AFP / Alberto PIZZOLI
L'envoyé spécial de l'Onu pour la Libye, Ghassan Salamé, a mis en garde lundi contre la "tentation de l'homme fort", incarné selon lui par le maréchal Khalifa Haftar dont l'offensive militaire contre Tripoli met à mal les efforts de réconciliation en Libye et "brise" l'unité de la communauté internationale.
Le maréchal Haftar, "ce n'est pas Abraham Lincoln, ce n'est pas un grand démocrate mais il a des qualités il veut unifier le pays", a-t-il déclaré sur France Inter. "Il veut aussi un pouvoir qui ne soit pas dans les mains des groupes armés, ce qui est aussi une qualité."
"Mais comment il va le faire ? À le voir agir, on peut avoir des craintes sur ses méthodes, car, effectivement, là où il gouverne, il ne gouverne pas doucement, il gouverne avec une main de fer", a-t-il poursuivi.
L'Armée nationale libyenne (ANL) du maréchal Haftar, homme fort de l'est du pays, a lancé une offensive début avril pour conquérir la capitale, tenue par les forces loyales au Gouvernement d'union nationale (GNA) de Fayez al Serraj, reconnu par la communauté internationale.
Selon l'Organisation mondiale de la santé, au moins 278 personnes ont été tuées et 1.332 ont été blessées depuis le 3 avril dans les combats meurtriers, suscitant l'inquiétude des organisations humanitaires qui évoquent des "milliers de personnes" contraintes de fuir les affrontements.
Face à la dégradation de la situation sur le terrain, le Royaume-Uni a présenté mi-avril un projet de résolution au Conseil de sécurité de l'Onu en vue d'instaurer un cessez-le-feu mais s'est heurté au refus de la Russie et des Etats-Unis, selon des sources diplomatiques.
"Je souffre aujourd'hui d'une division très profonde du Conseil de sécurité" de l'Onu, a déploré Ghassan Salamé. "Il faut refaire un minimum d'unité internationale qui s'est brisée avec l'action du 3 avril, c'est la raison pour laquelle je fais le tour des capitales qui comptent".
Le passage de l'envoyé spécial en France, membre permanent du Conseil de sécurité de l'Onu, n'est pas un hasard. Paris est accusé depuis plusieurs semaines par les opposants au maréchal Haftar de soutenir ce dernier et de cautionner son offensive militaire - ce que la France dément catégoriquement.
La France n'a "aucun plan caché" en Libye et soutient le gouvernement légitime du Premier ministre Fayez al Serraj, insiste-t-on à Paris, où l'on reconnaît toutefois le rôle joué par le passé par le maréchal dans la lutte contre les "groupes terroristes" et contre l'immigration clandestine.
"Il n'y a pas que la France, il y a aussi l'Egypte qui est très contente qu'il puisse protéger ses frontières occidentales, il y a d'autres pays qui le soutiennent", a souligné Ghassan Salamé, quelques jours après l'entretien téléphonique entre le président américain Donald Trump et le maréchal Haftar. "La tentation de l'homme fort est générale. Le problème, c'est que l'homme fort n'est peut être pas aussi fort qu'il y paraît et c'est là un peu le dilemme de ceux qui le soutiennent".
"On ne peut pas ignorer le phénomène Haftar mais il ne faut pas aller jusqu'à adopter son projet politique entièrement parce que son projet politique est un projet qui ne sied pas à une bonne partie de la population libyenne", a-t-il ajouté.
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