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Moyen Orient et Monde - Décryptage

Surveiller l’Iran depuis l’Irak : le pari risqué de Trump

Bagdad risque de voir d’un assez mauvais œil le renforcement de la présence américaine dans le pays.

Le président américain Donald Trump lors de sa visite à la base d’al-Asad, à l’ouest de Bagdad, le 26 décembre, en Irak. Saul Loeb/AFP

Donald Trump peut-il endiguer l’influence iranienne au Moyen-Orient depuis l’Irak ? Après avoir créé la surprise en annonçant il y a presque deux mois le retrait des troupes américaines de Syrie et d’Afghanistan, le chef de la Maison-Blanche a affirmé vouloir maintenir ses soldats en Irak pour « surveiller l’Iran » lors d’une interview diffusée dimanche dans l’émission Face the Nation sur la chaîne américaine CBS. « Nous avons dépensé une fortune pour construire cette base incroyable, nous pourrions aussi bien la garder. Et l’une des raisons pour laquelle je veux la conserver est que je veux regarder un peu vers l’Iran », a-t-il poursuivi en faisant apparemment référence à la base aérienne d’al-Asad, à l’ouest de Bagdad, où il avait effectué une visite surprise le 26 décembre 2018. Ladite visite fut la première du président américain dans une zone de conflit depuis son accession à la Maison-Blanche.

Alors que la question du départ des troupes américaines a soulevé un tollé, au sein même des rangs républicains, entraînant notamment le départ du secrétaire à la Défense James Mattis, Donald Trump veut rassurer ses alliés régionaux quant à la permanence de la présence américaine dans la région. Il est désormais très évasif sur le calendrier du départ des troupes de Syrie et insiste sur le maintien de celles-ci en Irak. Le message est limpide : Washington veut démontrer qu’il n’est pas en train de laisser le champ libre aux Iraniens, ni en Syrie ni en Irak. Washington semble considérer que l’Irak est une base plus stable et plus efficace pour combattre le terrorisme et endiguer l’influence iranienne. Selon des informations provenant de la chaîne al-Jazeera, les États-Unis souhaiteraient déplacer des centaines de soldats de Syrie vers les bases américaines en territoire irakien.



(Lire aussi : De la Syrie à l'Afghanistan, Trump martèle sa volonté de retrait)



Axe chiite

Cette évolution stratégique, si tant est qu’elle soit mise en œuvre par l’administration, pourrait toutefois être confrontée à plusieurs difficultés. Le renforcement de la présence américaine en Irak va à l’encontre de la dynamique de ces derniers mois durant laquelle Washington et Téhéran ont trouvé une sorte de modus vivendi dans ce pays, qui s’est matérialisé par la nomination du nouveau Premier ministre irakien Adel Abdel-Mahdi. Les deux puissances jouissent en effet d’un poids conséquent dans le pays depuis la guerre de 2003 et la chute du régime de Saddam Hussein. Les États-Unis disposent de plus de 5 200 soldats sur place et ont largement participé à la reconstruction et la consolidation de certaines institutions officielles irakiennes. La République islamique a quant à elle accru son influence grâce à son soutien à des groupes para-étatiques tels que les milices chiites. Ces dernières ont d’ailleurs acquis un poids de plus en plus important après être arrivées en deuxième position aux dernières élections législatives de mai 2018. Les deux pays ont également contribué, à leur manière, à la lutte contre le groupe État islamique dans le pays.

L’Irak a été plus ou moins préservé ces derniers mois de la confrontation américano-iranienne, alors que sa stabilité est essentielle aux deux acteurs. L’Iran a considérablement renforcé son influence dans ce pays à la faveur de la lutte contre l’EI et se sert notamment du territoire comme d’une composante organique de son axe chiite, qu’il souhaite consolider pour relier Téhéran à la Méditerranée via l’Irak, la Syrie et le Liban. Signe de l’importance de ce territoire pour la République islamique, plusieurs dizaines de missiles balistiques ont été redéployés en Irak dans des bases aux mains des gardiens de la révolution. S’attaquer au projet iranien en Irak, c’est prendre le risque pour les Américains non seulement de déstabiliser à nouveau le pays, mais aussi de compliquer leurs relations avec une partie importante de la scène politique irakienne. Bagdad considère officiellement qu’il n’y a pas de bases américaines en Irak, mais plutôt des instructeurs.


(Lire aussi : Comment l’Iran est devenu l’ennemi du monde arabe)


Méfiance

L’annonce du président américain a sans surprise provoqué un tollé du côté du gouvernement de Bagdad. « La Constitution irakienne rejette toute utilisation de l’Irak comme base pour frapper ou agresser un pays voisin », a indiqué hier le président irakien Barham Saleh dans un discours depuis la capitale irakienne. « Les forces américaines sont présentes en vertu de la loi et dans le cadre d’accords entre les deux pays, toute action menée hors de ce cadre est inacceptable », a-t-il poursuivi. Il est « fondamental pour l’Irak d’entretenir de bonnes relations avec l’Iran », a-t-il ajouté. Idem du côté des élus irakiens.

Si les Américains tentent d’amener plus de troupes en Irak, « il y aura une escalade de l’opposition à leur encontre », a déclaré de son côté Jawad el-Moussaoui, membre du Parlement, cité par le New York Times dans un article publié dimanche. « Il y a une méfiance du gouvernement américain, même s’ils disent qu’ils viennent nous protéger contre Daech (acronyme arabe de l’EI) (…) la vraie raison de leur venue est de frapper l’Iran », a-t-il ajouté. Dans le même temps, toujours selon le quotidien américain, plusieurs factions de l’Assemblée irakienne envisagent de faire adopter une mesure qui limiterait strictement les activités militaires des États-Unis dans le pays, y compris l’endroit où les soldats américains peuvent circuler et combien de temps ils peuvent rester. Les troupes américaines sont perçues par certains partis comme une force d’occupation, notamment celui dirigé par le leader religieux chiite Moqtada Sadr. Ce dernier est sorti grand vainqueur des élections législatives irakiennes du 18 mai dernier sur la base de son programme anti-ingérence étrangère dans son pays, qu’elle soit américaine ou même iranienne.




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commentaires (2)

UNE MISSION POSSIBLE MAIS RISQUEE DANS UN ENTOURAGE HOSTILE...

LA LIBRE EXPRESSION

10 h 47, le 05 février 2019

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Commentaires (2)

  • UNE MISSION POSSIBLE MAIS RISQUEE DANS UN ENTOURAGE HOSTILE...

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 47, le 05 février 2019

  • Tout ce qui arrive de malheureux dans notre région du Proche Orient et du Liban est de la faute de L'OCCIDENT. VOUS AVEZ COMPRIS . À cette assertion je répondrai que les américains du clown marionnette trump-pete vont devoir se préparer à d'étaler les pieds par devant .

    FRIK-A-FRAK

    09 h 21, le 05 février 2019

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