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Liban - Psychanalyse, ni ange ni démon

La Père-version des dirigeants

Avec ce subtil trait d’union, Lacan pourfendait l’abus de pouvoir du père sur un fils médusé, paralysé. Père et fils sont donc liés par cette perversion, les fils garantissant au Père la justesse de sa version. Et son maintien au pouvoir. Ce qui explique pourquoi tant de personnes sensées suivent aveuglément tel ou tel autre père. Cette avancée de Lacan rejoint l’analyse que fait Freud de la foule et de sa subordination totale au Chef et les deux rejoignent le fameux Discours de la servitude volontaire d’Étienne de La Boétie.

Il faut donc être deux pour que le pervers puisse fonctionner. Sur le plan familial et sur le plan sociopolitique. Ce qui explique pourquoi le pervers a tant de pouvoir. Comment agit-il ?

Octave Mannoni (1899-1989), brillant élève et interlocuteur de Lacan, nous l’a expliqué en une formule limpide : « Je sais bien mais quand même. » C’est la formule du pervers : je sais bien que c’est la loi, mais quand même j’en fais à ma tête, c’est-à-dire c’est moi qui fait la loi. Ce principe du pervers lui permet de transgresser toutes les règles, mais atténuées aux yeux de l’autre par le « Je sais bien » qui aveugle le sujet. Et c’est ce qui trompe l’enfant, le sujet, l’élève, le citoyen et les pousse à rester dans l’allégeance. Le pervers a la vie longue.

Que ce soit le père de famille ou son substitut. Que ce soit le dirigeant politique ou son substitut. La version du père de famille ou de son substitut, ou du dirigeant politique devient la version légale : Père-version. Soit la version du Père et non plus la Loi dans sa version écrite et orale. Et il est toujours difficile d’opérer un changement chez le pervers, convaincu qu’il est de sa propre version de la Loi. Le psychanalyste a du mal à faire bouger le pervers puisqu’il est toujours à côté de la Loi. Et ce qui lui permet de rester à côté de la Loi, quand il est en poste de commande dans la fonction publique, c’est l’adhésion et la soumission aveugle de ceux et celles qui lui prêtent allégeance.

Ce que fait exploser la Révolution, c’est l’allégeance au chef

La Révolution fait exploser cette allégeance permettant au citoyen de réaliser que le « Je sais bien mais quand même » était un leurre. L’art du pervers étant d’accuser l’autre : Je sais bien que tous sont voleurs, mais quand même pas moi.

D’où la justesse et la force du slogan « Vous êtes tous des voleurs ». Et le fait d’ajouter dans un autre slogan : « Tous, ça veut dire tous » indique bien que la Révolution a bloqué par avance le « quand même » du discours pervers et qu’elle n’oublie pas les complices. Celui ou celle qui a couvert le dirigeant pervers qui a volé l’argent de l’État, c’est-à-dire l’argent des citoyens est tout aussi corrompu que lui. On observe cela très clairement dans les familles. Lorsqu’une fille abusée vient se plaindre chez sa mère que son père a abusé d’elle, dans la majeure partie des cas, la mère couvre le père. Ce qui constitue un abus supplémentaire, parfois plus dur que le premier.

La Révolution fait exploser la figure du Père abusif. Le Roi est nu. Il n’est plus couvert par ce qui le rendait intouchable. Le citoyen le voit et sort de son aveuglément précédent. La Révolution agit comme une interprétation psychanalytique : sur un plan collectif elle révèle ce que la censure maintenait caché. D’où l’humour et le nombre incalculable de blagues qui ont circulé sur le net. D’autres formes d’abus que la Père-version maintiennent le citoyen dans la « servitude volontaire ». C’est le cas des dictateurs.

Le dictateur hypnotise le citoyen, on le voit à ses yeux. Il y a des photos montrant Adolf Hitler haranguant des étudiants : ils ont un regard hypnotisé.

La Révolution casse donc ce rapport hypnotique entre les dirigeants et les citoyens et provoque un vent de liberté. Et la liberté est contagieuse. Elle s’étend à toutes les tranches d’âge, à toutes les classes sociales et à toutes les régions du pays. Voilà ce qui la rend indestructible, quel que soit son avenir immédiat.

Avec ce subtil trait d’union, Lacan pourfendait l’abus de pouvoir du père sur un fils médusé, paralysé. Père et fils sont donc liés par cette perversion, les fils garantissant au Père la justesse de sa version. Et son maintien au pouvoir. Ce qui explique pourquoi tant de personnes sensées suivent aveuglément tel ou tel autre père. Cette avancée de Lacan rejoint l’analyse que fait...

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