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Culture - Musique

Son rap annonçait déjà la thaoura

Le rappeur Jaafar al-Touffar sera chez Anise à Gemmayzé, dans le cadre du festival Beirut and Beyond, aujourd’hui samedi 29 février, à 22 heures.

Jaafar al-Touffar, une chanson engagée. Photo DR

Il a le regard torturé, terni par la poussière de la vie, et l’échine courbée malgré son jeune âge, 34 ans. Jaafar al-Touffar est un artiste aux rêves castrés, aux espoirs brisés, qu’il évoque dans un flot de mots. Ceux qui se bousculent dans sa tête et dans son cœur. Quand il parle de ses deux petites filles auxquelles il peine à assurer des études ou une vie un tant soi peu décente, il nous semble voir des larmes qu’il peine à contenir. Malgré tout, il est ravi de participer pour la première fois, ce samedi soir, au festival Beirut and Beyrond qui réunit des musiciens et chanteurs libanais alternatifs. C’est en hurlant ou en chuchotant à l’oreille de chacun son désespoir qu’il semble instaurer un dialogue avec les autres. Ce dialogue, il l’avait commencé à l’université, dans le département de sciences politiques lorsqu’il avait fait connaissance avec le rap grâce à un des musiciens de « Katibeh 5 », le groupe palestinien. L’idée lui plaît. « Mes proches parents poussaient la chansonnette dans les cérémonies de noces et autres événements joyeux, mais n’ai jamais senti que j’étais attiré par ce genre de chant. Par contre, lorsque j’ai entendu du rap, j’ai trouvé que c’était un beau moyen de faire parvenir un message. Plus tard, je le mélangeai avec les ingrédients du terroir. »

Une plateforme unifiée

Les chansons de Jaafar al-Touffar sont dans le registre du rap avec une touche locale. Natif de la région du Hermel, le chanteur s’amusait à s’exercer au atéba comme tous les jeunes de son âge. « Une sorte d’improvisation poétique, ou bataille de vers, précurseur du slam. Ce véritable mode de vie chez nous subira plus tard des influences occidentales, et justement du rap, vecteur de communication avec les autres. Pour moi, il n’est pas honteux de faire de l’art son gagne-pain, voire très louable même que ce soit un gagne-pain, mais il est indécent par rapport à l’art en soi de le détourner pour des besoins commerciaux. Ainsi une chanson peut être utilisée pour louer un zaïm comme pour exprimer les douleurs des gens. »

Sa première expérience dans le chant remonte donc à 2009 lorsque, venu du Hermel à Beyrouth, Jaafar al-Touffar va devoir travailler comme voiturier. Ses questionnements commencent : « Pourquoi un jeune homme de mon âge qui a fait des études n’a-t-il pas le droit de vivre dans un endroit décent dans son pays », se demande-t-il. C’est ainsi qu’est née la chanson Madinat al-Shouhada arrangée par Osloob, un artiste aux multiples talents, à la fois auteur, compositeur, rappeur et musicien, cofondateur de « Katibeh 5 ». Installé en France depuis quatre ans, il se fait de plus en plus connaître avec le groupe Al Akhareen qu’il a fondé avec la flûtiste Naïsam Jalal. Madinat al-Shouhada lance désormais Jaafar sur la voie. Avec Osloob, Jaafar va produire d’autres titres dont Ashab al-Ard ou encore leur tout dernier, Mamnou’, dont le clip, tourné en plein soulèvement d’octobre, eut un succès immédiat. Et même si par la suite Jaafar enregistre d’autres chansons, il avoue que c’est l’artiste palestinien Osloob qui lui a offert son style et qu’il a donné un moule à ses mots. « Nous venions tous deux d’un background non académique et la chanson ainsi que la musique étaient pour nous des actes spontanés et engagés. »

Ce chanteur qui a côtoyé tous les rassemblements de la thaoura poursuit sa mission dans ce concert : « Nous sommes condamnés à vivre dans ce pays et à réussir ce que nous avons commencé. Pour les générations futures. Les revendications de la thaoura, je les ai chantées il y a dix ans. Je suis très content que les gens forment à présent une plateforme unie. Pourvu que ça continue. »

Il a le regard torturé, terni par la poussière de la vie, et l’échine courbée malgré son jeune âge, 34 ans. Jaafar al-Touffar est un artiste aux rêves castrés, aux espoirs brisés, qu’il évoque dans un flot de mots. Ceux qui se bousculent dans sa tête et dans son cœur. Quand il parle de ses deux petites filles auxquelles il peine à assurer des études ou une vie un tant soi peu...

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