Critiques littéraires

Le prince de la métaphore

© Yiftach Belsky

Instantanée comme l'étincelle d'un haïku, la poésie de Nadim Bou Khalil fait feu de tout bois. Tout fait image pour le prince de la métaphore, ce savant doseur de l'abstrait et du concret, la souffrance de la vitre, pour cet enfant prodigue de la poésie libanaise – si, ce poète prodigieux, enfant, il ne l'a jamais été ! Feu fulgurant. Pas un jour ne passe, semble-t-il, sans que le poète ne compose une chanson ou un poème. Cependant, l'essentiel n'est jamais sacrifié sur l'autel des conventions. Pour imaginer sa boulimie sans nul bavardage, il faut se figurer des embruns dans un orage. Ce paradoxe caractérise Bou Khalil.

La Belle par hasard suivi de Paroles sans cibles est le neuvième livre de Nadim Bou Khalil dont les tiroirs débordent de manuscrits. La première partie du livre se compose des sept titres qui suivent, illustrant la créativité de sa poétique : « L'odeur du rouge », « Les amours convexes », « Le drapeau de l'injustice », « Pour des idées invendues », « Rêverie actuelle », « Fragments d'éternité » et enfin, « Moments antiques » qui contient treize pièces versifiées, véritable tour de force de garder l'esprit aussi vif dans un corps classique. Le second recueil du livre se compose des titres suivants : « L'infirmerie de l'au-delà », « La sagesse à quatre roues », « La saison de l'orgueil », « La souffrance d'une vitre », « Fusillade à la porte de l'enfance » et « La demeure du mot ». Sa prodigalité ne tombe jamais dans la facilité. Bien au contraire. Sa corne d'abondance se conjugue paradoxalement avec une retenue et une densité poétiques extrêmes.

« Je t'aime d'un corps/ aussi léger que l'été/ un corps sans hanche/ dépourvu de pesanteur/ et je pense à toi/ comme un nuage fait du saut à la corde/ dans l'arrière-cour d'une saison. »

Nadim Bou Khalil est parfois aigre, les esquisses de ses portraits des revers humains souvent acides, surtout à l'encontre des grands de ce monde. Caricaturiste mordant et plein de décision, ses thèmes de prédilection sont l'amour, la femme, la solitude et les relations homme-femme, tantôt désespéré, secoué par un cri cristallin, tantôt par un fou rire noir, mais toujours poétique, visionnaire, inventif d'un nouveau langage-monde avec les mots qui l'habitent.

« (...) Trois sœurs aux longues jambes (...)/ comme des arbres mobiles (...)/ content sous la pluie/ pour ne pas se laisser fondre le nom. »

Le poète ose avec bonheur des rapprochements incongrus mais fertiles entre les choses et les mots. Il se penche sur la langue pour en ramasser les pépites. Les images de Bou Khalil sont de l'audace pure telle cette « eau plus trouble que des adolescents dans un bus ». Cette poésie coule de source dans chacun de ses vers.



La Belle par hasard suivi de Paroles sans cibles de Nadim Bou Khalil, Oser Dire, 2020, 212 p.

Instantanée comme l'étincelle d'un haïku, la poésie de Nadim Bou Khalil fait feu de tout bois. Tout fait image pour le prince de la métaphore, ce savant doseur de l'abstrait et du concret, la souffrance de la vitre, pour cet enfant prodigue de la poésie libanaise – si, ce poète prodigieux, enfant, il ne l'a jamais été ! Feu fulgurant. Pas un jour ne passe, semble-t-il, sans que...

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