Rechercher
Rechercher

Culture - Rencontre

Henry Matthews connaît Goldorak... par corps

Le peintre et auteur publie « Ma wara’ el-kawn », un ouvrage où il raconte son histoire à travers celles des superhéros américains.

Henry Matthews présentant l’histoire des comics lors d’une conférence à l’AUB en 2005. Photo DR

C’est connu, le monde fictif – et pourtant si proche de la réalité – des comics a beaucoup d’aficionados de par le monde. « Les comics, c’est une plate-forme fantastique, avec un axe narratif unique », résume Henry Matthews, l’un des plus grands fans du genre au Liban, collectionneur de nombreux magazines de bande dessinée et auteur de l’Encyclopédie des comics libanais, parue en 2010 et de son tout récent Ma wara’ el-kawn (Au-delà de l’univers).


Astronaute… à sa manière
De ses origines britanniques (il est né d’un père britannique et d’une mère libanaise), Matthews a gardé l’élégance, la politesse raffinée, la courtoisie et surtout l’humour. Ce qui fait de lui un authentique gentleman. Car ce qui compte vraiment dans cette catégorie d’hommes, ce n’est pas le costume, mais le regard bienveillant sur autrui et sur le monde. Il a grandi au Liban et a passé une bonne partie de son enfance à dévorer les BD et les aventures de superhéros, sans jamais penser qu’un jour, il en ferait son métier. La couverture du premier magazine offert par sa mère, représentant Aladin à cheval sur fond de ciel bleu, hantera longtemps les nuits de son enfance. « Sans vouloir être un superhéros, j’ai toujours voulu ressembler à Dan Cooper, un humain dévoué, courageux et téméraire. » Son cursus scolaire terminé, il rêve de visiter la lune à bord d’une navette spatiale. « Je voulais être astronaute. » Mais le Liban n’était pas équipé pour cette formation, alors le jeune Henry décide d’appliquer le plan B, se spécialiser en ingénierie pour espérer un jour rejoindre une équipe de scientifiques à l’étranger, monter à bord et prendre son envol. L’expérience s’avère être un échec. « Je m’ennuyais, dit-il, tout simplement. »

Passionné depuis longtemps par le dessin, attiré par les couleurs et les formes, il décide d’accomplir un autre voyage, celui d’une immersion dans le monde de l’art. Il s’inscrit au BUC (Beirut University College, aujourd’hui LAU) pour un master en fine arts et un minor en creative writing. C’était le bon choix. Pour pourvoir aux frais de ses études, il décroche un emploi dans un magazine spécialisé dans les comics. Première revue pour enfants de l’époque, c’est en 1962 que l’hebdomadaire Bisat el-rih (le tapis volant) avait vu le jour. Encouragé par ce succès, son éditeur, Zouheir Baalbaki, publie des magazines entièrement traduits, proposant des séries occidentales sous des titres arabisés : al-Moughamer (L’aventurier), Rin-tin-tin, Tintin, Aladin et autres. Henry Matthews s’occupait de la mise en page. Perfectionniste, il passait son temps à l’imprimerie à réprimander et à corriger, dessinait les couvertures avec le regard de l’innocence enjouée. Quelques années plus tard, il publie son propre magazine (Ma wara’ el-kawn), première revue en arabe de science-fiction pour enfants. « C’était mon voyage sur la lune, j’abordais des sujets comme l’exploration spatiale et le progrès dans ce domaine. Je proposais des documentaires qui visent à fidéliser et à informer les lecteurs passionnés d’espace comme moi. Les pages me permettaient de voyager avec mes héros et de vivre leurs aventures par procuration. Je suis un passionné qui n’a jamais été sur la lune mais qui a toujours été au bout de ses rêves. » L’ouvrage qu’il vient de signer et qui porte le même titre que sa série est une sorte de biographie – il y mêle ses souvenirs personnels aux histoires des superhéros, le tout émaillé de quelques reproductions de planches – qui témoigne de cet amour inconditionnel pour les personnages comme Goldorak (ou Grendizer), Spiderman, Superman, Captain America et le binôme Loulou w Tabbouche.

Heureux qui comme les chats…
Hormis le fait de coucher tous les soirs la beauté des femmes sur des toiles – « je peins tous les jours depuis 20 ans » –, Henry Matthews travaille, le jour, à l’Université américaine de Beyrouth dans le département de la publication, de l’édition et de la traduction. Aujourd’hui, deux décennies d’évasion picturale plus tard, il décide de partager ses œuvres avec le grand public. Des visages éthérés de femmes, des traits plus ou moins abstrais aux couleurs chatoyantes garnissent les cimaises de la galerie du Centre culturel de Ras Beyrouth.

Végétarien convaincu, Matthews refuse de se nourrir d’innocence assassinée. Il a de l’empathie pour les créatures sans défense et s’est vu investi d’une mission : nourrir les chats de la rue Bliss qui ont trouvé en lui un ange gardien. Il justifie l’existence des chats que tant de personnes décrient. « À l’AUB, il y avait des serpents et des araignées, les chats sont venus débarrasser la région de ces créatures, sans que les humains aient recours aux pesticides et autres produits chimiques. C’est écologique et bénéfique. » Une colonie de matous s’est ainsi développée et a trouvé en la bienveillance de Henry Matthews un gentil protecteur. Depuis 1985, le rituel quotidien est incontournable. Depuis qu’il souffre de sa jambe, armé tous les jours de victuailles, il prend un taxi pour faire le tour du quartier. Quand le père nourricier n’est pas en forme, le chauffeur de taxi prend la relève et se charge lui-même de la tournée quotidienne.

Pour Matthews, le règne animal possède une grande importance dans la bonne évolution du monde. Et de conclure ses arguments : « Même un cafard a son utilité, il vous lance un avertissement pour nettoyer votre espace. »

Henry Matthews écrit des histoires d’amour, s’adonne à la peinture, rédige des poèmes et avoue être un homme heureux. À la question n’avez-vous jamais pensé à peindre les chats ? Il répond avec malice : « Je préfère les jolies femmes. »

* Henry Matthews présente ses toiles « Women and places in my mind » à la galerie du Centre culturel de Ras Beyrouth, au Golden Tulip Hotel, rue Makdessi, Hamra. Jusqu’au 6 février.


Le saviez-vous ?
Pour les Américains, le terme « comics » désigne la bande dessinée dans sa globalité, quel que soit le style. Dans le monde francophone, comics désigne spécifiquement la bande dessinée américaine.


Pour mémoire

Henry Matthews et son « comics’ trip »

C’est connu, le monde fictif – et pourtant si proche de la réalité – des comics a beaucoup d’aficionados de par le monde. « Les comics, c’est une plate-forme fantastique, avec un axe narratif unique », résume Henry Matthews, l’un des plus grands fans du genre au Liban, collectionneur de nombreux magazines de bande dessinée et auteur de l’Encyclopédie des comics...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut