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Société - Environnement

Gestion des déchets et révolution en conférences, art et musique

La Coalition civile pour la gestion des déchets donne une nouvelle dimension à la sensibilisation à cet épineux dossier, qui constitue l’une des sources majeures de gaspillage et de corruption.

Jean-Paul Guiragossian a peint ce piano à queue dont la vente aux enchères permettra d'aider des populations en difficulté.

Au KED, espace culturel de la Quarantaine, l’expertise environnementale et l’expression artistique faisaient hier bon ménage, pour une « révolution contre la mauvaise gestion des déchets ». Le dossier des déchets ménagers est, depuis de longues années, un exemple de mauvaise gestion, de gaspillage et de corruption : la Coalition civile pour la gestion des déchets, qui multiplie, depuis le début de la révolution, les conférences visant à mieux expliquer les enjeux écologiques, sociaux, sanitaires et économiques de ce gâchis, a décidé de sensibiliser le public à cette problématique d’une manière différente. Des artistes qui créent des œuvres à partir de matériaux recyclés ou sur un thème environnemental côtoyaient hier des experts venus déjouer les complications de ce dossier, en fournissant au public le bagage nécessaire pour s’y retrouver dans cet éternel capharnaüm, tout en gardant en tête la philosophie du « zéro déchet ».

Jenny Khawam, membre de la coalition, explique à L’Orient-Le Jour que la formation civile cherche à combattre les préjugés au sujet du peuple libanais. « On nous répète que les Libanais ne peuvent évoluer dans ce domaine, dit-elle. Or c’est faux. Ils ont juste besoin d’une bonne gestion et d’une stratégie pour accompagner leurs actions. » Pourquoi, en parallèle, une exposition d’artistes ? « L’art parle aux émotions. Avec l’art, nous pensons que le message passe encore mieux qu’avec les explications scientifiques des experts », affirme-t-elle. Sur la scène, se trouve un piano à queue peint par le peintre Jean-Paul Guiragossian : il sera mis aux enchères, afin que les bénéfices puissent être redistribués par la coalition aux populations dans le besoin. Dans cette peinture, un vent fort fait pencher un arbre et un personnage aux contours flous, qu’on pourrait interpréter comme étant en train de disparaître, tente de s’accrocher au sol. Malgré ses couleurs vives, cette peinture dégage une nette impression de mélancolie. « En ces temps difficiles, il faut retrouver son ancrage dans le sol de la patrie, car le pays nous file entre les mains et tout ce que nous pouvons faire, c’est nous révolter », explique M. Guiragossian à L’OLJ.


(Lire aussi : La révolte est une prise de conscience de soi du citoyen libanais)


Revaloriser les matières premières
Les artistes qui exposaient à KED hier avaient un message clair à transmettre au public. L’une des œuvres les plus surprenantes est celle de Nadine Kanawati, une mère de famille. Elle a disposé, sur une table, d’élégantes assiettes contenant des microplastiques, de beaux verres avec de l’eau sale rappelant les égouts et le liquide dégagé par les déchets, des plats avec de la dioxine, substance cancérigène résultant de l’incinération sauvage… « C’est ce que nous ingurgitons tous les jours sans le savoir, du fait de la pollution à grande échelle, explique-t-elle à L’OLJ. Est-ce que c’est ce que nous voulons servir à nos enfants ? »

D’autres avaient choisi un message moins alarmiste, mais tout aussi capital. Ainsi, Danièle Kiridjian, une styliste qui a fondé une marque de vêtements, exposait-elle une jupe faite de chutes de tissu. « Il reste souvent du tissu dans les ateliers de couture, que l’on a tendance à jeter, explique-t-elle. J’appelle à leur réutilisation. » Comme beaucoup d’autres artistes à cette exposition, elle a été sensibilisée à ce sujet lors de la crise des déchets de 2015, au cours de laquelle les rues des villes libanaises ont été noyées d’ordures durant neuf mois.

Virginie Keuchguérian, architecte d’intérieur, expose un fauteuil d’époque restauré. « Pour ce fauteuil frappé du cèdre du drapeau libanais, j’ai gardé un côté délabré, alors que l’autre semble flambant neuf : c’est l’ancien Liban que nous voulons remplacer par un nouveau, en sommant les responsables de quitter leurs sièges », expose-t-elle.

Pour les mosaïques créées dans son atelier, Frida Bidawi se sert du plastique morcelé qui sort de l’usine de tri et de compostage de la ville de Saïda. « Les tableaux sont revendus, ce qui montre comment on peut valoriser une matière première quand on cesse de la considérer comme un déchet, tout en réduisant ce qui finit en décharge », souligne-t-elle.

La démarche est quelque peu similaire pour Leila Jabre Jreidini, qui pose près de son grand tableau fait de canettes de boissons gazeuses. Il faut s’en éloigner pour constater qu’elle a réussi à reproduire le drapeau libanais. « Ce tableau a été fait en 2015, en pleine crise des déchets, raconte-t-elle. Je veux qu’à travers lui, les gens soient conscients de ce qui se retrouve dans la nature après la consommation. »

Pour sa part, Sandra Sahyoun expose un tableau inauguré au premier jour de la révolution d’octobre, le « Cri du cèdre » (voir L’OLJ du 23 octobre 2019). La peintre dit avoir été inspirée par les violents incendies d’octobre, et que son « cri », un tonitruant « assez ! », s’est répercuté dans la voix de millions de révolutionnaires. Il en est de même pour la peintre Manuelle Guiragossian, dont les « personnages qui lèvent les mains en signe de contestation et de libération », qu’elle peint depuis plusieurs mois, se sont « concrétisés d’une certaine façon dans la révolution ».



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