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Nos Lecteurs ont la Parole - Fady BUSTROS

Gouvernement techno-politique : un autre regard

Nous ne vivons pas une situation claire, comme celle qui aurait opposé un pouvoir absolu à la Chavez à un soulèvement structuré. Notre classe politique, formée de plusieurs pouvoirs en confrontation douce, ne peut pleinement assumer son rôle d’interlocutrice face à une révolte, certes justifiée, mais aux contours parfois imprécis. Ces défauts de représentativité compliquent la situation et imposent une lecture adaptée en regard de la désignation d’un Premier ministre et de la formation d’un gouvernement de salut.

Tout gouvernement, pour des raisons constitutionnelles ainsi que socioculturelles, se doit d’être présidé par une figure sunnite de premier plan ; à l’instar de la représentativité attribuée à la présidence de la République et à la présidence du Parlement. Notre pays ne peut déroger à cet équilibre dans la situation présente du fait même que la majorité de nos concitoyens ne sont pas encore prêts à remettre en question la répartition confessionnelle des trois présidences. Il n’en aurait pas été de même si les deux autres piliers du pouvoir étaient dévolus à Jean Khoury et Hussein el-Zein.

Cela implique un choix restreint de candidats à l’approche des consultations visant à nommer un Premier ministre ; toute entorse à cette règle entraînera un refus parlementaire, ou populaire, qui ne manquera pas de plomber la mission de la nouvelle équipe dirigeante ou d’en retarder la formation urgente. Pour tout changer, il faut tout le monde, et nous sommes, triste constat, loin du compte.

Le choix des ministres répond aussi à cette même logique ; il est impératif que le nouveau cabinet inspire confiance en termes de compétences, intégrité et cohésion. C’est ce que tous les Libanais exigent ; les groupes politiques, dans le but de restaurer leurs images ternies, les acteurs et sympathisants du soulèvement dans le but de mettre en place un paquet de réformes inaltérables, ainsi qu’une grande partie de la population qui assiste, angoissée par le temps perdu, à un dialogue de sourds empreint de positions figées entre tous les acteurs de l’opportunité historique que nous vivons. Il faut donc plus de discernement.

L’option d’un cabinet présidé par une figure sunnite de premier plan, groupant une majorité de techniciens et spécialistes, avec quelques ministres sans portefeuille représentant certains groupes politiques, semble se dessiner. Cette formule ne répond pas aux exigences du soulèvement mais offre aussi certains avantages ; elle mécontente le moins de monde et rassure ceux qui cherchent à éviter que la nouvelle équipe, jugée novice en matière de politique des axes, ne puisse gérer ou préserver leurs intérêts stratégiques et positionnements régionaux. Cette précondition qui sert le tandem chiite et la moumanaa, et qu’il nous est impossible d’ignorer, peut en fait servir une grande partie des revendications du soulèvement. Comment ?

S’il est vital que le changement souhaité ne se résume pas aux habituelles décisions inappliquées, nous devons anticiper que :

1. la mise en application de la majorité des réformes devra impacter tous les services de l’administration publique, du sommet des hiérarchies aux plus petits échelons de la 5e catégorie de fonctionnaires et employés. Ces derniers relèvent très souvent de l’oligarchie politique qui les a fait nommer. La présence d’une minorité de représentants politiques (sans portefeuille) peut donc assurer couverture et crédibilité aux décisions appelées à être prises par les ministres non politiques. Il appartiendra alors à ces derniers d’exposer d’éventuelles protections obstruant leur action ;

2. la gestion de la crise monétaire et de la situation économique nécessitera des mesures sévères qui ne vont pas recueillir l’assentiment de larges franges de la population. Le déficit d’autorité et de crédibilité accumulé par nos gouvernements devra être compensé, temporairement, par l’influence de certains groupes politiques encore crédibles auprès d’un public qui leur est acquis. Des situations nous en ont apporté la preuve au cours des dernières semaines. Ici aussi, la présence d’un relais politique au sein du cabinet est nécessaire.

Il y a donc un effort à accomplir de la part de tous en vue de traduire en actes progressifs les acquis du soulèvement avant qu’il ne soit trop tard ; cet effort n’est malheureusement pas facile dans notre société, otage d’ego, de replis confessionnels et identitaires porteurs de dangereux dérapages ; les pouvoirs et le soulèvement, qui ne doit pas lever la pression, sont donc condamnés à faire preuve de souplesse pour éviter le chaos.

Il faut à tout prix éviter un retour au 16 octobre, mais plus aussi, prévenir un éventuel « On était mieux le 16 octobre ».

Activiste

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour.

Nous ne vivons pas une situation claire, comme celle qui aurait opposé un pouvoir absolu à la Chavez à un soulèvement structuré. Notre classe politique, formée de plusieurs pouvoirs en confrontation douce, ne peut pleinement assumer son rôle d’interlocutrice face à une révolte, certes justifiée, mais aux contours parfois imprécis. Ces défauts de représentativité compliquent la...

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