Tout d’abord, je craignais que mon insouciance des jours précédant le confinement m’ait joué un vilain tour. Alors je me suis mise à goûter des aliments très forts pour vérifier que je n’avais pas perdu le goût, ou encore à humer des parfums entêtants pour m’assurer que je n’avais pas perdu l’odorat ! Et puis nous étions sans cesse matraqués par des nouvelles catastrophiques et contradictoires avec des images parfois insoutenables. J’essayais de comprendre et je me sentais emprisonnée. Puis, petit à petit, à ma grande surprise, je me suis accommodée de ce style de vie et je me suis organisée. On dit bien que l’artiste est un navigateur solitaire !

Vous vous êtes mise alors à peindre ?

Non, mon esprit n’était pas du tout dans une disposition créatrice. Il est vrai que l’artiste est témoin de ce qu’il vit, mais je pense que tôt ou tard le déclic viendra et cette période sera restituée d’une façon ou d’une autre dans mon œuvre.

En revanche, je me suis installée dans mon atelier, non pour peindre, mais pour me plonger dans une paperasse accumulée depuis des dizaines d’années : correspondance, coupures de presses, catalogues d’expositions, programmes de concerts, bref toute une vie culturelle, administrative et affective qui a défilé sous mes yeux. Dans le silence, sur fond musical.

Pour mémoire

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Cela vous a-t-il été bénéfique ?

Bénéfique et libérateur ! Je me suis remémorée toute une série d’événements que j’avais oubliés, j’ai repris contact avec des personnes que j’avais perdues de vue depuis des années et puis je me suis débarrassée d’un tas de papiers inutiles. C’est quelque chose que l’on n’a pas le temps de faire dans le tourbillon de la vie. Une pause dans un monde qui va trop vite.

Cela permet de se concentrer et puis aussi de faire le tri dans sa tête. Qu’est-ce qui est important et qu’est-ce qui ne l’est pas. La frénésie de ces derniers temps ne pouvait pas continuer et cette crise nous ramène à l’uniformité de l’être humain et à sa vulnérabilité.

Mais alors comment faire pour voir vos toiles malgré tout ?

Il était prévu qu’un « docu portrait » autour de mon parcours passe en boucle pendant l’exposition. Peut-être que quand le moment sera approprié, quand nous serons sortis de la crise, je réfléchirai à la diffusion adéquate de ce film.

Une exposition de vos œuvres, intitulée « Parcours », devait se tenir à Coulommiers à partir du 19 avril et jusqu’au 16 mai... Oui tout était prêt ! Les toiles avaient été transférées à peine une semaine avant le confinement au musée de Coulommiers, une magnifique chapelle du XVIIe siècle désacralisée, située au cœur du parc des Capucins où Mme de La Fayette...

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