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Liban - Reportage

Armes tribales et rythmes primitifs pour le « Zambo » d’el-Mina

Depuis des dizaines et des dizaines d’années, durant le dimanche qui précède le carême orthodoxe, les habitants se déguisent et défilent dans les ruelles de ce quartier de Tripoli.

Peinture noire et perruques platine. Photo Patricia Khoder

De la poudre noire utilisée dans la construction, de l’huile, du vinaigre, une éponge et le tour est joué. C’est ainsi que les hommes et les femmes qui participent au « Zambo » peignent leur peau en noir. Ils portent aussi des tiares de plumes multicolores, des perruques platine ou fluo, des jupes en raphia et certains s’arment de lances en bois.

C’est dans une ruelle du vieux souk d’el-Mina qu’ils se préparent, se peignant la peau en plein air et ajustant leurs perruques.

« C’est une tradition qui date d’environ cent ans. On ignore ses origines, les habitants d’el-Mina l’ont peut-être adoptée des soldats sénégalais de la Légion étrangère (française) stationnés dans la ville avec la fin de la Première Guerre mondiale, ou elle est d’origine brésilienne, importée au Liban avec les émigrés libanais d’el-Mina, rentrés au pays natal. En tous cas, elle fait partie de nos traditions marquant le début du carême », souligne Ibrahim Touma, montrant une photo du « Zambo », en noir et blanc, prise à el-Mina en 1954, où une dizaine d’hommes posent, montrant leur torse nu enduit de peinture noire et portant des lances en bois.

« Depuis quelques années le “Zambo” attire des touristes, venus d’autres régions du Liban », explique de son côté Béchara Hassan. « C’est aussi une façon de célébrer la convivialité dans ce quartier car chrétiens et musulmans y participent ou attendent la procession devant chez eux », dit-il, confiant qu’il est lui-même né de mère chrétienne et de père musulman et qu’il a été baptisé quand il était bébé.

Béchara Hassan est actuellement l’un des organisateurs de ce carnaval où tout le monde se prépare au même endroit et se déguise gratuitement. « Il y a des donateurs qui veulent perpétrer cette tradition à el-Mina et nous nous cotisons entre nous aussi. Durant la procession, certains ont la tâche de collecter de l’argent et avec la somme que nous avons rassemblée, nous allons tous dîner ensemble ce soir dans un restaurant d’el-Mina », précise-t-il. « Depuis que j’étais petit, ce carnaval me fascinait. Auparavant, il ne rassemblait pas autant de monde », ajoute-t-il encore.


Et hop dans la mer
Simon, propriétaire d’une épicerie, longue perruque platine et jupe en raphia, porte comme quelques autres participants des bidons métalliques dans lesquels il collecte l’argent du dîner.
« Le prêtre de l’église (grecque-orthodoxe) Saint-Georges ne laisse pas la procession partir avant la fin de la messe. Jusqu’il y a dix ans, ce carnaval était organisé le lundi pur du grand carême orthodoxe mais il a été déplacé au dimanche qui précède cette journée pour que les jeunes qui vont à l’école puissent y participer », explique Virginie, la soixantaine.

De nombreuses personnes originaires d’el-Mina, mais habitant les villages du Koura, Halba dans le Akkar ou Beyrouth se rendent spécialement à Tripoli pour le carnaval. D’autres originaires de diverses localités du pays viennent avec leurs amis d’el-Mina.

Pot de peinture doré et brosse à la main, Wafa s’applique à peindre la peau de toutes les personnes qui le lui demandent. « Je suis née à el-Mina, mais j’habite Halba. Je n’ai jamais raté un Zambo de ma vie. J’attends cette fête qui marque le début du carême d’une année à l’autre », dit-elle.

Quand la procession commence et avance dans toutes les ruelles d’el-Mina où elle est attendue et saluée par les habitants, les personnes qui participent au carnaval tapent sur des tambours et répètent le mot “Zambo” d’une façon saccadée. Le rythme rappelle les chants primitifs des tribus sauvages.

Durant deux heures, la procession tourne dans toutes les ruelles d’el-Mina. Elle se termine sur la corniche maritime. Conformément à la tradition, les participants sautent dans la mer pour un premier nettoyage. Ils vont ensuite longuement se laver chez eux pour effacer les traces de peinture et attendent le soir pour aller dîner avec tous ceux qui se sont déguisés en journée.


Pour mémoire
La ville de Tripoli aux couleurs du carnaval du "Zambo"

De la poudre noire utilisée dans la construction, de l’huile, du vinaigre, une éponge et le tour est joué. C’est ainsi que les hommes et les femmes qui participent au « Zambo » peignent leur peau en noir. Ils portent aussi des tiares de plumes multicolores, des perruques platine ou fluo, des jupes en raphia et certains s’arment de lances en bois. C’est dans une ruelle du...

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