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Spécial Orientation professionnelle / Édition 4

Fady Gemayel : Les formations techniques sont inadaptées aux besoins de l’industrie

Photo Bigstock

Le Liban n’est pas à un paradoxe près : alors que le taux de chômage se situe autour de 25 %, selon les estimations qui circulent (il n’y a pas de chiffres officiels), et plus proche de 35 % chez les jeunes, les industriels ont tout le mal du monde à trouver un personnel qualifié. Fady Gemayel ne le sait que trop bien. Président de l’Association des industriels, à la tête d’une industrie de fabrication de carton et papier et de recyclage, il a noté depuis bien longtemps le décalage entre les besoins du secteur industriel et les formations proposées à l’université et, surtout, dans les établissements techniques.

« Dans nos usines, par exemple, nous avons besoin de techniciens en fabrication de papier qui sont rares sur le marché du travail, explique-t-il. Et dans toutes les industries, nous sommes confrontés au même problème. La nouvelle génération de machines, après la révolution numérique, est très délicate et doit être manipulée par des spécialistes, et calibrée avec soin. Or des techniciens avec des spécialisations aussi pointues sont très difficiles à trouver sur le marché local. »

Si tel est le cas, c’est que nous souffrons, selon M. Gemayel, d’un « problème culturel » dans nos choix éducatifs. « Toute la filière technique est malmenée et n’est considérée bonne que pour les jeunes dont les résultats académiques sont considérés insuffisants pour l’université, affirme-t-il. Nous savons tous que la Suisse est un pays d’excellence ayant l’un des revenus par habitant les plus élevés du monde. Ce que peu d’entre nous savent toutefois, c’est que seuls 12 % des Suisses font des études universitaires, les autres sont admis dans des établissements techniques et finissent souvent par avoir des revenus supérieurs aux autres. Sans compter que les étudiants dans les filières techniques peuvent poursuivre de hautes études universitaires par la suite s’ils le veulent. »

Cette valorisation des études techniques manque cruellement au Liban.

Viser l’excellence avec des techniciens qualifiés

Et ce n’est pas qu’une question de mentalités. La filière technique au Liban ne propose pas toujours des formations adaptées aux besoins de l’industrie, poursuit M. Gemayel. « Il faut que des formations plus pointues soient assurées pour que les jeunes en profitent, assure-t-il. Et il est nécessaire que ce système d’apprentissage soit mis en valeur. Les écoles techniques devraient modifier leurs programmes et offrir davantage de formations en électronique appliquée, par exemple, ou en calibrage des machines et appareils, une compétence primordiale dans toutes les industries pour assurer un débit régulier des matières, notamment dans l’agro-alimentaire.

Il y a beaucoup de spécialisations en rapport avec les différentes industries : agro-alimentaire, imprimerie, matériaux de construction… »

Ces formations adaptées sont une condition sine qua non pour une industrie de qualité, visant l’excellence, comme c’est le cas en Suisse, un exemple cité de manière récurrente par Fady Gemayel. « Nous n’avons d’autre choix que l’excellence, insiste-t-il. Nous ne pouvons pas faire de concurrence sur les prix. Le Liban doit tabler sur la distinction de la qualité, d’où notre besoin en techniciens très qualifiés. »

Les avantages d’avoir une formation peu courante

Des formations techniques ou universitaires adaptées et solides bénéficieront autant aux industriels qu’aux jeunes eux-mêmes. « Aujourd’hui, quand j’ai besoin d’un technicien spécialisé, je le forme en interne, affirme M. Gemayel. Je dépense donc du temps et de l’argent à cette fin. Et comme de tels techniciens sont une denrée rare, je risque toujours de le perdre au profit d’un autre industriel qui lui offrira un salaire quelque peu plus élevé. »

Certaines spécialisations risquent tout bonnement de disparaître alors qu’il y a un réel besoin sur le terrain, comme celle de sertisseur de pierres précieuses et de diamants en joaillerie. « Les experts se font rares et il n’y a pas de relève au niveau des jeunes », déplore-t-il.

Évolution des mentalités, modification des cursus, planification du système éducatif, autant d’ingrédients pour aider l’industrie à rester l’un des grands employeurs de talents, et éviter de former des jeunes… candidats à la fuite de cerveaux.



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