Rechercher
Rechercher

Liban - Justice

La tension à son comble entre Germanos et Osman

« Le procureur a certes une autorité sur les services sécuritaires lorsqu’ils font office de police judiciaire, mais n’a pas un droit de contrôle sur leurs actes administratifs », estime un spécialiste.

L’épreuve de forces s’intensifie entre Peter Germanos, commissaire du gouvernement auprès du tribunal militaire, et les services sécuritaires, notamment les Forces de sécurité intérieure (FSI) dirigées par Imad Osman. Et pour cause : M. Germanos a réclamé il y a quelques jours que lui soient communiqués tous les permis accordés au sein de la direction de la gendarmerie et de la direction des FSI, suscitant une réaction acerbe de M. Osman, qui a jugé que ses demandes sont illégales.

La démarche de M. Germanos intervient après qu’il eut déposé il y a une quinzaine de jours une plainte devant le juge d’instruction militaire contre la branche des renseignements des FSI pour rébellion contre son autorité, en même temps qu’il avait émis une commission rogatoire par laquelle il a demandé aux divers services de sécurité de l’informer de tout pot-de-vin obtenu par des militaires en échange d’irrégularités.

Dans les détails de sa nouvelle action, M. Germanos a demandé dans une note au commandant en chef de la gendarmerie, Marwan Sleilati, rédigée le 15 avril, de se voir communiquer des copies des permis accordés pour le creusement de puits artésiens, ainsi que des permis d’exploitation de carrières et des permis de construire sur des biens publics, des terres indivises, des plages du littoral et des rives fluviales. Il y a moins d’une semaine, il a adressé une missive dans le même sens à la Direction générale des FSI. Pour toute réponse, M. Osman, directeur général de cet organisme, a martelé dans une déclaration que « le parquet militaire ne constitue pas une autorité de tutelle sur la Direction générale des FSI, il n’a pas de prérogatives dans le cadre de la police administrative et ne jouit d’aucun pouvoir de contrôle sur les actes administratifs des FSI ».

Interrogé sur le point de savoir ce que l’on peut entendre par actes administratifs, un spécialiste de droit administratif indique à L’Orient-Le Jour qu’ils englobent l’octroi de droits (permis, autorisations) par une personne publique au bénéfice d’une ou plusieurs personnes, de manière nominative. Quant à savoir si le commissaire du gouvernement près le tribunal militaire, en tant que chef de la police judiciaire, a le pouvoir de contrôler ces actes, le juriste répond qu’il ne peut pas le faire. « Les Forces de sécurité intérieure ayant une double casquette, judiciaire et administrative, le procureur a une autorité au seul niveau judiciaire », indique-t-il, soulignant que « son intervention peut se faire lorsqu’il est question de répression, comme par exemple des poursuites et enquêtes pour des crimes déterminés ». « Le magistrat peut agir seulement dans des situations particulières, en l’occurrence lorsqu’il a des soupçons sérieux sur la perpétration d’un délit, mais il n’est pas en droit d’agir en vrac et ne peut demander qu’on lui communique les dossiers liés aux permis accordés en vue d’examiner par la suite lesquels feront l’objet de poursuites et d’enquêtes », explicite-t-il, insistant sur le fait que « le procureur n’a pas un droit de regard sur les FSI lorsqu’elles se comportent en tant qu’autorité administrative ».


(Pour mémoire : Germanos porte plainte contre les SR des FSI pour « rébellion »)

Économie parallèle

Le conflit qui oppose M. Germanos et les FSI s’inscrit dans le cadre d’une guerre de pouvoir entre les autorités qu’ils représentent, le premier étant proche du camp aouniste, alors que l’organisme sécuritaire est tenu pour proche du courant du Futur. Des observateurs indiquent à L’Orient-Le Jour que le point de litige est un problème de compétence et de fonctionnement entre la justice et différents services, et se situe également au niveau des relations entre le procureur militaire Peter Germanos et le procureur général près la Cour de cassation, Samir Hammoud (qui est à la veille de son départ à la retraite). Selon des informations, la polémique a commencé lorsqu’un fonctionnaire travaillant auprès de M. Germanos a été interpellé dans le cadre de la lutte contre la corruption judiciaire, et a mis en cause le magistrat, ce qui a provoqué l’indignation de celui-ci, qui a alors demandé à Samir Hammoud d’enjoindre au service de renseignements des FSI de déférer le fonctionnaire auprès du service de renseignements de l’armée. Sa demande n’ayant pas été satisfaite, il a déposé une plainte contre le service « réfractaire ». Les mêmes observateurs notent par ailleurs que l’enjeu de la « bataille » est important parce que les irrégularités dont M. Germanos accuse les FSI et d’autres services « constituent des abus qui ont conduit à faire fleurir toute une économie parallèle ».

Il reste qu’il est légitime de déplorer que la justice et les services sécuritaires, censés travailler dans la complémentarité pour le bien du citoyen, soiet à couteaux tirés, entraînant un sentiment de méfiance à l’égard des deux parties.

L’épreuve de forces s’intensifie entre Peter Germanos, commissaire du gouvernement auprès du tribunal militaire, et les services sécuritaires, notamment les Forces de sécurité intérieure (FSI) dirigées par Imad Osman. Et pour cause : M. Germanos a réclamé il y a quelques jours que lui soient communiqués tous les permis accordés au sein de la direction de la gendarmerie et de...

commentaires (4)

C'est précisément ce genre d'incomprehensions, de rivalités entre services ou de problèmes de personnes qui provoquent des dysfonctionnements administratives graves qui peuvent aboutir à leur tour sur des drames. La supériorité hiérarchique bien définie doit être la règle pour tous, pour le bien commun.

Sarkis Serge Tateossian

12 h 38, le 25 avril 2019

Tous les commentaires

Commentaires (4)

  • C'est précisément ce genre d'incomprehensions, de rivalités entre services ou de problèmes de personnes qui provoquent des dysfonctionnements administratives graves qui peuvent aboutir à leur tour sur des drames. La supériorité hiérarchique bien définie doit être la règle pour tous, pour le bien commun.

    Sarkis Serge Tateossian

    12 h 38, le 25 avril 2019

  • VOILA UN EXEMPLE DE NON COOPERATION ENTRE LES DIVERSES INSTITUTIONS DU PAYS. L,EGO, CET ABJECT SENTIMENT D,AMOUR PROPRE, L,EMPORTE TOUJOURS SUR LA LOGIQUE ET SUR LE DEVOIR.

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 21, le 25 avril 2019

  • Sans vouloir incriminer les FSI et leur leadership, mais je peux dire que Peter Germanos est un juge tres honnete et surtout tres meticuleux et competent. C'est vraiment dommage de politiser le dossier. Tous le monde sait qu'il y a beaucoup d'exces au niveau de certains members des FSI mais personne ne veut se charger du nettoyage. Comment un Juge peut il actionner la police judiciaire s'il n'a pas d'informations a propos des actes commis???

    Touma Ziad

    09 h 03, le 25 avril 2019

  • Quel imbroglio! En quoi le tribunal militaire peut-il être concerné par l'exploitation de carrières ou le creusement de puits (faussement appelés d'ailleurs "artésiens")?

    Yves Prevost

    07 h 16, le 25 avril 2019

Retour en haut