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Culture - Rencontre

Alain Pâris ou comment parler français en musique

Héritier de la grande tradition musicale française, le chef d’orchestre fait, de nouveau, halte au Liban où il ne manquera pas, encore une fois, d’intriguer, d’enthousiasmer et de fasciner le public*. L’occasion de revenir sur sa longue relation avec l’Orchestre philharmonique du Liban (OPL).

Alain Pâris. Photo DR

« J’ai fêté mes cinquante ans de carrière en mars dernier. Mais j’ai l’impression que c’est hier que tout a commencé », annonce d’emblée (et non sans nostalgie) Alain Pâris, avant de poursuivre : « J’espère qu’il y aura encore beaucoup d’années si Dieu me prête vie et santé pour aider les musiciens, leur communiquer cette passion et leur faire découvrir des choses. » Le maestro français, qui a débuté sa vie musicale en recevant une formation de pianiste auprès de Bernadette Alexandre-Georges, élève d’Alfred Cortot, s’est décidé à sortir des sentiers battus et à se frayer un chemin vers la vérité de la musique où il fait ses armes de chef d’orchestre sous l’égide de grands noms français tels que Pierre Dervaux, Louis Fourestier et Paul Paray, et internationaux à l’instar de l’éminent Georg Solti, détenteur du plus grand nombre de Grammy Awards et honoré du titre de chevalier de l’Ordre de l’Empire britannique par la reine Élisabeth II elle-même. C’est en 1968 que Pâris remportera le premier prix du Concours international de jeunes chefs d’orchestre de Besançon. Trente-sept ans durant, il en restera son plus jeune lauréat avant d’être détrôné, en 2005, par Lionel Bringuier. Pâris devient, par la suite, assistant de Michel Plasson au Capitole de Toulouse, puis premier chef d’orchestre à l’Opéra du Rhin avant de prendre les rênes de la plupart des grands orchestres français. Le chef d’orchestre a rapidement gravi les échelons d’une carrière devenue résolument internationale marquée par des concerts avec, notamment, la Capella de Saint-Pétersbourg, la Philharmonie Georges Enesco de Bucarest, l’Orchestre d’État d’Athènes mais aussi l’Orchestre philharmonique du Liban.

Le 25 octobre 2002

« Ma relation avec le Liban est une histoire qui remonte à 1974 », se remémore-t-il. Invité au début de sa carrière à diriger l’orchestre à Bagdad, dans le cadre des accords de coopération entre la France et l’Irak, il apprend beaucoup plus tard que Walid Gholmieh, appelé alors comme « conseiller pour organiser la vie musicale occidentale en Irak » y était présent. « Il a dit à des amis communs que si un jour un orchestre était fondé au Liban, il inviterait ce chef d’orchestre à venir le diriger. Et effectivement, après la guerre du Liban, quand il y a eu un orchestre au Liban, il est entré en contact avec moi et nous avons pu commencer cette collaboration en 2002 », explique l’artiste septuagénaire qui se souvient de son spectaculaire premier concert au pays du Cèdre, le 25 octobre 2002, au cours duquel il dirigea, entre autres, la symphonie en si bémol d’Ernest Chausson. Recherché pour sa connaissance approfondie du répertoire français, Alain Pâris, qui siège dans des jurys de concours internationaux, explique l’importance de cette musique devenue de moins en moins connue : « Année après année, j’ai fait découvrir ce répertoire français aux musiciens de l’OPL qui ont interprété des œuvres qui n’ont jamais été jouées au Liban. Ça a été à la fois un besoin de parler français en musique et d’en acquérir le style, parce que tous les orchestres du monde connaissent le style de Beethoven, de Tchaïkovski ou de Brahms, mais malheureusement mon expérience m’a montré que maintenant ils ne connaissent plus le style de Debussy, de Ravel ou de Berlioz qui est un style radicalement différent. » Ce dernier constitue, selon l’expert français, un style de lumière, de transparence, de couleurs, de légèreté qui est à l’image de la langue française « parce que notre musique parle comme notre langue ». Et de poursuivre : « Et là, il a fallu faire un travail vraiment en profondeur. Avec le temps, ils ont commencé à me connaître, j’ai commencé à les connaître et on a pu faire d’énormes progrès. Un programme comme celui que je fais cette semaine, je ne l’aurais pas fait ici il y a dix ans. »

Rigueur orientale

Alain Pâris, qui a fondé en 2015 les Rencontres musicales de l’ESA à Beyrouth, dont il fut le directeur artistique entre 2015 et 2017, estime que l’OPL peut « sauter un grand pas » pour devenir un orchestre de niveau international de bon standard à condition d’acquérir une rigueur de fonctionnement qui « pour le moment reste très orientale ». « La rigueur orientale a du charme, enchaîne-t-il, mais pour faire marcher un orchestre, il faut autre chose. Il faut garder ce charme et acquérir la rigueur occidentale qui est, aujourd’hui, insuffisante », poursuit-il. Quant à la discipline, il précise que « celle-ci n’est pas la même en Méditerranée qu’en Scandinavie ou en Allemagne ». Ayant dirigé, il y a trois mois, un orchestre en Slovaquie, il indique que « là-bas, lorsque le chef d’orchestre s’arrête de diriger, on pourrait entendre une mouche voler. Dans les pays méditerranéens, il faut à peu près trente secondes pour que le silence s’instaure. Mais je me dis que ça fait partie des gènes du pays. Je dois travailler en acceptant les avantages et les inconvénients de leur mode de travail, car si je veux qu’ils donnent le meilleur d’eux-mêmes, je ne peux pas les contraindre sur toutes les choses ». Selon lui, le rôle du chef d’orchestre est d’aller chercher ce que les musiciens ont de bon et de le mettre en harmonie avec ce qu’il souhaite faire. Quant au concert de ce vendredi soir, il est coproduit avec l’École supérieure des affaires (ESA) : « C’est avec le directeur général de cette école, Stéphane Attali, qui nous a quittés en juillet que nous avions conçu ce projet. On s’était mis d’accord que nous allons faire Berlioz pour la commémoration des 150 ans de sa mort cette année. » Cependant, pour des raisons d’organisation, en plus des trois extraits de Roméo et Juliette du compositeur français, le maestro a choisi trois autres œuvres qui sonnent en parfaite harmonie. Le Der Freischütz de Weber a été joué pour la première en France grâce à Berlioz et donc « il était important que cette ouverture soit là ». Et d’ajouter : « Le Freischütz est un chasseur. Avec Le Chasseur maudit de Franck, ça fera un deuxième chasseur. À la fin de cette pièce, il y a la chevauchée fantastique, là où le Seigneur est rattrapé par les démons. Ce sont exactement les mêmes motifs du Songe d’une nuit de sabbat de la Symphonie fantastique de Berlioz. » Quant à La Pavane de Fauré, Alain Pâris annonce qu’elle sera dédiée au regretté Stéphane Attali.

*Il dirige ce soir l’Orchestre philharmonique libanais à l’église Saint-Joseph, à 20h30.

« J’ai fêté mes cinquante ans de carrière en mars dernier. Mais j’ai l’impression que c’est hier que tout a commencé », annonce d’emblée (et non sans nostalgie) Alain Pâris, avant de poursuivre : « J’espère qu’il y aura encore beaucoup d’années si Dieu me prête vie et santé pour aider les musiciens, leur communiquer cette passion et leur faire...

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