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Moyen Orient et Monde - Analyse

Washington et Téhéran trouvent un modus vivendi à Bagdad

Opposées dans toute la région, les deux puissances ne semblent pas vouloir s’affronter sur le sol irakien.


Photomontage des présidents américain et iranien, Donald Trump et Hassan Rohani. Photos AFP et Reuters

Washington et Téhéran semblent avoir trouvé un modus vivendi en Irak. C’est ce que laisse paraître la nomination mardi soir d’un Premier ministre qui est acceptable par les deux camps. Le président Barham Saleh fraîchement élu a nommé Adel Abdel Mahdi, deux heures après son élection. Un record de temps qui montre que cette nomination est l’exécution d’un accord préalable sur l’identité du Premier ministre entre les acteurs politiques irakiens, et sans doute avec l’aval de l’Iran et des États-Unis, les deux puissances étrangères ayant un poids considérable à Bagdad. La nomination de M. Mahdi, qui a maintenant trente jours pour former un gouvernement, est comparée à celle du Premier ministre sortant, Haïdar al-Abadi, en septembre 2014. Tous deux sont inconnus du grand public, sans base populaire au moment de leur nomination et sont perçus comme des candidats acceptés par Téhéran et Washington. Le consensus entre les deux puissances influentes en Irak n’est pas nouveau, mais il intervient cette fois dans un contexte de hautes tensions entre Washington et Téhéran.

La politique iranienne de l’administration du président américain Donald Trump est aux antipodes de celle de l’administration de son prédécesseur Barack Obama, qui prônait la diplomatie et (donc) la patience pour régler le dossier iranien et dont l’aboutissement a été l’accord sur le nucléaire. L’administration actuelle est très agressive à l’égard du régime iranien, comme l’a démontré son retrait dudit accord et la réimposition conséquente des sanctions, étouffant l’économie iranienne, ainsi que sa politique plus active pour endiguer Téhéran dans la région, notamment en Syrie.

Les deux pays qui sont à couteaux tirés et qui ne semblent entretenir aucune forme de dialogue si ce n’est des attaques et contre-attaques verbales sur toutes les plateformes du monde arrivent pourtant à coexister, a priori, en Irak. Un terrain sur lequel tous les deux jouissent pourtant d’une forte présence depuis l’invasion américaine de 2003, qui a créé une vacance au pouvoir remplie presque immédiatement par l’opposition kurde et chiite, et à travers laquelle le puissant voisin chiite s’est introduit. Depuis, des règles informelles semblent s’être imposées aux deux adversaires. « Il n’y a pas grand-chose sur lequel l’Iran et les États-Unis sont en désaccord en Irak », estime pour L’Orient-Le Jour Alan Moomtaz Noory, professeur de sciences politiques à l’Université américaine d’Irak – Souleimaniyeh. « Le système politique actuel a été modelé avec l’aide des Américains, et il convient à l’Iran », ajoute-t-il. Washington et Téhéran ont aussi apporté leur aide, chacun à sa manière, à la guerre contre l’État islamique (EI). Mais alors que les États-Unis ont largement participé à la reconstruction et la consolidation de certaines institutions officielles, la République islamique a accru son influence grâce à son soutien à des groupes paraétatiques, comme les milices chiites.


(Lire aussi : Le Kurde Barham Saleh élu président de l'Irak)


Souleimani, Nasrallah et Sadr
Les éléments internes en Irak semblent avoir encouragé les deux puissances à ne pas jouer leur bras de fer sur le sol irakien. Les protestataires dans la ville de Bassora, deuxième ville du pays, qui se trouve au cœur du Sud irakien, région à majorité chiite et traditionnellement sous influence iranienne, ont rejeté le gouvernement de M. Abadi, perçu comme le candidat favori des Américains, et multipliaient les slogans contre toute ingérence étrangère, notamment iranienne, allant jusqu’à brûler le consulat iranien. Suite à cela, le religieux et populiste Moqtada Sadr, dont la liste a remporté les élections législatives et recherchait une alliance au Parlement pour créer une majorité, s’est éloigné de la liste du désormais critiqué M. Abadi. Trois jours après l’attaque du consulat, et sans doute pour calmer les esprits et tenter d’accélérer le processus de formation du gouvernement, l’ayatollah Sistani, plus haute autorité religieuse du pays, a appelé à la nomination d’un Premier ministre « qui n’a pas été au pouvoir ces dernières années, qu’il soit indépendant ou affilié à un parti ». « Le peuple n’accepte plus la vieille élite politique », affirme M. Noory.

Washington et Téhéran ont dû ajuster leurs positions après ces événements, et la nomination de M. Mahdi rentre dans le cadre de ces évolutions internes et du présumé accord tacite irano-américain en Irak. Le site en ligne al-Monitor avait rapporté le 26 septembre dernier que Moqtada Sadr avait rencontré lors d’une visite privée à Beyrouth le général Kassem Souleimani, chef de la force al-Qods, la branche des gardiens de la révolution iranienne chargée des opérations extérieures, ainsi que le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah. À l’issue de cette réunion, le trio a retenu le nom de M. Mahdi pour la position de chef du gouvernement irakien, toujours selon al-Monitor. Un trio chiite qui partage un profond rejet de l’Amérique mais qui aurait tout de même choisi un candidat « American compatible ».


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Washington et Téhéran semblent avoir trouvé un modus vivendi en Irak. C’est ce que laisse paraître la nomination mardi soir d’un Premier ministre qui est acceptable par les deux camps. Le président Barham Saleh fraîchement élu a nommé Adel Abdel Mahdi, deux heures après son élection. Un record de temps qui montre que cette nomination est l’exécution d’un accord préalable sur...

commentaires (2)

La force fait entendre raison.

FRIK-A-FRAK

11 h 46, le 04 octobre 2018

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Commentaires (2)

  • La force fait entendre raison.

    FRIK-A-FRAK

    11 h 46, le 04 octobre 2018

  • QUAND ON VEUT ON NEGOCIE. NEGOCIER AU LIEU DE SUBIR LES CONSEQUENCES DES SANCTIONS CATASTROPHIQUE SERAIT DE L,INTELLIGENCE AU LIEU DE SUICIDE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 56, le 04 octobre 2018

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