La province irakienne de Bassora risque de connaître un nouvel épisode de forte pollution de l'eau si les autorités ne mettent pas fin à des décennies de gestion "défaillante", a prévenu lundi l'ONG Human Rights Watch (HRW).
Près de 120.000 personnes ont été hospitalisées l'été dernier après avoir bu l'eau du robinet, polluée et salée, dans cette province pétrolière du sud de l'Irak, 12e pays le plus corrompu au monde. Des milliers de manifestants avaient protesté durant l'été 2018 pour dénoncer les services publics déliquescents et l'incurie des autorités. Douze manifestants avaient été tués à travers le sud du pays.
Selon le rapport de HRW, la piètre qualité de l'eau est liée à la prolifération d'une algue dans le fleuve Chatt al-Arab qui traverse Bassora. Combiné à la pollution et un fort taux de salinité de l'eau, ce facteur a provoqué la crise sanitaire de l'été 2018. Pour l'ONG, "les autorités locales et fédérales ont peu fait pour remédier aux causes profondes de la situation" et la crise de l'eau pourrait se reproduire cette année.
"Ce que notre étude a très clairement montré est que la crise à Bassora n'est pas terminée", souligne à l'AFP Belkis Wille, chercheuse en Irak pour HRW. "Il est inacceptable que le gouvernement refuse de rendre publics les rapports qu'il a faits sur les causes des maladies et sur les polluants trouvés dans l'environnement", a-t-elle poursuivi.
Avec des ressources hydriques de plus en plus rares, l'impact du changement climatique, la hausse de la pollution et une mauvaise gestion de l'eau, "Bassora continuera de faire face à d'importantes pénuries d'eau et à la pollution, avec de graves conséquences si le gouvernement ne commence pas dès à présent à investir de manière ciblée dans les solutions durables urgemment requises", a estimé HRW.
(Pour mémoire : A Bassora, l'eau salée et polluée détruit tout sur son passage)
"La crise de l'eau à Bassora nécessite une véritable planification, du temps et de l'argent. La résoudre est possible à condition que les autorités prennent sérieusement leurs responsabilités", a affirmé Lama Fakih, directrice adjointe de HRW pour le Moyen-Orient. "Toute alternative serait fatale", a-t-elle averti.
HRW a rencontré des habitants de Bassora, des experts et des responsables gouvernementaux et analysé des photos satellite. Ces images révèlent la présence de pétrole dans l'eau, mais aussi la multiplication d'algues qui, lorsqu'elles sont ingérées, peuvent provoquer des douleurs abdominales, de la fièvre, des vomissements et des diarrhées sanglantes.
Faute d'eau potable, des familles ont dû quitter Bassora, l'eau minérale coûtant trop cher. D'autres empêchent leurs enfants d'aller à l'école de peur qu'ils y boivent de l'eau contaminée.
HRW a appelé les autorités à verser des compensations aux personnes touchées par la pollution de l'eau, à lutter contre les branchements illégaux sur les canalisations d'eau et à créer un observatoire informant les habitants de la qualité de l'eau.
Si l'Irak manque généralement d'eau en raison de la sécheresse, Bassora concentre tous les maux. Les égouts s'y déversent dans des canaux à ciel ouvert qui finissent dans le Chatt al-Arab. A cela s'ajoute la pollution de l'industrie pétrolière --première pourvoyeuse de revenus et unique source de devises de l'Irak-- et pétrochimique iranienne voisine.
Pour mémoire
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