Indépendamment de l’identité de la partie qui a transmis la semaine dernière à la presse le procès-verbal de la réunion de la délégation libanaise avec le secrétaire d’État adjoint américain David Satterfield il y a quelques semaines à Washington, les propos échangés continuent de marquer les esprits et de susciter des interprétations et des réactions.
Il faut préciser que la délégation libanaise, envoyée par le président de la Chambre Nabih Berry et chargée d’étudier avec les autorités américaines les sanctions économiques que Washington se propose d’imposer au Hezbollah et leur impact sur l’ensemble du pays, était formée du président de la commission des Finances Ibrahim Kanaan, du député membre du bloc Berry Yassine Jaber et du conseiller auprès du chef de l’Assemblée Ali Hamdane, en plus bien sûr de l’ambassadeur du Liban à Washington, Gaby Issa.
Si, aujourd’hui encore, certaines parties politiques réclament une condamnation de la fuite à la presse du procès-verbal de la réunion à travers l’ouverture d’une enquête interne au ministère des Affaires étrangères, nul ne conteste en tout cas le contenu de la rencontre tel qu’il a été publié dans les médias. Ce qui laisse supposer que ce qui y figure est assez proche de la réalité, sur le plan notamment du durcissement de la position de l’administration américaine à l’égard du Liban.
Selon des sources concordantes, le secrétaire d’État adjoint américain aurait montré une véritable agressivité à l’égard de la délégation libanaise dans le but de pousser les autorités de Beyrouth à prendre des mesures effectives contre le Hezbollah. Il aurait ainsi refusé de feuilleter l’étude préparée par ces dernières sur les frontières maritimes et terrestres, conseillant aux Libanais d’accepter ce qui leur est proposé dans le cadre du projet appelé Frederick Hoff, du nom de l’assistant de l’envoyé spécial américain pour le Moyen-Orient.
Présenté par l’émissaire américain en 2012, ce projet octroyait aux Israéliens 360 des 850 km2 conflictuels dans ce que le Liban appelle le bloc 9 et demandait d’entamer au plus tôt des négociations directes sous la houlette des États-Unis en présence de la Finul, qui n’aurait selon lui qu’un rôle logistique pour délimiter les frontières terrestres et maritimes. En cas de refus, les Libanais risqueraient de perdre bien plus que cela. Mais c’est surtout au sujet du dossier des déplacés syriens que David Satterfield a surpris les Libanais. Les responsables, qui s’étaient entretenus à ce sujet avec le secrétaire d’État américain Mike Pompeo lors de sa visite à Beyrouth en mars dernier, avaient senti que celui-ci était sensible aux arguments présentés par le Liban. D’ailleurs, dans une audition devant le Congrès, Pompeo avait adopté la position libanaise en cessant de lier le retour des déplacés syriens à une solution politique en Syrie.
D’emblée, David Satterfield aurait annoncé aux Libanais que la position de l’administration américaine à ce sujet est unifiée et qu’elle rejette tout retour des déplacés avant l’adoption d’une solution politique en Syrie. Les membres de la délégation libanaise auraient alors essayé d’expliquer que les Américains n’arrivent pas déjà à admettre l’arrivée dans leur pays de 3 000 réfugiés mexicains, qu’ils ont même construit un mur à la frontière pour fermer les passages et se proposent d’envoyer des soldats armés pour y monter la garde. Les autorités américaines devraient donc comprendre ce que représente pour le Liban la présence de plus d’un million et demi de déplacés syriens...
Selon des sources concordantes, David Satterfield aurait répondu que cet argument est sensé et logique, mais qu’il ne changerait rien à la position américaine. Selon ce qu’il aurait dit à la délégation libanaise, les autorités américaines considèrent en effet que tout retour des déplacés syriens chez eux servirait les intérêts du régime de Bachar el-Assad et lui redonnerait une certaine légitimité, situation qu’elles refusent totalement, estimant qu’il n’est pas question de faire la moindre concession en sa faveur avant la conclusion d’un accord sur une solution politique. Les Libanais ont alors essayé d’expliquer que la pression sur l’économie, la politique et la sécurité que constitue la présence massive des déplacés syriens, en plus des sanctions économiques, menace le système libanais dans son ensemble, qui pourrait alors s’effondrer, causant des dommages pour tous. Mais, toujours selon les mêmes sources, le responsable américain n’aurait pas été sensible à cette plaidoirie, se contentant de répéter que la politique américaine actuelle refuse tout compromis avec le régime syrien et avec le Hezbollah. Il aurait même précisé que l’administration américaine compte aller jusqu’au bout dans sa politique d’encerclement de l’Iran et de ses alliés dans la région.
Mais en même temps, les interlocuteurs américains ont rappelé que Washington tient à la stabilité du Liban... Comment concilier cette stabilité avec le durcissement des sanctions économiques et le refus de réduire le poids que constitue la présence massive de déplacés syriens ? Les Libanais n’ont pas eu de réponse concrète à cette question. Mais certains d’entre eux font état de divergences au sein même de l’administration américaine, et entre cette dernière et les autres forces politiques et militaires sur ce sujet...
commentaires (7)
Ce que les arabes et les libanais ne comprennent pas ou refusent De comprendre c’est que les américains iront jusqu’au bout et ils en ont la capacité . Nous ne sommes plus dans le bavardage mais dans l’efficience. Ce qu’il faut savoir aussi c’est que le fanatisme religieux ou politique aborde toute logique constructive. En gros et pour conclure, vous avez la première puissance militaire qui fait la pluie et le beau temps et qui met en garde de manière encore plus explicite une nouvelle fois ....
L’azuréen
13 h 41, le 01 mai 2019