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Monde - Éclairage

Crise en Libye : inquiètes, l’Algérie et la Tunisie s’activent pour une solution politique

Haftar salue l’appel au cessez-le-feu lancé par Ankara et Moscou ; poursuite de ses opérations militaires contre les forces pro-GNA.

Ahmad al-Mesmari, porte-parole de Khalifa Haftar, lisant un communiqué. Photo AFP

Soucieuse de rester à égale distance des deux camps en guerre en Libye et hostile à toute ingérence étrangère, l’Algérie, tout comme la Tunisie voisine, s’efforce d’œuvrer à une solution pacifique. Sur fond de ballet diplomatique intense, Alger exhorte la communauté internationale, en particulier l’ONU, à « prendre ses responsabilités » pour « imposer un cessez-le-feu immédiat et mettre fin à l’escalade militaire » en Libye.

Depuis la récente décision de la Turquie de déployer des troupes en Libye, la diplomatie algérienne multiplie les consultations en vue d’un apaisement de la crise qui menace de s’internationaliser. Confrontée depuis près d’un an à un important mouvement (« Hirak ») de contestation populaire, « l’Algérie cherche surtout à préserver sa propre stabilité », analyse Karim Bitar, directeur de recherche à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS) de Paris. « L’Algérie n’a pas intérêt à se retrouver prise au cœur de cette guerre par procuration » en Libye, observe ce spécialiste du Moyen-Orient. En reconnaissance de son rôle régional, l’Algérie – discrète sur la scène internationale depuis l’AVC en 2013 de l’ex-président Abdelaziz Bouteflika – a été officiellement invitée à la conférence internationale prévue prochainement à Berlin pour tenter d’aboutir à un règlement politique sous l’égide des Nations unies.

Non-ingérence

Plongée dans le chaos depuis la chute de Mouammar Kadhafi en 2011, la Libye est aujourd’hui déchirée entre deux autorités : le gouvernement d’union nationale libyen (GNA), reconnu par l’ONU et basé à Tripoli, et un pouvoir incarné par le maréchal Khalifa Haftar dans l’est. Le GNA de Fayez al-Sarraj a l’appui de la Turquie, tandis que le maréchal Haftar peut compter sur le soutien de l’Arabie saoudite, de l’Égypte et des Émirats arabes unis, rivaux régionaux d’Ankara. Depuis avril, le GNA fait face à une offensive sur Tripoli du maréchal Haftar, chef de l’Armée nationale libyenne (ANL). Ce dernier s’est emparé lundi de Syrte, verrou stratégique entre l’est et l’ouest de la Libye. Le maréchal Haftar a salué hier l’appel au cessez-le-feu lancé par Ankara et Moscou, mais annoncé la poursuite de ses opérations militaires contre les forces pro-GNA.

Pour l’Algérie, qui rejette « toute ingérence étrangère » en Libye, Tripoli est une « ligne rouge à ne pas franchir ». Elle plaide pour « un retour rapide au processus du dialogue national inclusif ». Les priorités de la nouvelle équipe dirigeante à Alger sont claires : « Refus de toute intervention étrangère, renforcement de la sécurité aux frontières, réaffirmation de la souveraineté du GNA et de la légitimité de Fayez al-Sarraj », reçu régulièrement à Alger, détaille le journaliste algérien Akram Kharief, expert des questions de défense. « Les Algériens sont contre la guerre de Haftar pour Tripoli parce qu’ils sont profondément convaincus que le maréchal ne peut pas la finir », explique le chercheur algérien Jalel Harchaoui, spécialiste de la Libye à l’Institut Clingendael de La Haye. « Ils pensent qu’il s’agit d’une guerre urbaine ingagnable et sans fin, ce qui veut dire une crise humanitaire grandissante et des vagues de déplacés pouvant affecter la Tunisie et l’Algérie, sans oublier le risque d’une recrudescence du fléau jihadiste », souligne-t-il.

Et pas d’alignement

Alger et Tunis, qui se concertent sur le dossier libyen, ont les mêmes préoccupations sécuritaires. Le premier partage près de 1 000 km de frontière avec la Libye, le second 450 km. La série d’attaques jihadistes de 2015-16 en Tunisie a été planifiée en Libye, et c’est depuis son territoire que le groupe État islamique (EI) a tenté de prendre pied sur le sol tunisien, à Ben Guerdane (Sud-Est), en 2016. La récente visite inopinée du président turc Recep Tayyip Erdogan en Tunisie n’a pas manqué de soulever des interrogations. « La Tunisie servira-t-elle de base arrière pour la coalition anti-Haftar ou de médiateur dans cette crise ? » s’est interrogé le journal francophone La Presse. La présidence tunisienne a mis fin à toutes les spéculations en arguant que « la Tunisie est un pays souverain et n’acceptera jamais de faire partie d’une quelconque alliance ». Pour l’analyste politique tunisien Youssef Cherif, « la Tunisie garde la même politique étrangère classique de ne pas s’aligner ».

« La chose la plus importante que la Tunisie peut faire est de mettre à la disposition des blessés ses hôpitaux et de ne pas fermer ses frontières aux réfugiés », a-t-il expliqué. En 2011, la Tunisie, qui avait accueilli plusieurs centaines de milliers de personnes fuyant le conflit en Libye, se prépare à un éventuel nouvel afflux. Quant à l’Algérie, elle reçoit quotidiennement plus de migrants que toute l’Europe, selon l’Organisation internationale des migrations (OIM), une agence l’ONU.

Philippe AGRET, avec Aymen JAMLI/AFP

Soucieuse de rester à égale distance des deux camps en guerre en Libye et hostile à toute ingérence étrangère, l’Algérie, tout comme la Tunisie voisine, s’efforce d’œuvrer à une solution pacifique. Sur fond de ballet diplomatique intense, Alger exhorte la communauté internationale, en particulier l’ONU, à « prendre ses responsabilités » pour « imposer un...

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