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Nos Lecteurs ont la Parole - par Eddy TOHMÉ

Et si le général n’était pas revenu...

« …Il est des exils provisoires, des îles dont on revient », avait jadis dit en débarquant à Portoferraio l’homme devant qui, un jour, toute l’Europe avait fui. Heureusement ou hélas, telle est la question, aurait rétorqué William Shakespeare… Mais c’est à l’histoire de juger, elle le fera comme elle l’a toujours fait, la brume de Waterloo ternira le soleil d’Austerlitz tout comme Rome a éclipsé Sparte, tout comme l’exil du général ne pouvait se terminer que par un retour triomphal, car avant d’être acclamé le commandeur était surtout attendu… et ici nul besoin de la clémence de l’histoire, les faits sont là et ils parlent d’eux-mêmes : le mélange d’un homme exceptionnel et d’une jeunesse héroïque ne pouvait qu’ébranler le joug infâme et si l’assassinat du Premier ministre Hariri a donné l’estocade à l’occupation tant honnie, elle n’est dans l’ordre des choses que l’aboutissement d’un combat commencé des années plus tôt par une poignée de jeunes qui se réclamaient de leur dieu exilé à Paris… C’est justice qu’ils l’acclament et c’est justice qu’il le soit, ils se sont battus et leur combat fut magnifique. Ils ont défié la chape de plomb instauré par l’occupant et ses auxiliaires, affronté le terrifiant moukhabarat et ses avatars locaux, connu l’hospitalité du Beau Rivage et les sous-sols glacials du ministère de la Défense, ils ont été interrogés, frappés, bafoués… sans jamais renoncer à cette certaine idée du Liban que dans la solitude de son exil parisien, le général incarnait à leurs yeux. N’a-t-il pas promis de libérer le Liban de toutes ingérences étrangères, de désarmer les milices, de lutter contre la corruption et le népotisme, de remettre en question l’infâme statu quo établi par la force des Sukhoi et des colonnes de blindés, de faire appliquer le Syria Accountability and Lebanese Sovereignty Restoration Act… Si, il a promis et ils l’ont cru…Tout comme il leur a promis une aventure magnifique, celle du Liban libre avec un peuple entier pour public. Il était devenu une sorte de pythie que l’on consulte avec respect, une voix qui exhorte à ne pas ployer, à ne pas plier, à continuer à vivre debout, l’homme s’est métamorphosé en un mouvement de libération et beaucoup sont devenus aounistes sans connaître le général Aoun. Personne plus que lui n’avait droit aux honneurs et c’est en l’un des artisans de leur indépendance fraîchement retrouvée que les Libanais l’ont accueilli… car il est rentré. Nul besoin d’historien ou d’écrivain pour la suite, n’importe quel Libanais de plus de vingt ans pourrait l’écrire, l’on brûle difficilement ce qu’on a adoré.


Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour.

« …Il est des exils provisoires, des îles dont on revient », avait jadis dit en débarquant à Portoferraio l’homme devant qui, un jour, toute l’Europe avait fui. Heureusement ou hélas, telle est la question, aurait rétorqué William Shakespeare… Mais c’est à l’histoire de juger, elle le fera comme elle l’a toujours fait, la brume de Waterloo ternira le soleil...

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