Le Capitole, siège du Congrès américain à Washington, le 1er novembre 2019. Archives AFP
Les États-Unis pourraient bientôt durcir leurs sanctions économiques contre le régime syrien avec pour conséquences de compliquer la reconstruction et d’empêcher toute normalisation avec ce pays sur le long terme. La Chambre des représentants a adopté hier la « National Defence Authorization Act » (NDAA) pour 2020 dans lequel est incluse une loi historique, intitulée « Caesar Syria Civilian Protection Act ». Cette loi avait été adoptée à l’unanimité par la même Chambre un an plus tôt. Selon le Washington Post, l’administration Trump est officiellement en faveur de la législation et devrait la faire appliquer. Le président américain devrait signer la NDAA dans les jours qui suivent.
Le texte permettra de sanctionner tout gouvernement ou toute entité privée qui aide le régime ou contribue à la reconstruction de la Syrie. Le régime syrien est déjà soumis à d’importantes sanctions américaines et européennes, mais cette mesure constitue une nouvelle épée de Damoclès au-dessus du régime de Damas. « Nous avons exhorté le Congrès à adopter le projet de loi César non seulement parce qu’il fournirait des pouvoirs de sanctions supplémentaires à l’administration américaine, mais aussi parce qu’il enverrait un signal puissant de détermination américaine contre la normalisation du régime Assad et en faveur de la justice pour les victimes de crimes de guerre en Syrie », explique à L’Orient-Le Jour Michael Singh, expert au Washington Institute, qui a coprésidé le « Syria Study Group », une commission sur la Syrie mandatée par le Congrès. « Cette loi met un point final à toute tentative de réhabiliter ce régime et ne permet pas à Assad de faire partie de l’avenir de la Syrie et de la transition », estime pour sa part Anwar el-Bunni, avocat et opposant syrien, également contacté.
Si la loi César était adoptée, les États-Unis pourraient sanctionner toute entreprise internationale qui investit dans les secteurs de l’énergie, de l’aviation, de la construction ou de l’ingénierie en Syrie, ainsi que toute personne qui prête de l’argent au régime. À titre d’exemple, une entreprise russe qui traite avec le régime syrien ne tombe pas forcément aujourd’hui sous le coup des sanctions US. La nouvelle législation risque de changer la donne. De quoi dissuader sérieusement tout investisseur et fermer de manière plus globale l’accès du gouvernement syrien au système financier international. « Les Américains usent du même système que celui utilisé contre l’Iran. Aucune compagnie ne va oser s’aventurer en Syrie. C’était déjà le cas avant, mais là c’est écrit noir sur blanc », réagit un commerçant à Damas. « Cela risque de faire réfléchir les pays qui veulent rétablir des relations diplomatiques et commerciales avec le régime », dit Majd Khalaf, un Casque blanc et activiste originaire d’Idleb contacté via WhatsApp. La région continue d’être intensément bombardée par les forces du régime et son allié russe, et ce en dépit d’un accord de cessez-le feu signé fin août.
Justice pour les victimes
Le régime syrien a gagné la guerre grâce au soutien de ses alliés russe et iranien, mais le pays est aujourd’hui à genoux sur le plan économique. Le coût de la reconstruction est estimé à près de 400 milliards de dollars, et la dépréciation de la livre syrienne rend le quotidien des Syriens de plus en plus intenable. « De nouvelles sanctions risquent de faire extrêmement mal aux gens, mais on doit en passer par là si on veut que les responsables paient pour leurs crimes », estime Majd Khalaf. Raghed*, un opposant syrien réfugié en Turquie, est moins optimiste quant à l’efficacité d’une telle loi. « L’Iran est sous sanctions depuis plus de 20 ans et il continue d’envoyer des milices et des armes au Yémen, en Syrie, en Irak et au Liban », estime-t-il.
La loi s’inscrit dans une logique de justice sur le long terme. « L’adoption de ce projet de loi contribuerait à garantir que la question de la responsabilité des crimes de guerre ne soit pas cachée sous le tapis alors que les États-Unis se désengagent de Syrie », martèle Michael Singh.
La nouvelle a été applaudie par les organisations des droits de l’homme et les associations de familles de victimes du régime qui attendent une décision politique et diplomatique forte contre Damas. « Cette loi est très importante et illustre bien nos revendications. Nous ne parvenons pas à obtenir justice auprès des juridictions internationales, donc cette loi est un acte majeur pour les Syriens », dit Anwar el-Bunni. La loi en question porte le nom de César, en référence au célèbre ex-photographe de la police militaire syrienne qui s’est enfui de Syrie en 2013, emportant 55 000 photographies de corps torturés. La commission des Affaires étrangères américaine de la Chambre a indiqué sur Twitter mercredi que « cette législation garantit qu’Assad et ses facilitateurs, la Russie et l’Iran, seront tenus responsables de leurs crimes et de leur brutalité contre des millions de personnes innocentes ». En 2014, César avait témoigné devant la commission et plaidé pour que le gouvernement américain fasse davantage pour protéger les civils en Syrie, y compris les milliers de détenus dans les prisons de Bachar el-Assad. « Pendant des années, nous avons travaillé pour tenir Assad et ses partisans responsables de leur génocide en Syrie. Le projet de loi César envoie un message clair : les États-Unis ne fermeront pas les yeux sur ces atrocités, et nous veillerons à ce que les responsables paient pour leurs crimes odieux », a écrit sur Twitter Adam Kinzinger, sénateur républicain de l’Illinois et grand défenseur de la loi. Selon le dernier rapport du Réseau syrien des droits de l’homme (SNHR) publié en octobre, au moins 14 298 personnes, dont 178 enfants et 63 femmes, sont mortes par la torture en Syrie, entre mars 2011 et septembre 2019. « Tout ce qui met la pression sur le régime est bon pour nous, pour que les souffrances des victimes soient enfin reconnues. Chaque avancée dans ce sens nous donne de l’espoir », conclut Majd Khalaf.
*Le prénom a été changé.
Les États-Unis pourraient bientôt durcir leurs sanctions économiques contre le régime syrien avec pour conséquences de compliquer la reconstruction et d’empêcher toute normalisation avec ce pays sur le long terme. La Chambre des représentants a adopté hier la « National Defence Authorization Act » (NDAA) pour 2020 dans lequel est incluse une loi historique, intitulée...
commentaires (6)
Ils sont de plus en plus fous ces Américains ! Ils ne savent jamais à quels leaders entêtés et déterminés ils ont à faire ! Cela va faire de la Syrie un deuxième Cuba ! Les Chinois , les Russes er le Ciréens du Nord ont déjà commencé à recontruire la Syrie ! Les américains DEHORS ! Ils l'auront voulu !
Chucri Abboud
18 h 58, le 13 décembre 2019