Le chef du Courant patriotique libre, Gebran Bassil, à l'issue d'une conférence de presse au siège du CPL, le 12 décembre 2019. REUTERS/Mohamed Azakir
Le chef du Courant patriotique libre, Gebran Bassil, a annoncé jeudi soir que sa formation n'intégrera ni un gouvernement composé de technocrates, ni un gouvernement techno-politique dirigé par Saad Hariri, affirmant que dans ces cas, le CPL rejoindra les rangs de l'opposition.
"Si M. Hariri reste attaché à la règle du 'Moi et personne d'autre', et que le Hezbollah et le mouvement Amal insistent à former un gouvernement techno-politique présidé par M. Hariri, alors nous ne sommes pas intéressés par une participation à de tels cabinets", a déclaré M. Bassil à l'issue d'une réunion exceptionnelle du groupe du "Liban fort", dont le CPL est la principale composante, au siège du parti fondé par le chef de l'Etat, Michel Aoun, à Mirna Chalouhi.
Depuis le 17 octobre, le Liban est en proie à une contestation sans précédent contre l'ensemble des dirigeants politiques, jugés incompétents et corrompus. Le mouvement a entraîné la démission du Premier ministre Hariri, le 29 octobre dernier, mais les tractations pour la formation d'un nouveau cabinet traînent, au grand dam des manifestants. Après le désistement de l'homme d'affaires Samir Khatib, pressenti ces dernières semaines pour diriger un cabinet techno-politique, et le soutien annoncé de Dar el-Fatwa, la plus haute instance religieuse sunnite du pays à Saad Hariri, les consultations prévues lundi dernier avaient été reportées d'une semaine. M. Hariri a affirmé à maintes reprises qu'il n’acceptera de présider qu’un gouvernement de technocrates, libre de toute figure politique conventionnelle et doté de pouvoirs exceptionnels pour être en mesure de faire face à une crise exceptionnelle, alors que ces opposants politiques, le CPL et le tandem chiite, prônent un gouvernement techno-politique. Les contestataires réclament eux aussi la formation d'un gouvernement de technocrates sans plus de retard.
"Prenez tous les sièges"
Lors de sa conférence de presse, le leader du parti aouniste s'est prononcé en faveur d'un gouvernement "efficace, productif et de salut public, qui empêcherait le Liban de sombrer dans l’effondrement et le chaos, composé d'experts compétents et courageux en son sein et à sa tête". "Il faut former un gouvernement qui a des solutions et qui doit réussir", a-t-il insisté. Et de préciser : "Hariri choisira un Premier ministre dans ce cadre. Le PM désigné devra alors, en concertation avec le chef de l'Etat, former ce gouvernement, conformément aux équilibres politiques, afin que le Liban soit représenté de la meilleure des manières auprès de la communauté internationale", a-t-il ajouté. "Prenez tous les sièges, mais proposez-nous une politique économique, mettez en œuvre le plan sur l'électricité et stoppez la dilapidation des fonds publics", a lancé M. Bassil, l'une des personnalités politiques les plus conspuées par le mouvement de contestation qui, depuis près de deux mois, réclame le départ de toute la classe politique, accusée de corruption et d'incompétence. "Nous sommes prêts à nous sacrifier pour le bien du pays et éviter l'effondrement", a-t-il insisté.
La non-présence du CPL au sein d'un gouvernement libanais serait une première depuis son entrée dans le cabinet d'union nationale de Fouad Siniora en 2008 au sein duquel Gebran Bassil occupait la fonction de ministère des Télécoms.
Mercredi, le président de la Chambre et leader du mouvement Amal, Nabih Berry, s'était dit attaché à la participation du CPL à la future équipe ministérielle. Après cette prise de position, le leader du parti aouniste s'était entretenu ce jeudi matin avec M. Berry à Aïn el-Tiné. Selon les médias locaux, M. Bassil aurait dit à M. Berry : "Le dialogue nous manque!". Ce à quoi M. Berry aurait répondu : "Dans ce pays, il n'y a aucune alternative au dialogue".
Le chef du CPL a été également été reçu ces dernières heures par le secrétaire général du Hezbollah Hassan Nasrallah, qui doit prendre la parole vendredi aux alentours de 17h30.
(Lire aussi : Vers quel cabinet se dirige-t-on?)
"Assassinat politique"
Lors de sa conférence de presse, M. Bassil a critiqué l'attitude du Premier ministre sortant, l'accusant d'avoir "surfé sur la vague du mouvement de contestation". "Nous ne pouvons pas ignorer la représentativité de Saad Hariri, nous n'avions pas besoin de Dar el-Fatwa pour cela", a déclaré M. Bassil, en référence au soutien de la plus haute autorité religieuse sunnite du pays au PM sortant. "Mais d'un autre côté, Saad Hariri tente d'instaurer un nouvel équilibre en éliminant ses adversaires. Nous n'acceptons pas que quiconque ne surfe sur la vague de la contestation. Je n'accepte pas qu'il laisse penser que tous les partis sont responsables de la situation (de crise), mais pas lui", a-t-il ajouté. Et de lancer : "Personne ne peut éliminer qui que ce soit. Le changement de cet équilibre est inacceptable. On tente de nous imposer une réalité, mais nous n'accepterons pas de remettre en cause le Pacte national et la véritable représentativité des composantes du pays".
"Nous avons dit que nous allions renverser la table, mais les gens nous ont devancés (...), a poursuivi le chef du CPL. Malgré ses réalisations, le gouvernement sortant, bâti sur la base d'une large entente, a échoué à lutter contre la corruption, corriger les politiques économiques et financières en place et régler les problèmes d'infrastructure depuis 30 ans", a estimé le chef du CPL. "D'aucuns estiment que l'entente scellée en 2016 (entre le CPL et le Futur et qui a abouti à l'élection de Michel Aoun à la tête de l'Etat) était un accord de marchandage. Mais si je faisais vraiment partie du système de corruption, aurais-je été la cible d'un assassinat politique tel que c'est le cas aujourd'hui ?", s'est-il interrogé.
Selon des sources proches de M. Hariri citées par la chaîne locale LBCI, ce dernier n'a pas changé de position quant à la formation d'un cabinet de technocrates, et menait des contacts tous azimuts à cet effet. Le bloc parlementaire du Hezbollah a, lui, indiqué dans l'après-midi que "les consultations parlementaires vont donner un résultat dont l'ensemble des blocs assumera la responsabilité, notamment sur la situation du pays".
De son côté, le député druze Talal Arslane a appelé à l'issue d'une réunion à Baabda avec Michel Aoun, à la formation d'un "gouvernement entier de spécialistes, du président du Conseil aux ministres", s'opposant dès lors à la nomination de Saad Hariri à la tête de la future équipe ministérielle. Le camp du 8 Mars "accepterait-il que le prochain cabinet soit dirigé par quelqu'un comme Nawaf Salam" (l’ancien ambassadeur du Liban aux Nations unies, actuellement juge à la Cour internationale de justice), se sont interrogées des sources proches de M. Hariri citées par la chaîne locale LBCI, en réponse à M. Arslane.
Pour mémoire
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Le chef du Courant patriotique libre, Gebran Bassil, a annoncé jeudi soir que sa formation n'intégrera ni un gouvernement composé de technocrates, ni un gouvernement techno-politique dirigé par Saad Hariri, affirmant que dans ces cas, le CPL rejoindra les rangs de l'opposition."Si M. Hariri reste attaché à la règle du 'Moi et personne d'autre', et que le Hezbollah et le mouvement Amal...
commentaires (24)
Faut faire table rase des politiciens libanais. Kollon Ya3ni Kollon, de Michel Aoun et de sa clique de la clique Istez Nabeuh (visse sur son perchoir) de la clique Hariri, Mikati, Jumblat, Karame, Frangieh, Gemayel, oulak TOUS! Nettoyer les augias du pouvoir au carcher......
IMB a SPO
15 h 10, le 13 décembre 2019