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Culture - Sélection

Comment la littérature écrit-elle le mot « révolution » ?

Il y a des livres - romans politiques, récits d’aventures, fables philosophiques ou sagas familiales - qui prennent la crête des vagues révolutionnaires et deviennent le sésame du déchaînement des foules en colère tout autant que le reflet amplificateur des mouvements de masse. En voici huit à lire pour décrypter, comprendre ou comparer avec l’actualité du pays du cèdre.

« Les Égéries de la Révolution »/ Jean et Marie-José Tulard


Si le rôle des femmes dans notre révolution d’octobre vous a surpris et interpellé ; si vous avez vu émerger, avec admiration, au fil des manifestations, de magnifiques figures de Libanaises (influenceuses au niveau des idées plutôt que des produits) portant, en guides éclairées, le flambeau de cette saine révolte ; si vous voyez dans nos mouvements de protestation des similitudes avec ceux qui ont mené à la Révolution de 1789. Alors, plongez-vous dans Les Égéries de la Révolution de Jean et Marie-José Tulard (éditions Robert Laffont ; 353 pages). Dans ce gros pavé, à la lecture néanmoins passionnante, le couple d’historiens français retrace le rôle des femmes dans la chute du roi et la conquête de la « liberté, de l’égalité et de la fraternité ». Et cela à travers une galerie de portraits de toutes ces « égéries » (depuis Mme Necker à Olympe de Gouge et Charlotte Corday) qui se sont battues, dans les salons ou dans la rue, pour l’avènement d’un nouvel ordre social.

« La Révolution des fourmis » /Bernard Werber


Penser un monde radicalement différent et le construire sans violence – telle est la réflexion amenée dans le dernier tome du cycle des fourmis. En 1996, Bernard Werber a achevé sa trilogie de romans de science-fiction en rédigeant ce qu’il voulait être un manuel pour la révolution au XXIe siècle. Suivant l’histoire d’une fourmi qui accède à l’individualité et d’un groupe de lycéens qui occupent leur établissement, l’œuvre repense l’avenir du monde humain en s’inspirant du monde des fourmis. À l’heure des nouvelles mobilisations spontanées partout dans le monde, La Révolution des fourmis est on ne peut plus d’actualité : contestation non violente, mouvement spontané, rôle d’internet et surtout réflexion sur un « après », autant d’éléments du roman que l’on retrouve dans la rue.

« Les bas-fonds »/Maxime Gorki


C’est l’une des œuvres les plus marquantes de la littérature universelle pour parler de la misère, des frustrations et de la détresse humaine. Sous des régimes qui ignorent en toute arrogance l’état éploré et déplorable des peuples. Une œuvre aussi intense que Les Misérables de Victor Hugo ou Germinal d’Émile Zola. Pour l’auteur de La mère, cette œuvre, qui fut le premier coup d’envoi de la révolution bolchevique, est d’abord vouée à l’univers des planches. Mais par la suite, elle sera lue tel un roman sur l’état de la pauvreté et du dénuement de ses personnages sans le kopeck…Entre expédients, larcins, adversité, destin noir et histoires de cœur, une trame sinueuse remplit ces pages vibrantes de vie et où la branche de l’espoir n’est jamais coupée. Le cinéma s’est emparé aussi de cette œuvre culte contre l’injustice sociale avec la caméra de Jean Renoir et d’Akira Kurosawa.

« Alamut »/Vladimir Bartol


Écrit en 1938, Alamut de Vladimir Bartol demeure, hélas, toujours d’une attristante actualité. Avec ironie, mais aussi compassion et pitié, l’écrivain slovène dissèque le processus de fanatisation d’un petit groupe d’individus, pourtant cultivés et intelligents. Nous sommes en 1090 et Hassan ben al-Sabbah, chef ismaélien, vient de s’emparer par la ruse de la forteresse d’Alamut nichée au cœur des montagnes du nord de l’Iran, au nez et à la barbe du sultan de Bagdad. De là, il dirige la secte des nizârites, plus connue sous le nom de « secte des haschachin » (qui donnera les assassins). Implantée de Syrie à la Perse, elle a terrorisé ses voisins et ennemis pendant plus de deux siècles. Son mode opératoire : le meurtre politique. Le doigt tendu vers le ciel, le vieux de la montagne qui porte la barbe et la tunique manipule ses hommes et décide de mener une impitoyable guerre sainte organisant des opérations suicides où ses fidèles s’immoleront afin de gagner leur salut. Un air de déjà-vu ?

