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Liban - Vie scolaire

Réflexion sur le cas des enseignants du secteur privé

Manifestation des enseignants le 26 février 2013 à Beyrouth, à l’appel du Comité de coordination syndicale (CSS). Photo Nasser Trabulsi

Rodolphe Abboud, président du syndicat des enseignants des école privées, a tenté d’expliquer, avec passion, lors de l’émission « Darouri Nehki » (« Nous devons parler ») lundi dernier sur la OTV, les raisons pour lesquelles une enseignante du cycle primaire ou complémentaire a droit aux six échelons autant que ses collègues du cycle secondaire. Le syndicaliste a même menacé de laisser tomber son cadre secondaire et de se ranger dans le rang des enseignants des cycles primaire et complémentaire au cas où la décision, tissée minutieusement par Bkerké et les écoles catholiques, de verser les six échelons uniquement aux enseignants cadrés du cycle secondaire était mise en application.

Faire partie du cadre secondaire équivaut à 20 heures d’enseignement effectif et probablement une bonne dizaine d’heures d’enseignement dans un ou deux autres établissements, des propositions de leçons particulières et des élèves déjà formés, au terme de leur adolescence, aux différentes techniques d’apprentissage. Sans vouloir critiquer la position de M. Abboud qui est certes louable, il est bon d’expliquer pour quelles raisons les enseignants du secondaire sont plus méritants et pour quelles raisons il est essentiel pour les différentes directions d’écoles de négocier avec cette catégorie précise d’enseignants en reléguant aux oubliettes les deux autres catégories.

Une grande partie du budget payé en salaires par les écoles privées au Liban est destinée aux enseignants du cycle secondaire considérés comme la crème de la crème et qui sont parfois des professeurs universitaires. Ils sont triés sur le volet, surtout en classes de première et terminale, chaque école privée se vantant d’avoir les meilleurs enseignants, avec une promesse de réaliser des résultats respectables aux examens officiels et aux concours d’entrée dans les universités, objectif ultime des parents au moment de choisir l’établissement scolaire de leur enfant. Soucieux de leur assurer un cadre de travail épanouissant, vu que c’est sur eux que repose, en fin de compte, la réputation de chaque établissement, ces enseignants profitent, à quelques exceptions près, d’un traitement de faveur, creusant davantage le fossé qui les sépare de leurs confrères des classes inférieures, pourtant non moins efficaces et soucieux du bien-être et de l’avenir de leurs élèves. Cette dernière catégorie d’enseignants est moins menaçante, semble-t-il, pour les différentes administrations qui ont apparemment conjugué leurs efforts pour la défavoriser davantage. Une dépréciation systématique et bien étudiée, étalée sur plusieurs années, perçue sur tous les plateaux de télévision, les radios et dans les journaux. Une politique qui aura sûrement ses répercussions sur l’ensemble de l’enseignement.

Un droit sacré

Vu que le travail a pour objectif d’offrir un service rémunéré qui correspond en principe à la qualité des services avancés, il n’y a donc apparemment aucune raison de payer de la même façon un enseignant qui enseigne le segment, la droite, la division ou le « e » muet pour la première fois à un enfant qu’un enseignant apprenant le produit scalaire et la géométrie dans l’espace à un élève des classes secondaires où, en cas de force majeure, une simple photocopie de la leçon ou d’un corrigé pourrait à la rigueur remplacer l’enseignant. Ainsi, la dame qui initie des enfants de cinq ans à la lecture et l’écriture assume une tâche tellement simple qu’elle peut le faire durant 30 heures par semaine avec un salaire minimal ne méritant aucun traitement privilégié, vu que les petites classes ne nécessitent pas un certificat quelconque et les matières enseignées ne servent pas directement à des concours d’entrée.

Il est évident que là n’est pas le fond du problème qui est plutôt de savoir comment échelonner, diviser, reporter, voire supprimer ces six échelons qui sont – écoles et gouvernement le savent – un droit sacré pour tous ceux qui enseignent dans une école, indépendamment de la matière enseignée ou du cadre.

Le syndicaliste a bel et bien accusé à la télé les différents maîtres chanteurs de l’éducation privée de vouloir diviser le corps professoral en deux camps, mais il oublie que d’ores et déjà ce corps est malade, pour ne pas dire agonisant, du fait des injustices et des inégalités qui le frappent.

De plus, les niveaux primaire et complémentaire sont boudés par la gent masculine et ces niveaux restent le champ de prédilection des femmes qui se retrouvent le plus souvent à materner des enfants en bas âge dans un milieu où les parents sont encore omniprésents et pratiquent une pression palpable, pour ne pas dire étouffante, rendant de plus en plus difficile le processus éducatif. Ces femmes, pour la plupart des mères, évitent d’avoir des relations tendues avec leur employeur et ont moins tendance à revendiquer leurs droits lorsqu’elles se sentent lésées ou déboutées. Facilement intimidées et gardant à l’esprit l’éducation presque gratuite de leur progéniture – un droit pourtant octroyé par la loi pour des raisons légitimes mais souvent utilisé comme moyen de pression par l’ensemble des écoles privées et des comités des parents –, les institutrices préfèrent garder le silence. Pourtant, elles méritent toute notre reconnaissance car elles assurent souvent dans les écoles privées un encadrement serré et personnalisé des enfants en vue d’un accompagnement non seulement académique mais moral, civique et psychologique dépassant les périodes fixées pour l’apprentissage et empiétant sur leurs heures de repos.

En conclusion, il est évident que seuls les enseignants des classes secondaires échappent au refus de verser les augmentations. De plus, les acteurs de l’enseignement privé essayent de créer un débat supplémentaire là où il n’y en avait pas à l’origine. Résultat : à nouveau, un climat de malaise pesant empoisonne les relations parents-administration, parents-profs et profs-administration. Le seul salut serait que l’État mette un terme à ce malaise. Il est temps que les législateurs proposent un texte de loi clair et équitable qui ne remette pas en question la solvabilité des trois acteurs de l’éducation : enseignants, écoles et parents. Il y va de la qualité de l’enseignement. Reste à relever qu’aucun enseignement, aussi excellent qu’il puisse être, ne saurait remédier en deux ou trois ans à un enseignement de base bâclé faute de motivation et de moyens.

Rodolphe Abboud, président du syndicat des enseignants des école privées, a tenté d’expliquer, avec passion, lors de l’émission « Darouri Nehki » (« Nous devons parler ») lundi dernier sur la OTV, les raisons pour lesquelles une enseignante du cycle primaire ou complémentaire a droit aux six échelons autant que ses collègues du cycle secondaire. Le syndicaliste...

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