Alors que la France est en plein débat sur l’écriture « Parent 1 – Parent 2 », que la France cherche à normaliser l’homoparentalité, que la France, pays des droits de l’homme, ouvre plus grandes les vannes de la liberté, au Liban, on parle encore d’un projet de mariage civil. Et les différents clergés auraient préféré ne pas en parler du tout. Ils sont contre. Parce que cela va à l’encontre de leurs préceptes religieux. Oui, mais surtout parce que cela va à l’encontre de leurs finances. On ne va pas se leurrer, comment s’en mettre plein les poches, si on ne va plus convoler chez eux ? Si on ne nous fera pas payer les Monseigneur et autres évêques. Si on ne nous fera pas payer chaque lustre qu’on allume, la location du salon pour un vin d’honneur. Niet. Pas de mariage civil. Vous continuerez à aller à Chypre, en Grèce, en France. Mais pas ici. On reconnaîtra ce mariage mais vous ne le contracterez pas ici.
Une fois de plus, les libertés publiques sont bafouées. Et, avec elles, nos droits les plus fondamentaux. Le droit de choisir surtout. De choisir comment s’unir à l’autre. Le droit de ne pas avoir à écouter des discours ridicules et des sermons culpibilisateurs sur les liens du mariage. Le droit de se séparer sans avoir à passer par toutes sortes d’humiliations. Le droit de divorcer dignement. Sans passer devant un tribunal religieux dont les membres attendent des révélations croustillantes. Parce que les communautés religieuses ont ce terrible droit de légiférer sur le statut personnel. Sur le mariage, le divorce, la garde des enfants, l’héritage.
Mais que savent-ils du mariage ? Du divorce ? Que savent-ils, perchés dans leur tour d’ivoire (et d’or) des conflits, des douleurs, des silences, des déchirures, des regrets et des remords ? Comment pourraient-ils connaître la souffrance des enfants, celle de leurs parents ? De la garde alternée? Du premier départ d’un petit garçon qui va passer le week-end chez son papa ? De son regard incrédule ?
Assis dans une salle à l’odeur d’une humidité qui réside là depuis des lustres, ils vous toisent. Vous jugent et vous jaugent. Et vous demandent pourquoi vous voulez vous séparer. Vos raisons ne les convainquent pas. Votre solitude, le manque de dialogue, les chemins différents que vous avez empruntés, la disparition de l’amour. Cela ne leur convient pas. Ce sont des « excuses psychologiques » irrecevables. Ils veulent du sordide. De la violence, de l’adultère. Ils veulent de l’obscène. Sinon, pourquoi divorcer ? Pourquoi ne pas rester dans un mariage qui a fini par pourrir et pourrir le reste? L’équilibre des enfants, celui du foyer. Ils vous montent l’un contre l’autre. Ne sont pas contents si c’est une décision prise d’un commun accord. Vous devez divorcer pour faute. Ils ne sont pas contents si vous réussissez mieux votre séparation que votre union. Si vous vous êtes entendus sur la pension, la garde. Si vous continuez à vous respecter. Si vous restez une famille malgré un bout de papier signé entre deux convocations. Parce qu’ils vous font attendre, poireauter. Et si vous alignez quelques milliers de dollars, ils comprendront peut-être que ça ne pouvait pas continuer comme ça.
Rien d’étonnant qu’ils s’opposent aujourd’hui à la proposition de la ministre de l’Intérieur, Raya el-Hassan. Qu’ils ne veulent pas désacraliser les liens du mariage. Qu’ils ne veulent pas abandonner leurs privilèges, leur droit de cuissage virtuel, leurs belles voitures et leurs demeures luxueuses. Ils se cachent derrière la religion. Leur religion. Une religion qui est censée unir, rassembler. La leur, les leurs, séparent. Elles mettent au banc de la société ceux qui s’opposent à eux. Ils s’offusquent qu’on ait pu même penser aborder le sujet.
Il faudra attendre des lustres encore pour que l’on vive en toute légalité et en toute tranquillité l’amour qu’on porte à quelqu’un du même sexe, de faire un enfant hors mariage. De faire un enfant seule. Heureusement qu’il y a des femmes qui s’indignent. Des femmes qui ouvrent la voie. Des femmes qui se battent. Et qui continueront à le faire jusqu’à ce que cette salle humide à l’odeur fétide ferme enfin ses portes.
Einstein avait dit que les humains ne survivront pas à la disparition des abeilles. Les loups ne.......des moutons.
22 h 54, le 23 février 2019