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Politique - Conférence

Michel Onfray : Au Liban, il n’y a pas forcément besoin d’une tabula rasa révolutionnaire

Mercredi, l’Institut français de Beyrouth recevait le philosophe et essayiste français pour un échange autour du thème « Révoltes et révolutions », sur fond d’une actualité libanaise particulièrement propice au débat.


Michel Onfray lors de sa conférence à l’Institut français. Photo Q.P.

À 18h mercredi, la salle était plus que comble. Plus de 300 personnes ont fait le déplacement pour venir assister à cette session libanaise des « Universités populaires nomades », au milieu d’un dispositif technique imposant qui permettra la retransmission de la conférence sur la WebTV de l’auteur, michelonfray.com. Au programme, une discussion entre le philosophe et essayiste français Michel Onfray et son collaborateur sur ce site internet, Stéphane Simon, afin d’analyser en profondeur les concepts de révolte, révolution et réforme, puis un débat avec le public.

Mais d’abord, un détour étymologique et historique, riche d’enseignements pour l’auteur aux 100 livres. « L’origine du mot révolution, c’est d’abord l’astronomie : il s’agit d’un mouvement qui ramène un astre au même point. Or, pour les faibles, les sans-grades qui font la révolution, le constat est souvent le même. Ils reviennent à la même situation, rien ne bouge, hormis le nom de leurs maîtres. » Un principe illustré par une lecture personnelle des différentes révolutions qui ont secoué l’Occident du XVIIIe et XIXe siècle, mais aussi, plus récemment, le Moyen-Orient. De là à l’appliquer à l’insurrection libanaise, il n’y a qu’un pas.Le philosophe, qui se définit comme un anarchiste non violent, semble méfiant vis-à-vis de ce concept de révolution, qui assure le changement de régime « en faisant couler le sang », sans pour autant garantir un changement de condition pour ses participants. L’avertissement est clair pour le mouvement libanais, qui s’est rapidement autodéfini comme une « révolution » : « Si ce ne sont pas les gens qui décident pour eux, là où ils sont, malgré tous les massacres et les sacrifices, le pouvoir revient sous la forme d’une nouvelle élite, parfois pire que le régime abattu. » Et Onfray de citer la parabole d’Orwell, dans sa Ferme des animaux, qui parodie la révolution russe en racontant la mise en place d’un régime oppressif par des porcs, à la suite d’une insurrection des animaux contre les fermiers. Par opposition à ces révolutions dont il relativise l’effet, l’auteur met en avant la « réforme radicale », qui, en touchant un point-clef du système, conduit à sa remise en cause totale, et donc à sa reconstruction sur de nouvelles bases, pensées en commun.


Penser l’après

« Ce qui se passe au Liban est d’abord une révolte, c’est-à-dire des gens qui disent non à un système qui n’est plus supportable. Après ce moment négatif, qui sape le système, il faut un moment positif, de proposition. » Michel Onfray s’est fait connaître en lançant l’Université populaire de Caen, un projet novateur de séminaires interactifs ouverts à tous. Aujourd’hui, il croit toujours plus que tout en la réflexion collective et l’autogestion comme remède à la violence politique. « Au Liban, il n’y a pas forcément besoin d’une tabula rasa révolutionnaire. Celui qui met sur la table la question de la laïcité remet déjà tout le système en cause », affirme-t-il, en proposant le concept d’Universités populaires appliquées aux problématiques libanaises. Pour le philosophe, en réfléchissant ensemble, et en donnant la parole à ceux qui détiennent un savoir technique sur les sujets abordés, un mouvement populaire peut s’organiser et aller au-delà de la révolte destructrice, nécessaire mais non suffisante. En écho aux grandes crises qui secouent le Liban, il donne l’exemple d’une Université populaire sur la banque, qui proposerait à des banquiers de donner « leur idée d’une autre banque », ou sur les monothéismes, « pour réfléchir à quels éléments religieux mettre en avant pour faire société au mieux, et lesquels mettre en retrait ».

Michel Onfray, qui a fait de son athéisme une base de sa pensée, n’en fait pas moins la distinction entre ses convictions personnelles et le régime nécessaire, selon lui, à une société profondément religieuse comme le Liban. « La laïcité, ce n’est pas l’athéisme », affirme-t-il, définissant la première comme « un voile », posé sur des questions religieuses sources de divisions et obstacles à la volonté de faire nation. « Si vous souhaitez faire Liban ensemble, vous avez les moyens de devenir un phare d’Alexandrie dans le Moyen-Orient, qui montrera à tous une nouvelle manière de penser l’islam, le christianisme et les rapports Orient-Occident », insiste-t-il, évoquant une civilisation européenne qui, de tout temps, « est allée chercher la lumière vers l’Orient ».


Entre irrévérence et provocation

Dans un débat intellectuel de plus en plus tendu sur les questions de genre et d’identité, notamment en Europe, Michel Onfray fait peu de cas des crispations du moment. Au risque parfois de choquer, notamment quand il verse dans un certain essentialisme sur les femmes et la révolution. « Couper des têtes et faire couler le sang, les femmes ne font pas vraiment ça. Ce sont toujours les hommes qui appellent à la violence révolutionnaire », affirme-t-il, oubliant un peu rapidement des révolutionnaires peu connues pour leur réformisme, comme Louise Michel, meneuse des communards français au XIXe siècle, ou Rosa Luxemburg, figure du mouvement spartakiste allemand. Irrévérence toujours quand il renvoie en bloc les structuralistes français, comme Foucault, Lacan ou Dumézil, « vieux parmi les vieux, que plus personne ne lit ». Il les accuse au passage d’avoir nourri « la pensée des campus américains, comme la théorie du genre » qui, selon lui, nie la réalité naturelle de la division hommes/femmes de l’humanité.

Ces saillies, parfois sur le ton de l’humour, viennent rappeler que Michel Onfray fait régulièrement polémique sur le sol français. Négation de l’existence historique de Jésus, notamment dans Contre-Histoire de la philosophie, sorties parfois en tension avec sa position d’homme de gauche, détournement d’une de ses interventions par Daech en 2015 ou propos frisant ceux des climato-sceptiques en 2019 : autant de débats dont sont particulièrement friands les plateaux médiatiques qui ont fait de lui un de leurs intellectuels préférés. Nul doute que pour l’auteur, qui n’a jamais fait de concession sur son franc-parler, la diffusion de sa pensée vaille bien ce sacrifice.


Pour mémoire

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À 18h mercredi, la salle était plus que comble. Plus de 300 personnes ont fait le déplacement pour venir assister à cette session libanaise des « Universités populaires nomades », au milieu d’un dispositif technique imposant qui permettra la retransmission de la conférence sur la WebTV de l’auteur, michelonfray.com. Au programme, une discussion entre le philosophe et...

commentaires (1)

COCLUSION : CETTE PSEUDO-RÉVOLUTION NE MÈNERA À RIEN D'AUTRE QU'AU CHAOS CONTINUEL . Il est temps d'arrêter la contestation et d'aider sérieusement le gouvernement à travailler .

Chucri Abboud

13 h 02, le 22 février 2020

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Commentaires (1)

  • COCLUSION : CETTE PSEUDO-RÉVOLUTION NE MÈNERA À RIEN D'AUTRE QU'AU CHAOS CONTINUEL . Il est temps d'arrêter la contestation et d'aider sérieusement le gouvernement à travailler .

    Chucri Abboud

    13 h 02, le 22 février 2020

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