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Moyen Orient et Monde - Éclairage

Iran, Yémen, Qatar : Riyad mise sur la détente

L’Arabie a revu ses calculs et cherche à trouver des compromis dans la région.


Le prince héritier saoudien, Mohammad ben Salmane, le 18 septembre à Jeddah. Mandel Ngan/Pool via Reuters

Riyad joue la carte de l’apaisement. Qatar, Yémen, Iran... le royaume wahhabite semble multiplier les gestes et les actions sur différents dossiers dans l’objectif de faire baisser les tensions qui avaient atteint leur pic durant l’été. Les raids contre des pétroliers le long des Émirats arabes unis et en mer d’Oman, attribués à Téhéran par Riyad et Washington, en mai et juin derniers, ont cristallisé les craintes d’une escalade entre l’Arabie saoudite et la République islamique. Les attaques revendiquées par les rebelles houthis, appuyés par l’Iran, contre deux installations pétrolières de la compagnie nationale saoudienne Aramco en septembre avaient fini d’alimenter un peu plus les tensions. Ne pouvant supporter le coût d’une confrontation avec Téhéran et faisant l’objet de fortes pressions internationales, le royaume wahhabite a revu ses calculs dans la région. « Il y a clairement une volonté de Riyad de tirer parti des différentes opportunités pour rechercher des solutions diplomatiques », note Hussein Ibish, chercheur à l’Arab Gulf States Institute à Washington, interrogé par L’Orient-Le Jour. « Il s’agit en partie de la reconnaissance que la confrontation a ses limites et qu’il y a maintenant une opportunité pour tester le potentiel de conciliation et de compromis », ajoute-t-il.

Indiquant un réchauffement des relations avec le Qatar, l’Arabie saoudite a annoncé hier sa participation à la Coupe du Golfe de football qui doit avoir lieu à Doha entre le 24 novembre et le 6 décembre. Les Émirats arabes unis et Bahreïn ont emboîté le pas au royaume saoudien et leurs fédérations respectives ont annoncé avoir choisi de participer au tournoi. Une annonce simultanée qui pourrait signifier un début de sortie de crise entre Doha et ses voisins, en froid depuis le lancement d’un blocus à l’encontre du petit émirat par Riyad, Abou Dhabi, Manama et Le Caire en juin 2017. L’Arabie saoudite et ses alliés accusent le Qatar de financer le « terrorisme » et d’entretenir des liens trop étroits avec Téhéran. Mais cette crise au sein de la péninsule Arabique a affaibli le Conseil de coopération du Golfe et, surtout, n’a pas eu l’effet escompté sur le Qatar qui a refusé de céder aux exigences de ses voisins. L’Arabie saoudite fait également l’objet de fortes pressions pour trouver une solution au blocus alors que Washington souhaite pouvoir s’appuyer sur un bloc solide dans le Golfe contre l’influence iranienne dans la région.


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« Depuis les attaques sur les installations d’Aramco en septembre, la perception par l’Arabie saoudite du Qatar comme une menace s’est atténuée par rapport à des problèmes de sécurité plus larges », indique à L’OLJ Giorgio Cafiero, PDG de Gulf State Analytics, une société de conseil en risques géopolitiques basée à

Washington. « Dans ce contexte, les dirigeants de l’Arabie saoudite semblent être plus ouverts à une réconciliation avec le Qatar, ou au moins moins stricts en ce qui concerne leur adhésion aux politiques visant à isoler Doha le plus possible », ajoute-t-il.

Le Qatar a déjà pris quelques mesures pour résoudre les tensions avec ses voisins du Golfe, a affirmé la semaine dernière un officiel saoudien selon l’agence Bloomberg, ajoutant qu’il devait toutefois en faire davantage. Ayant requis l’anonymat, le responsable saoudien a également précisé que l’adoption d’une loi par le Qatar contre le financement du terrorisme constituait un des gestes encourageants. « Il est devenu évident que le Qatar ne capitulera pas complètement et restera soutenu par les États-Unis, la Turquie et même, dans une certaine mesure, l’Iran. Le maximum que l’Arabie saoudite et le quartet puissent espérer est donc un compromis raisonnable », estime Hussein Ibish.


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Conditions propices
Signe de la volonté de s’appuyer davantage sur ses canaux diplomatiques, le royaume a en outre encouragé la signature de l’accord de Riyad entre le gouvernement du président yéménite Abd Rabbo Mansour Hadi et le Conseil de transition du Sud la semaine dernière. L’Arabie saoudite est enlisée au Yémen suite au lancement en 2015 d’une coalition avec les Émirats arabes unis pour soutenir les forces loyalistes contre les houthis, appuyés par l’Iran. Riyad aurait également « un canal ouvert avec les houthis depuis 2016 » et « poursuit ces contacts pour parvenir à la paix au Yémen », a indiqué la semaine dernière un haut responsable saoudien cité par l’AFP. Le ministre d’État émirati des Affaires étrangères, Anwar Gargash, a notamment déclaré dimanche que « les houthis auront un rôle à jouer dans l’avenir du pays ». « Il y a une volonté de reconnaître une certaine participation politique des houthis au Yémen, mais il est difficile de savoir ce qui rassurerait l’Arabie saoudite sur le fait que sa frontière soit protégée et qu’il n’y ait pas d’avant-poste iranien dans le sud du pays », souligne Hussein Ibish.

Si ces dossiers ont chacun leurs particularités et leurs dynamiques propres, ils s’insèrent tous dans un cadre plus large : la guerre d’influence que se disputent Riyad et Téhéran. Toute résolution de ces questions est donc liée à des négociations entre les deux puissances régionales. S’exprimant le lendemain de l’annonce de l’Iran de la réduction de ses engagements internationaux dans le cadre de l’accord nucléaire, Anwar Gargash a estimé dimanche qu’« une escalade supplémentaire ne sert personne à ce stade ». Les EAU « croient fermement qu’il est possible que la diplomatie collective réussisse », tout en incluant les pays du Golfe aux discussions.

« Dans des discussions directes ou indirectes avec l’Iran, il y a maintenant un potentiel pour une logique de compromis », précise Hussein Ibish. En octobre dernier, le Premier ministre pakistanais, Imran Khan, a été reçu à Téhéran puis à Riyad dans le but de calmer les tensions et de se poser comme médiateur entre les deux puissances. Le sultanat d’Oman, qui revendique sa neutralité entre l’Arabie saoudite et l’Iran, a appelé lundi à un dialogue avec la République islamique et pourrait également jouer un rôle pour dissiper les tensions. Le lendemain, le sultan Qabous recevait le ministre adjoint à la Défense saoudien, Khaled ben Salmane, pour des discussions sur la situation de la région.

Riyad joue la carte de l’apaisement. Qatar, Yémen, Iran... le royaume wahhabite semble multiplier les gestes et les actions sur différents dossiers dans l’objectif de faire baisser les tensions qui avaient atteint leur pic durant l’été. Les raids contre des pétroliers le long des Émirats arabes unis et en mer d’Oman, attribués à Téhéran par Riyad et Washington, en mai et juin...

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