« Histoire secrète de la chute du mur de Berlin »/Michel Meyer


Aujourd’hui, samedi 9 novembre 2019, l’Allemagne célèbre le 30e anniversaire de la chute du mur de Berlin : cette nuit quasi surnaturelle, du 9 au 10 novembre 1989, au cours de laquelle « le mur de la honte » s’est effondré après quarante années de dictature communiste. Ce moment « inédit » dans l’histoire, qui a été le prélude à la réunification des deux Allemagnes et d’un même « peuple qui s’est levé sans effusion de sang » (pour reprendre une formule de l’actuel maire de Berlin, Michael Müller), résonne particulièrement aux oreilles des Libanais en révolution. Sauf que sous l’apparente improvisation de ce basculement du monde en une nuit, l’écrivain et journaliste Michel Meyer révèle, à la lueur d’une enquête documentée, dans Histoire secrète de la chute du mur de Berlin (éditions Odile Jacob ; 377 pages), les concours de circonstances, de tractations et de manœuvres « des grands fauves de la géopolitique qui ont provoqué l’impensable, la fin de l’Empire soviétique.

« La Trilogie du Caire »/ Naguib Mahfouz


La Trilogie du Caire (Impasse des deux palais, le Palais du désir, le Jardin du passé), du fils préféré de Oum el-Dounia (La mère du monde), premier prix Nobel de littérature arabe, en 1988, brode ici une magnifique saga au réalisme précieux, rédigée dans les années 50, alors que l’Égypte vit un tournant. À travers l’histoire de Kamal Abd al-Gawad et de ses descendants, on peut suivre les tourments du pays, le renversement de la monarchie puis la révolution, la fin d’une époque. Dans cette comédie humaine qui a marqué indéniablement la littérature du monde arabe, on retient surtout la révolution de Naguib Mahfouz lui-même, sa position par rapport aux pouvoirs politique et religieux. Mahfouz qui a fait du temps un personnage à part entière, grand ordonnateur des évolutions ou des révolutions qui transforment peu à peu le destin d’un groupe humain. Une moralité à l’histoire, s’il en faut ? Donnez le temps au temps …

« La fête au Bouc »/Mario Vargas Llosa


À la question « Quel est votre plus grand espoir pour le XXIe siècle ? », le Nobel de littérature 2010 Mario Vargas Llosa a répondu :

« Que disparaissent les dictatures de la planète ! » Dans son roman La fête au Bouc publié en 2000 aux éditions Folio, il emmène les lecteurs dans les méandres des derniers jours du dictateur Rafael Leonidas Trujillo, dit El Jeffe, dans une République dominicaine gangrenée jusque dans ses entrailles par un régime patriarcal pervers où sévissent les pires crimes sociopolitiques. Vargas Llosa a le génie de ceux qui savent décrire un contexte avec des détails qui ont le mérite de garder le lecteur en haleine. On retient notamment la scène de l’attente qui mène à l’assassinat du dictateur ; les secondes interminables où les jeunes hommes, héros a priori dans tous les cas, attendent dans une nuit noire et lourde de mille conséquences d’assassiner El Jeffe. Fans de lectures légères s’abstenir.

« Un conte de deux villes »/Charles Dickens


« Je vois une belle ville et un peuple brillant se lever de cet abîme et par ses luttes pour conquérir la vraie liberté, au cours des longues années à venir, expier puis effacer les maux de cette époque cruelle et de celles plus cruelles encore qui l’avaient fait naître », écrivait en 1859 un Charles Dickens fasciné par la Révolution française. Cette belle utopie devenue folie meurtrière, saisie dans ses motivations profondes et suivie dans son déchaînement populaire, est le sujet même de l’ouvrage, avec une intrigue admirablement construite. L’histoire d’Un conte de deux villes (A Tale of Two Cities) se passe à Londres et à Paris, où Dickens s’était beaucoup promené, en particulier dans le quartier de la Bastille, avant d’écrire ce roman superbe et sanglant sur la tourmente révolutionnaire. Intense et jouissif.









« Les Égéries de la Révolution »/ Jean et Marie-José Tulard Si le rôle des femmes dans notre révolution d’octobre vous a surpris et interpellé ; si vous avez vu émerger, avec admiration, au fil des manifestations, de magnifiques figures de Libanaises (influenceuses au niveau des idées plutôt que des produits) portant, en guides éclairées, le flambeau de cette saine...

commentaires (2)

Patience, les heros sont encore dans l’ombre,et attendent le bon moment.

Marie-Hélène

12 h 16, le 10 novembre 2019

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Commentaires (2)

  • Patience, les heros sont encore dans l’ombre,et attendent le bon moment.

    Marie-Hélène

    12 h 16, le 10 novembre 2019

  • Toutes les révolutions de l'histoire humaine ont eu leurs héros . La notre n'en a aucun . On peut vraiment hésiter à lui donner ce titre pompeux de Révolution . Ce sont des révoltes sans plus .

    Chucri Abboud

    11 h 58, le 09 novembre 2019

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