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Liban - Agression de manifestants

Paula Nawfal à « L’OLJ » : « J’avais beau crier que je suis journaliste, il continuait à me frapper »

Des protestataires se sont rassemblés hier soir devant un des accès au Parlement et le ministère de l’Intérieur pour protester contre l’attaque menée par la police de la deuxième présidence.


La journaliste du quotidien « an-Nahar », Paula Nawfal, le visage ensanglanté après avoir été frappée par un membre de la police du Parlement. Photo tirée d’une vidéo

Le convoi était formé d’une cinquantaine de voitures. Signaux de détresse actionnés, il sillonnait la capitale ce mardi soir, pour s’arrêter au pied des immeubles habités par des ministres ou d’anciens ministres des Travaux publics, histoire de crier la colère de la rue face à la piètre infrastructure du pays révélée lors des récentes intempéries. Les manifestants klaxonnaient, arboraient des drapeaux libanais, jetaient au passage des sacs de déchets devant les résidences des hommes politiques, tout en lançant les slogans hostiles à la classe au pouvoir qu’ils accusent de corruption. Certains d’entre eux filmaient la scène avec leurs téléphones portables.

Il devait être 23 heures 30. Le convoi se trouvait à Verdun, à proximité du centre commercial Verdun 730, lorsque des hommes vêtus de treillis, identifiés par les contestataires comme la police du Parlement, ont surgi de nulle part, brisant les vitres des voitures, frappant sauvagement les manifestants avec leurs matraques, jetant certains d’eux à terre, s’emparant de leurs téléphones portables pour effacer les preuves de leurs actes.


La journaliste promet de porter plainte
Parmi la dizaine de blessés, dont certains ensanglantés, une journaliste du quotidien an-Nahar, Paula Nawfal, qui se trouvait à bord de sa voiture. « Je rentrais d’un dîner. Je savais que les manifestants avaient décidé de protester devant les résidences d’hommes politiques. J’avais obtenu leur itinéraire. J’ai donc décidé de les suivre pour couvrir le mouvement », raconte-t-elle à L’Orient-Le Jour, précisant que les manifestants n’avaient aucunement l’intention de se rendre à Aïn el-Tiné, où habite le président du Parlement, Nabih Berry, également chef du mouvement Amal. Le convoi quittait la région de l’ABC de Verdun avec pour prochaine destination la résidence de l’ancien ministre Ghazi Zeaïter. « C’est alors que des membres de la police du Parlement ont attaqué subitement le convoi », poursuit la journaliste, qui filmait la scène depuis sa voiture. « L’un d’entre eux s’en est même pris à ma voiture. Il a brisé la vitre et s’est précipité vers moi pour s’acharner sur mon visage avec sa matraque, poursuit-elle. J’avais beau crier que je suis journaliste, il continuait à frapper. »



Encore sous le choc, la jeune femme, qui s’en est tirée avec les lèvres tuméfiées et une peur bleue, promet de porter plainte contre son agresseur qu’elle a réussi à identifier. Le Comité des avocats de défense des manifestants est déjà mobilisé dans ce sens. L’avocate Nermine Sibaï et ses collègues ont porté plainte auprès de la gendarmerie pour flagrant délit et rassemblent les preuves pour identifier l’ensemble des agresseurs dont certains étaient en civil. « Il y a effectivement eu agression physique et matérielle de la part de membres de la police du Parlement contre une quinzaine de manifestants », assure Me Sibaï à L’OLJ, espérant que le dossier ne sera pas bloqué par les interventions politiques. « Mais les avocats sont prêts à aller jusqu’au bout », soutient-elle.


La version de la police du Parlement
L’agression a provoqué un véritable tollé sur les réseaux sociaux qui font circuler les noms, photos et vidéos des agresseurs pris en flagrant délit, accusant « les voyous (baltajis) de Berry » de s’être attaqués aux protestataires pacifiques. Face à une telle réaction, et alors que la classe politique observait un mutisme total, le commandement de la police du Parlement a publié un communiqué laconique. « Après minuit, des groupes de manifestants ont jeté des déchets et des bouteilles vides sur des agents protégeant le siège de la deuxième présidence de Aïn el Tiné, blessant l’un d’eux qui a été transporté à l’hôpital. Des échauffourées ont ensuite éclaté entre la foule et les agents de police », indique le communiqué. « Nous respectons les lois. Les citoyens ont le droit de manifester, et depuis le début du mouvement, la police du Parlement observe avec discipline et bienveillance tous les rassemblements qui se déroulent dans notre périmètre d’action », poursuit le texte, indiquant qu’un rapport sur les événements de la nuit dernière a été remis à la présidence du Parlement. « Nous affirmons notre attachement à régler les conflits, et à préserver la sécurité des manifestants et des agents de la police du Parlement », conclut-il.

Mais les manifestants persistent et signent. Selon le réalisateur Lucien Bourjeily, qui faisait également partie du convoi, tout se déroulait sans incidents, sans infractions. « Nous ne faisions que klaxonner et jetions des sacs d’ordures au pied des immeubles des responsables politiques », dit-il, assurant que le convoi n’avait aucune intention de se rendre sous les fenêtres du président du Parlement, mais devait emprunter la route côtière. « C’est alors qu’ils ont attaqué, sautant littéralement sur les capots des voitures et sur les manifestants, frappant, brisant, jetant des gens à terre », poursuit-il. « Dans un mouvement de panique, certaines voitures ont bien tenté de faire marche arrière ou de rebrousser chemin. Mais elles ont vite été rattrapées par les voyous de Berry », précise-t-il. À l’arrière du convoi, le jeune militant ne peut qu’éteindre ses flashers, remonter ses vitres, bloquer les portières et cacher son téléphone. « Fort heureusement, ils ne nous ont pas embêtés, peut-être parce que nous n’avions pas de drapeau libanais », avoue-t-il. Mais en même temps, il se demande pourquoi la force antiémeute qui suivaient le convoi depuis le début du mouvement n’ont pas réagi pour protéger les manifestants. « Dès que les agresseurs ont envahi l’artère, elles se sont écartées, comme pour laisser faire », déplore-t-il.



Le devoir de protection des forces de l’ordre
Condamnant fermement l’agression, le Centre SKeyes pour la liberté de la presse et de la culture, qui a publié un communiqué dans ce sens, constate une recrudescence des atteintes à l’encontre des journalistes et des manifestants, harcèlements, menaces, agressions physiques ou matérielles. « Nous avons vu hier des personnes ensanglantées qui ont reçu des coups de matraque sur la tête de la part d’éléments des forces de l’ordre. C’est bien la preuve que le pouvoir utilise systématiquement la répression contre les manifestants », déplore à L’OLJ le responsable de la communication de l’organisation, Jad Shahrour. Il invite, dans ce cadre, la justice à faire son devoir. « Si la justice se veut indépendante et qu’elle entend lutter contre la corruption, elle doit impérativement prendre des mesures contre les forces de l’ordre qui ont agressé les manifestants, martèle-t-il. Car les forces de l’ordre sont là pour protéger les manifestants, et non pas pour les frapper. »

Et pour mettre une nouvelle fois la pression sur le pouvoir, les manifestants ont protesté hier soir devant un des accès au Parlement, appelant « la classe politique à dégager », alors qu’un autre groupe de manifestants posté dans les environs du ministère de l’Intérieur dénonçait l’agression contre les contestataires pacifiques.


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Le convoi était formé d’une cinquantaine de voitures. Signaux de détresse actionnés, il sillonnait la capitale ce mardi soir, pour s’arrêter au pied des immeubles habités par des ministres ou d’anciens ministres des Travaux publics, histoire de crier la colère de la rue face à la piètre infrastructure du pays révélée lors des récentes intempéries. Les manifestants...

commentaires (14)

Merci Mr. Berry qui est votre tutor ?

Eleni Caridopoulou

12 h 28, le 13 décembre 2019

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Commentaires (14)

  • Merci Mr. Berry qui est votre tutor ?

    Eleni Caridopoulou

    12 h 28, le 13 décembre 2019

  • Des politiciens fantoches!!! Bahdalé ya ssyb el choum sals hayk siéssiés...

    Wlek Sanferlou

    13 h 12, le 12 décembre 2019

  • L'erreur est quil ne fallait pas insister à dire que vous étiez journaliste.

    FRIK-A-FRAK

    10 h 38, le 12 décembre 2019

  • Porter plainte auprès de qui, quoi, comment tous les jours des citoyens sont tués, tabassés, des journalistes menacés de mort et de mutilation sans que les auteurs de ces crimes ne soient inquiètes. C'est la loi de la jungle qui règne. Tous les politiciens pourris qui se retrouvent au pied du mur se retournent contre les citoyens en lâchant leur chiens armés de bâtons et de haine pour casser du libanais et les instances judiciaires laissent faire alors que nous avons des photos des vidéos qui montrent que les seuls responsables sont les attaquants voyous sur ordre de leurs Zaïms Il est temps que la peur change de camp. la justice, s'il elle existe encore dans ce pays doit faire son travail avant que la peur ne change de camp. Même les boudhistes se sont vu changer de tactique face à l'intolérable. Ces voyous de politiques ne devraient plus se sentir en sécurité même terrés chez eux à commander des horreurs et exiger des ministres à leur goût pour continuer de sévir. Ils se sentent forts de leurs chiens fidèles qui réagissent aux claquements des doigts de personne d'autorité. Enlevons-leur cette autorité. Nous devons les obliger à dégager par n'importe quel moyens et les moyens ne manquent pas en ce moment à commencer par juger les faits sur le terrain et arrêter tous leurs sbires qui sont responsables de violences gratuites pour connaître les noms des donneurs d'ordres et les enfermer. Débarrassons-nous de cette racaille.

    Sissi zayyat

    10 h 31, le 12 décembre 2019

  • La police du Parlement ou plutôt la milice du Parlement ? Quelle honte.

    JiJii

    10 h 23, le 12 décembre 2019

  • Certains ont peur d’une fin à la Kadhafi...

    Jack Gardner

    10 h 19, le 12 décembre 2019

  • Aucune action salvatrice ou réparatrice a prévoir... Malheureusement plusieurs politiciens de tous bords s'accommodent parfaitement de cet etat de choses. Dans un etat voyou ou tout mais alors tout est base sur les pistons, les connaissances appropriees et les hommes de pouvoir et de mains, cette affaire passera aux oubliettes comme tant d’autres avant et plusieurs apres. Alors inutile de s’enflammer pour rien. C est triste mais c est malheureusement ainsi...

    Cadige William

    09 h 59, le 12 décembre 2019

  • "...le Royaume des cieux subit la violence, et des violents cherchent à s'en emparer..." Matieux 11,11-15

    Eddy

    09 h 24, le 12 décembre 2019

  • Le commandant de cette soi disant police doit immédiatement démissionner pour être remplacé par un officier compétent, les agresseurs doivent être démis de leur fonction et mis en détention provisoire. Le Président du Parlement devrait s’exprimer à propos de ces agissements pour ne pas être soupçonné de complicité. Sinon, plus jamais confiance dans l’édification d’un État qui défend ses citoyens et à terme obligatoirement retour à une anarchie généralisée

    Lecteur excédé par la censure

    09 h 20, le 12 décembre 2019

  • jeter des ordures devant les domiciles de hommes au pouvoir, quoi de plus normal? Ne dit-on pas que qui se ressemble s'assemble?

    Yves Prevost

    07 h 29, le 12 décembre 2019

  • Berry et ses voyoux… Chassez le naturel, il revient au galop!

    Fadi Chami

    06 h 58, le 12 décembre 2019

  • Ne l’a t-il pas frappee justement parce qu’elle est journaliste?

    Marie-Hélène

    05 h 30, le 12 décembre 2019

  • Une milice au sein des forces de l'ordre? La révolte populaire est sérieusement menacée devant ce tableau morose.

    Esber

    03 h 51, le 12 décembre 2019

  • LA MEUTE DES VOYOUS NE FAIT PAS DE DISTINCTION ENTRE HOMMES ET FEMMES NI ENTRE CITOYENS COMMUNS ET JOURNALISTES.

    LA LIBRE EXPRESSION

    00 h 53, le 12 décembre 2019

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