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Santé - Génétique

L’ADN éveille la médecine de son long sommeil

Cette année marque le 67e anniversaire de la découverte de la structure en double hélice de l’ADN en 1953 par James Watson et Francis Crick. Cette révolution scientifique, qui a bouleversé l’histoire de la science et de la médecine, est célébrée le 25 avril de chaque année. À cette occasion, deux grands chercheurs témoignent, pour « L’Orient-Le Jour », de l’importance et des répercussions de cette découverte.

La découverte en 1953, par Watson and Crick, de la structure en double hélice de l’ADN a inauguré l’ère de la recherche scientifique innovante dominée par les techniques de biologie moléculaire. Photo d’illustration Bigstock

Jean Bernard, oncologue français et l’un des grands protagonistes de la révolution médicale du XXe siècle, estime que la médecine a connu plus de changements entre 1930 et 1960 que pendant les trente siècles précédents. À juste titre, puisque parmi les nombreuses avancées scientifiques enregistrées au cours de ces trois décennies figure notamment la découverte en 1953 par James Watson et Francis Crick de la structure en double hélice de l’ADN, qu’ils ont surnommée « le secret de la vie ».

Cette avancée spectaculaire représente, dès lors, le point culminant de la compréhension de la base de l’hérédité et des maladies héréditaires. La double hélice de la molécule de la vie a inauguré l’ère de la recherche scientifique innovante dominée par les techniques de biologie moléculaire, qui a conduit au déchiffrage du code génétique et au développement de l’industrie de la biotechnologie.Ara Hovanessian, ancien directeur de recherche au CNRS-France et l’un des principaux chercheurs ayant contribué à la découverte du VIH, notamment le VIH-2, affirme que les travaux pionniers de Watson et Crick ont permis d’élucider les mécanismes de réplication génétique, la structure et la fonction des gènes. Ils ont également conduit au développement de méthodes de base en biologie moléculaire, telles que les techniques d’analyse de l’ADN et le séquençage du génome humain, ainsi que le clonage et la caractérisation des gènes qui « sont devenus les principaux projets des biologistes moléculaires à la fin des années 1970 ».

En effet, avec l’apparition du génie génétique dans les années 1960, la chimie d’extraction des molécules thérapeutiques des plantes, alors considérée comme un tournant majeur dans l’histoire du médicament, a été vite dépassée. Grâce à cette technologie, les molécules thérapeutiques complexes, comme l’insuline, tantôt difficiles à isoler, tantôt impossibles à synthétiser, ont été désormais clonées dans des organismes vivants tels que les bactéries et les levures, révolutionnant ainsi les méthodes de production des substances médicinales. « Les gènes des interférons (molécule à effet antiviral) humains ont été les premiers à être clonés dans Escherichia coli par Charles Weissmann (l’un des chercheurs ayant contribué à la découverte de la maladie de la vache folle, NDLR) », précise à L’Orient-Le Jour le professeur Hovanessian qui avait mené ses études doctorales dans le laboratoire où l’interféron (IFN) a été découvert. Et de poursuivre : « Les produits des gènes des IFN clonés se sont avérés être aussi actifs que leurs homologues naturels. Ils ont été utilisés dans des essais cliniques et approuvés pour le traitement de diverses maladies dont l’infection chronique par le virus de l’hépatite C et la sclérose en plaques. »

La génétique au service de la virologie

Le projet de thèse mené par le professeur Hovanessian, à Londres, a permis la découverte de deux enzymes qui jouent un rôle important dans le mécanisme d’action antiviral de l’IFN. Le chercheur libanais, ayant à son actif plus de 200 publications, a poursuivi ce travail de longue haleine à l’Institut Pasteur dans le laboratoire même du professeur Luc Montagnier (Prix Nobel de médecine 2008 pour la découverte du VIH) où il entreprit avec son propre groupe un projet qui devait mener à la caractérisation de ces enzymes. Et c’est là que la génétique moléculaire est parvenue à décoder certains mystères : « La disponibilité de l’ADN codant pour ces enzymes a permis la réalisation de plusieurs découvertes importantes sur leur rôle », précise-t-il. « Mon équipe a été la seule à avoir pu cloner ces enzymes, alors que de nombreuses équipes spécialisées en biologie moléculaire, y compris celle de Weissmann, ont tenté de le faire sans y parvenir », se réjouit-il.

La génétique a également permis au professeur Hovanessian d’identifier certains mécanismes d’entrée du VIH-1 dans les cellules et la présence d’un « élément-clé conservé dans l’enveloppe virale ». « Ce qui a mené à un prototype de vaccin candidat qui a montré une protection des singes vaccinés contre les infections virales », avance-t-il. Et de conclure : « Mon expertise en biologie cellulaire, biochimie et virologie a dû être complétée par diverses techniques de biologie moléculaire, un élément indispensable pour le progrès de la recherche scientifique internationale. »

La thérapie génique, entre rêve et médecine d’aujourd’hui

En virologie comme en immunologie, la génétique a permis de cueillir des lauriers. « Certaines maladies génétiques, incurables jusque-là ou dont les traitements disponibles n’étaient que partiellement satisfaisants en raison des risques et des effets secondaires qu’ils comportaient, sont aujourd’hui traitées par thérapie génique », souligne de son côté à L’OLJ la professeure Salima Hacein-Bey-Abina, professeure-chercheuse en immunologie à l’Université de Paris. Cette stratégie thérapeutique permet d’insérer, grâce à un vecteur viral ou non viral, une copie normale du gène défectueux (transgène) dans les cellules du patient afin de compenser le défaut génétique et de restaurer la production de la protéine qui était déficiente. Le premier essai clinique à avoir fait la preuve de concept de l’efficacité de transfert de gènes dans les cellules souches hématopoïétiques à l’aide d’un vecteur rétroviral, est celui mené à l’hôpital Necker à Paris par les équipes des professeurs Salima Hacein-Bey-Abina, Alain Fischer et Marina Cavazzana-Calvo. La chercheuse française explique que « ce protocole clinique était destiné à traiter la forme la plus fréquente de déficit immunitaire combiné, une maladie génétique rare caractérisée par l’absence de lymphocytes T », les cellules-clés du système immunitaire. « Ce défaut est responsable d’infections graves récurrentes chez les nourrissons qui meurent au bout de quelques mois en l’absence d’une greffe de moelle osseuse à partir d’un donneur », ajoute-t-elle. Les bébés traités dans le cadre de ce protocole ont montré une reconstitution de leur compartiment de lymphocytes T, une disparition des infections et une restauration de l’immunité.

Cependant, cette victoire thérapeutique s’est accompagnée de la survenue de cas de leucémies chez certains enfants traités. « L’analyse des sites d’intégration du transgène dans les cellules de ces patients a montré que le vecteur s’était intégré dans des oncogènes ou à proximité de ces derniers, activant leur expression, explique la professeure Hacein-Bey-Abina. Ces résultats ont souligné la nécessité d’acquérir une meilleure compréhension des processus d’intégration rétroviraux afin de synthétiser des vecteurs sécurisés ayant un potentiel oncogène significativement plus faible. »

Depuis plus d’une décennie, des vecteurs dits « sécurisés » sont désormais utilisés dans les essais cliniques qui nécessitent une intégration stable du transgène. De plus, la mise au point d’outils (des enzymes) capables de corriger les mutations des gènes in situ sans l’intervention de vecteurs, apparu il y a quelques années, représente « un saut technologique majeur ». Cette stratégie de correction génique appelée « gene editing » correspond au rêve ultime des chercheurs pionniers et a d’ores et déjà montré son efficacité dans les premiers essais cliniques destinés à produire des CAR-T cells (lymphocytes T modifiés génétiquement) en oncologie. « Il est clair que le domaine de la thérapie génique progresse désormais de façon exponentielle et qu’un nombre croissant de pathologies va pouvoir être traité par cette stratégie thérapeutique », conclut la professeure Hacein-Bey-Abina.

Jean Bernard, oncologue français et l’un des grands protagonistes de la révolution médicale du XXe siècle, estime que la médecine a connu plus de changements entre 1930 et 1960 que pendant les trente siècles précédents. À juste titre, puisque parmi les nombreuses avancées scientifiques enregistrées au cours de ces trois décennies figure notamment la découverte en 1953 par James...

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