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Moyen Orient et Monde - Crise

Les enjeux d’une intervention turque en Libye

Le gouvernement de Tripoli a appelé cinq pays « amis » à le soutenir contre les forces de l’Est qui tentent de s’emparer de la capitale.

Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, lors d’une table ronde au sommet de Kuala Lumpur, en Malaisie, le 19 décembre 2019. Malaysia Department of Information/Handout via Reuters

Bientôt des troupes turques en Libye? En plein conflit avec les forces du maréchal Khalifa Haftar – homme fort de l’est du pays et commandant des forces de l’Armée nationale libyenne (ANL)–, le Gouvernement d’union nationale (GNA), reconnu par l’ONU, siégeant à Tripoli et dirigé par Fayez el-Sarraj, a officiellement « mis en œuvre » jeudi le mémorandum d’accord militaire signé avec Ankara le 27 novembre dernier.

Ledit accord, en plus de délimiter les frontières maritimes turco-libyennes en Méditerranée – offrant à la Turquie l’opportunité d’accroître son entreprise de forages gaziers au large de Chypre –, prévoit l’envoi d’une force de réaction rapide turque en territoire libyen si le GNA en fait la demande. Il permet notamment toutes sortes de transferts d’armes, d’aide militaire, de formation, de soutien technique, d’exercices conjoints et de partage de renseignements entre les deux pays, y compris le déploiement de troupes turques sur place pendant trois ans.

Le GNA n’a pour l’instant pas appelé Ankara à la rescousse, mais a tenu à assurer ses arrières en faisant parvenir hier à cinq pays « amis », dont la Turquie, des lettres visant à signer des « accords sécuritaires bilatéraux » pour l’aider à repousser l’offensive du maréchal Khalifa Haftar. Les quatre autres pays « amis » sont les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Italie et l’Algérie. Le but est de contrer « l’agression de tout groupe opérant hors de la légitimité de l’État, pour maintenir la paix sociale et parvenir à la stabilité de la Libye », selon un communiqué du GNA. M. Sarraj a appelé les cinq pays « à coopérer et se coordonner » avec le GNA dans la lutte contre « les organisations terroristes, notamment l’État islamique et el-Qaëda ».

La Turquie et dans une moindre mesure le Qatar soutiennent activement le GNA. Le maréchal Haftar peut de son côté compter sur les appuis de l’Égypte, des Émirats arabes unis, de l’Arabie saoudite et de la Russie. Ces derniers mois, sans le reconnaître officiellement, les autorités turques ont multiplié les livraisons d’armes aux forces du GNA, notamment des tanks et des drones armés. Début novembre, un rapport confidentiel d’experts de l’ONU accusait la Turquie de violer l’embargo sur les armes, imposé depuis 2011 à la Libye.

Le GNA n’a toutefois pas donné de détails sur les termes de l’accord signé avec Ankara ou la nature de l’aide qu’Ankara pourrait lui fournir en plus des drones et blindés qu’il a déjà livrés ces derniers mois, selon l’ONU, aux forces anti-Haftar. Les analystes semblent cependant sceptiques concernant le type d’interventions qu’Ankara peut effectuer en Libye. « La Turquie ne déploiera probablement pas d’importantes forces militaires en Libye », explique Nicholas Heras, spécialiste des questions sécuritaires au Moyen-Orient et en Afrique du Nord au Center for a New American Security (CNAS), contacté par L’Orient-Le Jour. « Mais ce qui est le plus susceptible de se produire, c’est l’envoi de forces spéciales, de drones de guerre et de reconnaissance (…), la fourniture d’outils de surveillance et de renseignement au GNA », ajoute-t-il, précisant que « cela est un moyen de démontrer la détermination de la Turquie à soutenir ses partenaires libyens ».


(Lire aussi : Comment Ankara et Moscou vont-ils cohabiter en Libye ?)



Handicap et légitimité

Une éventuelle intervention militaire turque en Libye pourrait dans le même temps augmenter le risque de confrontations directes entre Turcs d’un côté, et Émiratis, Égyptiens, Saoudiens et dans une moindre mesure Russes – notamment avec des mercenaires appartenant à la société privée Wagner – de l’autre. Une délégation turque doit par ailleurs se rendre prochainement en Russie afin de discuter de ce dossier.Pourtant « ni les Turcs ni les Russes ne veulent risquer un choc frontal en Libye, tant qu’ils sont impliqués dans leur valse délicate en Syrie », explique Nicholas Heras, ajoutant que de leur côté, « les Émiratis seront prudents car ils ne disposent que d’un personnel limité qu’ils peuvent utiliser pour leur sphère d’influence dans la mer Rouge et la Corne de l’Afrique et dans d’autres parties du grand Moyen-Orient ». La Turquie aurait par ailleurs un handicap par rapport à ses « adversaires » en cas d’intervention militaire. Les forces pro-Haftar, qui contrôlent l’est du pays, n’auraient aucun mal à se doter d’armes venant d’Égypte. Pour livrer ses armements, Ankara devrait recourir à des bateaux qui traverseraient plus de 2 500 km jusqu’à atteindre les côtes libyennes. Ces navires pourraient être directement pris pour cibles par l’artillerie des forces pro-Haftar. Ces derniers n’avaient pas hésité à menacer directement des bateaux turcs au large des côtes libyennes cet été.


(Lire aussi : La Méditerranée orientale, terrain de lutte entre Ankara et Riyad)



Vient ensuite la question de la réaction de la Communauté internationale. Bien que dominant totalement l’est de la Libye, le maréchal Haftar n’a pas de légitimité à l’égard des instances internationales, contrairement à Fayez el-Sarraj. Une éventuelle intervention directe de la Turquie, au nom de la défense du GNA, pourrait faire perdre à ce dernier sa légitimité politique aux yeux du monde. « Les forces libyennes alliées à la Turquie tentent de démontrer leur légitimité dans le cadre du processus des Nations unies pour mettre fin à la guerre civile libyenne », note Nicholas Heras, précisant toutefois qu’une escalade « du GNA sans résolution de l’ONU est peu probable (…). Siégeant au Conseil de sécurité et opposé à la Turquie en Libye, la Russie ne le permettra certainement pas ».


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commentaires (2)

La libye continue a etre dechiquetee par le bon vouloir de l'ouest & de la russie -mais aussi des pays arabes freres-et on se demande encore pourquoi ils sont tellement honnis par les pays du tiers monde !

Gaby SIOUFI

09 h 14, le 21 décembre 2019

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Commentaires (2)

  • La libye continue a etre dechiquetee par le bon vouloir de l'ouest & de la russie -mais aussi des pays arabes freres-et on se demande encore pourquoi ils sont tellement honnis par les pays du tiers monde !

    Gaby SIOUFI

    09 h 14, le 21 décembre 2019

  • SI LE TURC SE HASARDE EN LYBIE IL VA SE FAIRE CASSER LA TETE.

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 59, le 21 décembre 2019

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