Rechercher
Rechercher

Liban - Forum euroméditerranéen

À Amman, les femmes porteuses d’innovation resserrent les rangs

Au Forum EuroMed femmes pour le dialogue, tenu en Jordanie, le Liban était représenté par Sarah Hermez, présidente et cofondatrice de Creative Space Beirut.

Sarah Hermez (première à droite), lors du Forum EuroMed femmes pour le dialogue, organisé récemment à Amman, en Jordanie. Photo Moh’d el-Hafez

Sarah Hermez, jeune styliste libanaise, est de ces femmes qui démontrent par leurs initiatives qu’elles ont le pouvoir de bouleverser les sociétés. Après avoir décroché un diplôme en stylisme à New York, elle rentre à Beyrouth pour ouvrir une école de mode gratuite, convaincue que « la créativité et le stylisme ne peuvent être des outils pour le progrès des sociétés que s’ils sont inclusifs et représentatifs des voix et des visions des différents milieux sociaux ». C’était en 2010. Elle avait alors 24 ans.

Aux côtés de nombreuses femmes venues des pays situés sur les deux rives nord et sud-est de la Méditerranée, Sarah Hermez a exposé son projet lors du Forum EuroMed femmes pour le dialogue, organisé récemment à Amman, en Jordanie, par la Fondation Anna Lindh et l’Union des universités de la Méditerranée (Unimed), en partenariat avec l’Unesco et sous le patronage de la princesse Rym Ali, épouse du prince Ali ben Hussein. Un forum qui a pour objectif de « mettre en évidence le rôle que peuvent jouer les femmes dans le dialogue et la lutte contre les stéréotypes en tant qu’actrices réelles de la société, mais aussi de renforcer ce rôle », explique à L’Orient-Le Jour Eleonora Insalaco, directrice de la recherche interculturelle et de la programmation à la Fondation Anna Lindh. Pendant deux jours, les participants au forum, à majorité féminine, ont exposé leurs projets, partagé leurs expériences et proposé des idées pour un rôle encore plus accru de la femme sur la scène sociale, convaincus qu’elle peut mener au changement.


Creative Space Beirut

C’est en 2011 que Creative Space Beirut, fruit d’une collaboration entre Sarah Hermez et sa mentor Caroline Simonelli, d’origine libanaise, voit le jour. Sarah Hermez commence par un projet pilote de trois mois durant lesquels elle fait le tour de camps de réfugiés et de plusieurs ONG, « à la recherche de cinq jeunes de différents milieux (palestiniens, libanais…), motivés mais n’ayant pas les moyens de s’offrir une éducation », raconte-t-elle. Elle trouve ensuite un local dans la capitale et « une amie, qui travaillait chez Donna Karan, nous a refilé du tissu », se réjouit-elle. Au terme d’un trimestre, les jeunes apprenties avaient réalisé trente robes qui ont fait l’objet d’une exposition. « Nous avons réussi à tout vendre, se félicite la jeune femme. L’argent récolté, environ 17 000 dollars, nous a permis de progresser dans notre projet. »

Au cours des deux premières années, Sarah Hermez a travaillé par tâtonnement. « Je ne savais pas quoi faire ni comment le faire, révèle-t-elle. J’enseignais moi-même et je cherchais des stylistes qui accepteraient d’enseigner gratuitement. J’avais du mal à obtenir des dons, alors je comptais sur les ventes. Les débuts ont été difficiles. Nous avons essuyé plusieurs refus. Mais j’étais déterminée à aller de l’avant. »

Aujourd’hui, Creative Space Beirut est une école de stylisme dont le cursus s’étale sur trois ans. Les élèves, sept maximum par an, sont choisis parmi les Libanais et les réfugiés syriens et palestiniens. « Nous ne voulons pas recruter un plus grand nombre de personnes pour pouvoir continuer à les suivre de près, d’autant que le programme est très intense, souligne à L’OLJ Sarah Hermez. Ils sont là de 10 heures à 18 heures. Nous leur trouvons des stages et essayons de leur trouver du travail. Et pour ce faire, nous voulons former les meilleurs stylistes. »


(Lire aussi :  La liberté d’expression, facteur essentiel pour une culture du dialogue et de la pensée libre)

Passion et engagement

Le pari est gagné. Rony Hélou est l’un de ces talents qui ont fait leurs preuves. Diplômé de Creative Space Beirut en 2016, il a fait ses débuts professionnels à Starch, une plateforme d’aide et une vitrine médiatique aux jeunes talents, fondée par le couturier Rabih Keyrouz et Tala Hajjar. « Creative Space Beirut a aidé Rony financièrement à créer sa collection pour Starch et à avoir une identité de marque, souligne Sarah Hermez. En mars dernier, il a remporté le prix Fashion Trust Arabia organisé à Doha (Qatar) pour la catégorie du prêt-à-porter, d’une valeur de 150 000 dollars. Aujourd’hui, il a ouvert sa propre boutique. »

Pour pouvoir financer son école de mode, Sarah Hermez a créé en 2014, avec Tracy Moussi et Georges Rouhana, Second Street, une marque de chemises, dont une partie des ventes sert à financer l’école. Une vente en ligne est également possible à l’adresse : csb-shop.com Et Sarah Hermez d’insister : « Lorsque j’ai lancé mon projet, j’étais jeune, mais j’étais passionnée et engagée. Tout commence par une idée. Si on y croit fermement, qu’on s’y attache et qu’on essaie de trouver les moyens de la réaliser, le succès sera certes au rendez-vous. »

Réseau d’organisations euro-méditerranéennes

Le Forum EuroMed femmes pour le dialogue n’est pas une rencontre isolée. Il mènera « à la création d’un réseau permanent d’organisations et d’associations qui œuvrent pour l’égalité des genres », a assuré la présidente de la Fondation Anna Lindh, Élisabeth Guigou, dans son discours inaugural, soulignant que « les femmes sont au premier rang des priorités » de la fondation. « Ce forum a pour objectif de montrer comment les femmes agissent pour déconstruire les stéréotypes et faire en sorte pour que, dans la société, on agisse pour davantage d’égalité avec les hommes », a-t-elle assuré.

« Dans le cadre de ce forum, nous avons essayé de réunir des femmes qui ont réussi dans leur vie, qui luttent au quotidien mais qui sont toujours dans l’ombre », souligne de son côté à L’OLJ Eleonora Insalaco. « Nous voulons donner la parole à ces femmes qui ont un message positif et dont les histoires pourraient inspirer tant d’autres. À la fondation, nous sommes convaincues que les femmes peuvent changer les choses. D’ailleurs, d’après notre dernier rapport sur les tendances interculturelles et le changement social (voir par ailleurs), les populations tant en Europe qu’au sud de la Méditerranée pensent que la femme doit prendre davantage de responsabilités dans la société, du moins dans les secteurs social et culturel. Donc, il est important d’avoir des modèles de référence et de créer ce réseau euro-méditerranéen de femmes, parce qu’avec ce soutien mutuel qu’elles peuvent se donner les unes aux autres, elles peuvent faire preuve de plus de force. »


Pour mémoire 

Sarah Hermez, le talent au service du talent

Sarah Hermez, jeune styliste libanaise, est de ces femmes qui démontrent par leurs initiatives qu’elles ont le pouvoir de bouleverser les sociétés. Après avoir décroché un diplôme en stylisme à New York, elle rentre à Beyrouth pour ouvrir une école de mode gratuite, convaincue que « la créativité et le stylisme ne peuvent être des outils pour le progrès des sociétés que...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut