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Lifestyle - Un peu plus

« Prends du Panadol »

Photo bigstock

S2al mjarreb w ma tes2al hakim. Il suffit d’un pépin. Un petit comme une migraine, un mal de ventre ou une rage de dent ; un gros, comme une hernie discale, l’ablation d’un rein ou même un cancer, pour que n’importe quel Libanais devienne médecin.

Khod Panadol. « 3a sa7tel salémé.  » C’est la prescription numéro 1 au Liban. Mais ça ne s’arrête pas à ce médicament que l’on vend over the counter. Pour chaque symptôme, le Libanais a la solution. Et c’est toujours la bonne. Quand ce n’est pas la meilleure. Le Libanais sait tout, et en matière de médecine, c’est un pro. Roi de l’automédication, il prodigue son savoir dès qu’il le peut. C’est à dire tout le temps.

Le rapport du Libanais avec sa santé est assez étonnant. Cela viendrait-il de l’époque de la guerre où l’on devait s’occuper de soi-même parce que bloqué(e) dans un abri ? Est-ce parce que le Libanais ne fait confiance à personne, pas même à son médecin ? Toujours est-il que nul besoin de rachetta pour décider qu’en cas de rhume, il faut prendre de l’Augmentin. On aura beau expliquer à notre apprenti docteur qu’un antibiotique ne se prend pas lors d’un virus. Que nenni. Le Libanais sait exactement quoi prescrire. Du Spasfon pour des maux de ventre, du Cataflam si on a le cou bloqué, du Motilium pour une petite nausée ou de l’Aerius en cas d’allergie. Si, généralement, ce genre de wasfé tient la route, c’est de loin plus étonnant quand le problème est plus grave. Parce que non seulement le Libanais mue en médecin, mais également en spécialiste. Pincement discal L4-L5 nécessitant repos, infiltration épidurale, 6 semaines de Lyrica, une physiothérapie et du dos crawlé dans une piscine aux relents de chlore. Et là, en l’espace d’une journée, quand les amis et autres connaissances apprennent via notre exhibitionnisme sur Instagram qu’on s’est fait mal au dos, c’est l’effervescence ! « Va chez mon médecin, il est génial. Il m’a soigné pour le même problème et depuis, je me porte comme un charme. » Numéro envoyé, numéro reçu. Et ce docteur ne sera pas le seul à avoir été conseillé. Il côtoiera une liste incalculable d’orthopédistes, de physiothérapeutes et autres ostéopathes. Qui sont bien évidemment, chacun(e) d’entre eux/elles, le/la meilleur(e). Même si, dans la plupart des cas, le conseiller médical n’aura été que chez lui/elle. Parce que, pour les Libanais, leur médecin, leur prof de sports, leur esthéticienne, leur coiffeur, le bar où ils vont, la plage où ils nagent… sont toujours les meilleur(e)s. Et le plus souvent sans aucune comparaison. L’inventaire s’allonge et ça ne s’arrête pas là. « Je ne suis pas pour l’infiltration. » « Je suis contre le Lyrica. » « Ne fais pas de pilates », « Fais du pilates ». « Allonge-toi, marche, sors de chez toi, ne bouge pas, repose-toi, mets des talons, ne porte pas de talons. Prends un anti-inflammatoire, n’oublie pas le Pariet. » C’est comme ça, même sans qu’on le demande, on aura inlassablement l’avis des autres. Évidemment, ça part d’une bonne intention. Une intention genuine qui s’accompagne de visites et de soutien (moral). Évidemment, la présence des amis est extraordinaire. C’est juste que c’est extrêmement amusant de constater, une fois de plus, à quel point nous sommes de véritables pros dans tout. Mais alors tout. Et particulièrement dans le domaine médical. Et qu’on en sait plus que notre bon médecin. Qu’on écoute rarement par ailleurs et qu’on adore contredire, soit nchéri3. Oui, mais hakim, le Xanax est plus efficace que le Lexo. Et quand on sort du cabinet où il nous aura fallu attendre trois quarts d’heure avant d’être reçus, on hochera la tête en marmonnant un petit « il n’a rien compris ». Tout comme lorsqu’on croise son médecin en soirée (ça ne rate jamais) et qu’on décide de l’emmerder en plein milieu du dancefloor en lui exhibant sa cuisse pour lui montrer une irruption soudaine de petits boutons, on ne prendra pas pour argent comptant ce qu’il nous aura suggéré de prendre. « Ma féhim chi. » Heureusement que ce n’était pas notre gynéco. Le serment d’Hippocrate, les Libanais l’ont tous prêté. Parce que, au fond, on est tous un peu hypocondriaques. Et que, allez, on se trompe rarement.

S2al mjarreb w ma tes2al hakim. Il suffit d’un pépin. Un petit comme une migraine, un mal de ventre ou une rage de dent ; un gros, comme une hernie discale, l’ablation d’un rein ou même un cancer, pour que n’importe quel Libanais devienne médecin. Khod Panadol. « 3a sa7tel salémé.  » C’est la prescription numéro 1 au Liban. Mais ça ne s’arrête pas à ce médicament...

commentaires (2)

Je pense que dans le film de Nadine Labaki Caphranahum il y a aussi un vendeur avec le surnom "Aspro" et qui vend un peu de tout ...

Stes David

12 h 14, le 22 juin 2019

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Commentaires (2)

  • Je pense que dans le film de Nadine Labaki Caphranahum il y a aussi un vendeur avec le surnom "Aspro" et qui vend un peu de tout ...

    Stes David

    12 h 14, le 22 juin 2019

  • Un souvenir de l'ancien Beyrouth. Avant et pendant la guerre 39-45, il y avait une énorme pancarte publicitaire sur le toit du "Parisiana" à la Place des Canons sur le "Rhodine. Usine du Rhône". Après la guerre sont venus successivement l'Aspirine, puis l'Aspro, puis le Panadol. Des Jouniotes avait donné à un médecin généraliste installé à Jounieh,le surnom de Docteur Aspro...

    Un Libanais

    04 h 02, le 22 juin 2019

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