Rechercher
Rechercher

Culture - Exposition

Un monde en feu au Palais de Tokyo

Le feu des guerres et du réchauffement a inspiré des artistes venus en grande partie du Moyen-Orient, dont la libanaise Mounira el-Solh.

Mounira el-Solh, « I strongly believe in the right to be frivolous », 2012, techniques mixtes, dessins sur papier juridique, 28,6 x 21 cm. Photo courtesy Le Palais de Tokyo © Mounira al-Solh et Mathaf : Arab Musuem of Modern Art (Doha)

Des stocks de bonbonnes de gaz bleu vif, des douilles d’obus en guise de vases : avec une ironie amère, des artistes, principalement du Moyen-Orient, voient « notre monde brûler », dans une exposition présentée au Palais de Tokyo en collaboration avec le Mathaf, le musée du Qatar.

Abdellah Karroum, de nationalité marocaine et directeur de ce musée arabe d’art moderne et contemporain, est le co-commissaire de l’exposition avec le Français Fabien Danesi. Ce musée, qui a dix ans d’existence, rassemble quelque 9 000 œuvres principalement de la collection privée du cheikh Hassan ben Mohammad ben Ali al-Thani.

Avec des artistes en majorité du Moyen-Orient, « Notre monde brûle » est le premier volet, jusqu’au 17 mai, d’un dyptique d’expositions, « Fragmenter le monde ». Le deuxième volet sera « Ubuntu, un rêve lucide » de juin à septembre, avec des artistes d’Afrique.

Ce sont les deux premières expositions d’Emma Lavigne, qui dirigeait le Centre Pompidou-Metz et a été nommée à la tête du temple parisien de l’art contemporain après le départ de son ancien président Jean de Loisy à l’École des beaux-arts.

Le projet de « Notre monde brûle », au début de l’année culturelle Qatar-France, a été critiqué par les milieux LGBT, en raison de la répression de l’homosexualité au Qatar. Mais Mme Lavigne insiste sur une coopération entre musées, et sur la grande ouverture d’esprit, y compris sur ces thématiques délicates dans le monde arabe, du jeune commissaire marocain Abdellah Karroum.


Feu démocratique

Dans l’exposition, les artistes dénoncent, avec tous les langages possibles, les peuples et la nature violentés par les guerres et la pollution – flambée des puits de pétrole, des forêts au Maroc et ailleurs –, mais célèbrent aussi le feu symbolisant l’élan démocratique des « printemps arabes ».

C’est quand « le monde se fragmente » qu’il « est possible de le recomposer », juge Emma Lavigne. « Le Moyen-Orient et l’Afrique (dans Ubuntu) nous permettent de sortir de représentations uniquement occidentales », souligne-t-elle.

Au sous-sol, un vaste paysage recomposé de l’Égyptien Wael Shawky emmène dans les dunes et les ruines du désert, sur les traces de récits historiques et oniriques, racontés par des enfants portant de fausses moustaches.La Libanaise Mounira al-Solh présente des dessins et broderies de sa série « Je crois fermement en notre droit d’être frivole », réalisée pour le Musée Mathaf de Doha, œuvre dans laquelle elle recueille des histoires personnelles, et des expériences, qui émergent des crises humanitaires et politiques en Syrie et au Moyen-Orient. Un moyen de réfléchir à la façon dont les migrations et les déplacements, les conflits et la résistance, continuent de façonner notre monde aujourd’hui.

Le Qatari Faraj Daham, avec Street language, rend hommage aux travailleurs immigrés, visages à moitié masqués, des chantiers de Doha. Et des toiles de l’Égyptienne Inji Efflatoun, peintre marxiste et féministe décédée, livrent des portraits de femmes militantes.

Impressionnantes sont les photographies, par l’Iranienne Shirin Neshat, de visages d’hommes et de femmes confrontés à la perte d’un proche pendant la révolution égyptienne de 2011. De minuscules inscriptions en persan apparaissent sur les figures ridées.

Témoignages du conflit syrien, le Franco-Syrien Bady Dalloul a réalisé 200 dessins miniatures dans des boîtes d’allumettes.

The silent multitudes, une installation de l’artiste égyptienne décédée Amal Kenawy, empile des bonbonnes de gaz, tandis que Sammy Balojl, de la République démocratique du Congo, dispose 41 douilles luisantes, où sont fichées des plantes d’intérieur.


Poésie théâtrale

Comme pour consoler de ces cris de révolte, l’artiste allemande Ulla von Brandenburg livre dans une exposition parallèle, à l’entrée du Palais, une œuvre beaucoup plus ludique et poétique autour du thème du théâtre ouvert sur la nature. Au milieu de grands drapés, qui séparent des espaces consacrés aux différents moments et rituels de la vie, des installations et objets dispersés rappellent de fortes sensations de l’enfance : une énorme botte de foin, des cordages, des nasses, des poupées, des nattes, des cannes à pêche, des tissus déchirés ou délavés...

L’espace mouvant dans ces enveloppes de tissu ne cesse de se transformer. Des projections d’un film tourné sous l’eau montrent des objets et habits à la dérive. Des danseurs sont invités régulièrement à faire des performances au milieu de ce théâtre en évolution.

Lire aussi

Mounira al-Solh, à pile ou farce

Des stocks de bonbonnes de gaz bleu vif, des douilles d’obus en guise de vases : avec une ironie amère, des artistes, principalement du Moyen-Orient, voient « notre monde brûler », dans une exposition présentée au Palais de Tokyo en collaboration avec le Mathaf, le musée du Qatar.Abdellah Karroum, de nationalité marocaine et directeur de ce musée arabe d’art moderne et...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut