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Moyen Orient et Monde

Les enregistrements glaçants de l’assassinat

Une personne tient une bougie devant un portrait de Jamal Khashoggi, le 25 octobre 2018, à Istanbul. Osman Orsal/File Photo/Reuters

« C’est la première fois que je découpe sur place. Si nous prenons des sacs en plastique et découpons le corps en morceaux, ce sera terminé. » Ces propos, terribles, sont tenus par le médecin légiste faisant partie de l’équipe saoudienne chargée d’éliminer, en octobre 2017 au consulat saoudien d’Istanbul, le journaliste saoudien Jamal Khashoggi.

Ils sont retranscrits dans le rapport, publié cette semaine, de la rapporteure spéciale des Nations unies, Agnès Callamard, qui a enquêté pendant six mois sur l’assassinat de Jamal Khashoggi. Des retranscriptions glaçantes tendant à prouver que le journaliste saoudien a été tué de façon préméditée dans le consulat de son pays à Istanbul le 2 octobre 2018. Ce jour-là, Maher Moutreb – l’un des membres de l’équipe saoudienne composée de 15 personnes dépêchée à Istanbul après avoir été chargée de l’assassinat du journaliste – discute avec le médecin légiste Salah Tubaigy, qui lui aussi fait partie de cette équipe, quelques minutes avant l’arrivée de Jamal Khashoggi. M. Moutreb demande au médecin « s’il est possible de mettre le tronc » du corps de Jamal Khashoggi dans un sac. « Non, trop lourd », lui répond le Dr. Tubaigy. Selon le rapport de l’experte, ce dernier dit espérer que le démembrement de la victime sera facile. « Les membres seront séparés. Ce n’est pas un problème. Le corps est lourd. C’est la première fois que je découpe sur place. Si nous prenons des sacs en plastique et découpons le corps en morceaux, ce sera terminé. Nous emballerons chaque sac. Des sacs en cuir », explique le médecin légiste, qui selon le rapport fait allusion également à un découpage de la peau de la victime. « Mon supérieur direct n’est pas au courant de ce que je fais. Il n’y a personne pour me protéger », confie encore le médecin à son interlocuteur. Par la suite, Maher Moutreb demande si « l’animal sacrificiel » est arrivé. À 13h13, une voix lui répond : « Il est arrivé. » Le nom de Jamal Khashoggi n’est jamais mentionné dans ces enregistrements écoutés par la rapporteure de l’ONU, précise le rapport.

À 13h33, Jamal Khashoggi dit : « Il y a une serviette ici. Allez-vous me droguer ? » « Nous allons vous anesthésier », répond Maher Moutreb. Dans son rapport, Mme Callamard indique que « des bruits de lutte » sont audibles dans les enregistrements, tout comme les propos suivants : « S’est-il endormi ? » « Il lève la tête. » « Continue à pousser ! » « Pousse ici ! N’enlève pas ta main ! Pousse ! »

« Les enregistrements effectués par des agents des services de renseignements turcs et d’autres pays suggèrent qu’un sédatif a pu être injecté à M. Khashoggi et qu’il a été étouffé à l’aide d’un sac en plastique », indique le rapport. « Les renseignements turcs ont également noté que les membres de l’équipe saoudienne ont parlé d’une corde, mais ils n’ont pas réussi à déterminer de façon concluante si une corde a été utilisée pour attacher Jamal Khashoggi, déplacer son corps », ajoute-t-il.

Le rapport indique que les enregistrements contiennent des bruits de mouvements, « des halètements » et des bruits de sacs plastique. « Les renseignements turcs ont conclu que ces sons interviennent après la mort de Jamal Khashoggi, alors que l’équipe saoudienne découpait le corps », indique-t-il, ajoutant que les services turcs ont également identifié le son d’une scie à 13h39.

Aux alentours de 15h, des caméras de surveillance filment un van consulaire et un autre véhicule quittant le garage du consulat saoudien qui arrivent à la résidence du consul général à 15h02. Trois hommes entrent dans la résidence avec ce qui ressemble à des sacs poubelles en plastique et au moins une valise à roulettes. Agnès Callamard indique avoir reçu des informations « contradictoires » sur l’identité de ces trois hommes ; et les renseignements turcs ont été dans l’incapacité de déterminer ce que contenaient les sacs.

À 15h53, deux des membres de l’équipe saoudienne quittent le siège du consulat par la porte arrière. Moustapha al-Madani porte les vêtements de Jamal Khashoggi. Saïf al-Qahtani porte un sac en plastique blanc. Les deux hommes prennent un taxi. À 16h13, ils entrent dans la Mosquée bleue où Moustapha al-Madani se change. À 16h29, ils reprennent un taxi qui les dépose devant la station de métro de Levent. Quelque part près de la station de métro, ils jettent le sac plastique blanc dans une poubelle.


« C’est la première fois que je découpe sur place. Si nous prenons des sacs en plastique et découpons le corps en morceaux, ce sera terminé. » Ces propos, terribles, sont tenus par le médecin légiste faisant partie de l’équipe saoudienne chargée d’éliminer, en octobre 2017 au consulat saoudien d’Istanbul, le journaliste saoudien Jamal Khashoggi.Ils sont retranscrits...

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