Des dizaines de milliers de Vénézuéliens manifestaient hier, à l’appel de l’opposant Juan Guaido, pour demander à l’armée de laisser entrer l’aide humanitaire américaine, considérée par le président Nicolas Maduro comme une première étape avant une intervention militaire.
Aux cris de « Liberté ! », « Guaido », les manifestants, souvent vêtus de blanc et brandissant des drapeaux vénézuéliens, se sont rassemblés dans tout le pays. À Caracas, les opposants se sont retrouvés dans l’est de la capitale où Juan Guaido, reconnu président par intérim par une cinquantaine de pays, était attendu.
« Nous demandons aux autorités militaires qu’elles permettent le passage de l’aide, et même qu’elles la protègent pour qu’elle arrive là où elle est la plus nécessaire », a déclaré à l’AFP Juan Perez, 68 ans.
M. Guaido, 35 ans, a appelé ses partisans à manifester dans tout le pays à l’occasion de la Journée de la jeunesse. Il s’agit aussi de rendre hommage à la quarantaine de personnes, dont de nombreux jeunes, tuées depuis le début des mouvements de protestation contre le président Maduro le 21 janvier.
En réponse à cette troisième journée de mobilisation de l’opposition après celles du 23 janvier et du 2 février, des soutiens du gouvernement se sont réunis sur la place Bolivar, dans le centre de Caracas, contre « l’intervention impérialiste » américaine.
Le bras de fer politique entre les deux hommes se concentre depuis plusieurs jours sur l’entrée de plusieurs tonnes de nourriture et de médicaments venant des États-Unis, déjà stockées dans des entrepôts en Colombie à la frontière avec le Venezuela.
« Ceux qui souffrent »
Mais des militaires vénézuéliens bloquent le pont Tienditas, qui relie Cucuta (Colombie) et Ureña (Venezuela), dans l’État frontalier de Tachira, où l’armée a renforcé sa présence. Des femmes vêtues de blanc et des médecins prévoient de s’en approcher pour réclamer son ouverture.
Cette crise intervient en pleine débâcle économique du pays, accablé de pénuries de vivres et de médicaments. Plus de 2,3 millions de Vénézuéliens (7 % de la population) ont fui le pays depuis 2015, selon l’ONU.
Cherchant à briser l’unité de l’armée, soutien déterminant de Maduro, Juan Guaido a offert l’amnistie aux militaires qui le désavoueraient et les a prévenus que bloquer l’aide constituerait un « crime contre l’humanité ». « Ce sont les militaires qui ont mis Maduro au pouvoir. Je les appelle à réfléchir, à se mettre du côté de ceux qui souffrent et qui ont faim », implorait au rassemblement de Caracas Maria Ballera, 75 ans, en embrassant l’image d’une Vierge.
Des manœuvres militaires sont en cours contre une éventuelle intervention américaine, alors que les États-Unis n’ont pas écarté l’option militaire.
Nicolas Maduro, qui dément l’existence d’une « urgence humanitaire », rejette la responsabilité des pénuries sur les sanctions américaines et une « guerre économique » menée par la droite. « Le Venezuela n’est pas un pays où règne la famine », a-t-il assuré dans un entretien à la BBC diffusé hier.
Il a également rejeté l’éventualité de heurts entre l’armée et des volontaires – 120 000 selon Juan Guaido – qui se sont inscrits auprès de l’opposition pour aider à l’acheminement de l’aide. « Il n’y aura pas de répression », a-t-il affirmé
Lutte géopolitique
Après la Colombie, premier point d’arrivée de l’aide américaine, le Brésil du président d’extrême droite Jair Bolsonaro a accepté d’installer un autre centre de stockage dans l’État frontalier de Roraima (Nord).
Une conférence sur l’aide humanitaire, sollicitée par Juan Guaido, doit aussi avoir lieu jeudi au siège de l’Organisation des États américains (OEA) à Washington.
Alors que Juan Guaido peut compter sur l’appui des États-Unis et d’une grande majorité des pays d’Amérique latine et d’Europe, Nicolas Maduro a reçu le soutien de ses alliés russe, turc, iranien et chinois.
« Le Venezuela est dans l’œil du cyclone géopolitique du monde », a déclaré lundi M. Maduro, qui accuse les États-Unis de vouloir le renverser pour s’accaparer les plus grandes réserves pétrolières du monde.
Le dirigeant socialiste a également réclamé le retour des réserves d’or de son pays déposées au Royaume-Uni, des réserves qu’il a estimées à plus de 80 tonnes, alors que le pays fait face à de graves problèmes de liquidités.
Source : AFP