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Liban - Décryptage

Qabr Chmoun, suite et fin !

Après une cinquantaine de jours, le feuilleton de Qabr Chmoun est arrivé à son dernier épisode, c’est-à-dire la rencontre « de discussion franche et de réconciliation » à Baabda. Mais depuis, le pays est encore sous l’effet de ce développement, alors que les analyses sur les perdants et les gagnants se multiplient. Les évaluations divergent selon les affinités politiques, mais ce qui est sûr, c’est que le Premier ministre a pu se rendre à Washington dans un climat plus serein, alors que le chef de l’État s’apprête à s’installer pour deux semaines au palais de Beiteddine, relançant ainsi une ancienne coutume présidentielle.

Que s’est-il donc passé pour que ce qui a été impossible à réaliser depuis le 30 juin soit devenu brusquement un fait accompli ? Selon des sources proches des différents médiateurs dans ce dossier complexe, deux événements ont accéléré le processus qui était en gestation depuis l’incident de Qabr Chmoun. Il s’agit d’abord de la visite annoncée du Premier ministre à Washington et ses rencontres prévues avec les responsables économiques et politiques du dossier libanais au sein de l’administration Trump, et ensuite du communiqué inhabituel publié par l’ambassade des États-Unis à Beyrouth, qui prend clairement position en faveur du leader Walid Joumblatt, dans une affaire qui semble somme toute intérieure libanaise.

Concernant le premier développement, les responsables étaient convaincus qu’il serait préférable pour le pays que le Premier ministre se rende à

Washington à la tête d’un gouvernement en exercice et non paralysé. D’une part, parce que cela devrait lui permettre de mieux plaider la cause du Liban, notamment au sujet des sanctions économiques imposées en principe au Hezbollah mais qui finalement touchent tout le pays. Et d’autre part, parce que cela renforce sa position auprès des autorités américaines et réduit la possibilité d’exercer des pressions sur lui. Dans cette optique, il fallait donc trouver une solution le plus rapidement possible, avant son départ pour Washington dimanche.

De même, le communiqué de l’ambassade américaine a accéléré le processus dans le sens où il a alimenté la méfiance du Hezbollah à l’égard du leader Walid Joumblatt, soupçonné de se préparer à jouer contre lui le rôle de fer de lance de la lutte américano-régionale. D’ailleurs, les prises de position du chef des Forces libanaises, sur la relance du 14 Mars et sur le fait que ce mouvement et ses représentants constituent « une ligne rouge », allaient dans ce sens et ont poussé le Hezbollah à croire que quelque chose de grave se préparait contre lui. Il aurait alors demandé au président de la Chambre Nabih Berry, qui est en charge depuis le début des contacts avec Joumblatt, de mettre un terme à l’affaire de Qabr Chmoun. Selon les sources précitées, le président de la Chambre, qui depuis le début essayait de trouver une solution de compromis, en préservant Walid Joumblatt et en évitant ainsi un vote en Conseil des ministres, aurait donc déclaré à ce dernier qu’il ne pouvait plus appuyer ses revendications, face à la position du Hezbollah, car l’affaire était devenue trop grave.

De fait, si l’on revient aux déclarations du chef druze au cours des semaines qui ont précédé la rencontre de Baabda, on se souvient qu’il avait refusé toute réconciliation avec Talal Arslane. Il avait aussi refusé à la fois le recours à la Cour de justice et au tribunal militaire, et enfin, il avait rejeté l’idée d’une réconciliation à Baabda, insistant sur la nécessité de parler directement avec le Hezbollah, seul en mesure de lui donner les garanties qu’il voulait, selon ses propres termes. Walid Joumblatt avait même demandé au directeur de la Sûreté générale, qui menait aussi une médiation, d’évoquer ce sujet avec le Hezbollah. Mais ce dernier avait répondu que son rôle était uniquement sécuritaire.

Dans la nuit de jeudi à vendredi, Nabih Berry aurait donc longuement parlé avec le chef druze, réussissant à le convaincre d’accepter une rencontre de réconciliation politique à Baabda. De son côté, le Hezbollah a convaincu l’émir Talal Arslane de ne plus exiger comme condition préalable à toute rencontre le recours ou le vote en Conseil des ministres au sujet de la Cour de justice, soulignant le fait que l’option demeure mais qu’elle est tributaire des conclusions du tribunal militaire. Il faut préciser à cet égard que l’enquête menée par les SR des FSI n’a pas conclu à une embuscade, mais a reconnu que les gardes du corps du ministre Saleh el-Gharib ont tiré en l’air, alors que les partisans de Walid Joumblatt ont tiré en visant leurs adversaires. Il faut encore rappeler que cette enquête a abouti à ces conclusions après l’audition des personnes livrées par le PSP seulement, puisque le PDL n’a accepté de livrer aucun de ses partisans.

La rencontre à Baabda a donc eu lieu et la photo qui l’a illustrée montre les trois responsables assis côte à côte, alors que Walid Joumblatt et Talal Arslane sont face à face, dans le but de mettre l’accent sur une réconciliation, même formelle pour l’instant, entre eux. Selon les mêmes sources, cette réconciliation serait une des trois conditions posées par le Hezbollah pour renouer le dialogue avec le chef du PSP. Les deux autres porteraient sur ses prises de position au sujet des fermes de Chebaa et de la cimenterie de Pierre Fattouche à Aïn Dara. De toute façon, c’est le président de la Chambre Nabih Berry qui assure le suivi des relations entre le Hezbollah et le leader druze. Le traitement des séquelles de l’affaire de Qabr Chmoun pourrait ainsi prendre du temps, mais le pire a été évité et la dynamique institutionnelle relancée.

Après une cinquantaine de jours, le feuilleton de Qabr Chmoun est arrivé à son dernier épisode, c’est-à-dire la rencontre « de discussion franche et de réconciliation » à Baabda. Mais depuis, le pays est encore sous l’effet de ce développement, alors que les analyses sur les perdants et les gagnants se multiplient. Les évaluations divergent selon les affinités...

commentaires (3)

Analyse biaisée comme d'habitude

Tabet Ibrahim

11 h 20, le 15 août 2019

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Commentaires (3)

  • Analyse biaisée comme d'habitude

    Tabet Ibrahim

    11 h 20, le 15 août 2019

  • je cite s hadad : ""Il faut préciser à cet égard que l’enquête menée par les SR des FSI n’a pas conclu à une embuscade, mais a reconnu que les gardes du corps du ministre Saleh el-Gharib ont tiré en l’air, alors que les partisans de Walid Joumblatt ont tiré en visant leurs adversaires. Il faut encore rappeler que cette enquête a abouti à ces conclusions après l’audition des personnes livrées par le PSP seulement, puisque le PDL n’a accepté de livrer aucun de ses partisans"" fin de citation , ET JE CROIS REVER ! ce serait une premiere , dame hadad ne saisisaant pas l'occasion pour mettre a mal une ou plusieurs parties opposses ?! a jobran et a l'ere de m. Aoun !

    Gaby SIOUFI

    10 h 31, le 15 août 2019

  • On peut tout dire de Scarlett sauf une chose, c'est le fait qu'elle soit mal informée. Je pense que c'est, peut-être, une des seules journalistes à être dans le secret des dieux. Ses "entrées" politiques font de Scarlett la journaliste la plus fiable en terme d'analyses des faits du Liban. Je suis admiratif devant la profondeur et la justesse de ses narrations politiques. Respects, Madame !

    FRIK-A-FRAK

    10 h 27, le 15 août 2019

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