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Culture - Disparition

« N’oubliez pas que je m’appelle Chams... »

Ali Chams, peintre des couleurs et de la lumière.

Sa mémoire avait commencé à flancher il y a deux ans, alors que l’alzheimer rongeait ses souvenirs et faussait ses gestes. À 76 ans, Ali Chams, né à Wardanieh au Chouf, s’en est allé jeudi dernier, laissant son atelier à Rmeilé sur les hauteurs de Saïda, dépôt d’une grande œuvre où ses toiles, lumineuses abstractions, sont ses voyages intérieurs érigés en merveilleuses vues d’en haut comme des instantanés pris d’un hublot d’avion...

Des lunettes aux vitres épaisses, un pantalon gris avec de grands carreaux, une chemise jaune paille, des baskets blanches et des cheveux un peu ébouriffés, plus sel que poivre, telle est la dernière image de la silhouette que l’auteur de ces lignes garde de Ali Chams, qui en était alors en 2012 à sa seizième exposition. Chez Aïda Cherfan bien entendu où même aujourd’hui, dans les œuvres exposées de ladite galerie, comme une sonnette d’alarme toujours prête à résonner, reste cette toile intitulée La présence du rouge. À la galeriste qui, taquine, lui disait dans le temps : « Ali, tes toiles sont exceptionnellement lumineuses », il avait répondu du tac au tac, sans se démonter : « Je te prie de ne pas oublier que je m’appelle Chams… »

Eh oui le soleil est toujours entré en profusion dans ses toiles, son pinceau, ses couleurs, sa palette ! Ali Chams est le champion d’une alchimie éclatante de beauté et de sérénité dans le mélange de ses tonalités choisies avec soin et de ses lignes habilement tracées.

Huile, gouache et pastels avaient des chants singuliers et des accents particuliers sur son chevalet, sous ses doigts, à travers son regard. Il les pliait à un monde habité de rêve, d’évasion, de lumière, d’une certaine transparence doublée d’une douceur ouatée.

Un peintre qui était toute discrétion sauf quand il s’agissait de montrer ses toiles. Alors sa voix enflait, ses mots affluaient, ses mains s’agitaient, ses pensées se pressaient. Ses toiles qu’il observait, scrutait, tournait, retournait, détaillait.

Et il les expliquait comme un vrai « penseur ». Ce qui nous amène à parler un peu de son parcours atypique où d’une licence en philosophie et en psychologie, il avait choisi la route de Saint-Pétersbourg et de Paris pour entreprendre des études en beaux-arts ! Mais est-ce que tout s’explique dans une vie ?


(Pour mémoire : Pour Ali Chams, la couleur, une dominante du champ du regard...)


Certaines de ses confidences, qu’on garde en mémoire, valent le détour pour expliquer ces paysages féeriques, plus suggestion que plate réalité, vues d’une improbable randonnée au ciel (il avait déjà bien avant le temps l’inspiration et le flair de la beauté d’une photo de Yann Arthus-Bertrand dont il pouvait parfaitement être l’illustrateur de son catalogue s’il y en avait un à l’époque !) ou des tapis caucasiens aux dessins enchanteurs, déployés comme des tapis volants dans la fraîcheur de l’espace et du temps.

Et pourtant tout est là. Pour mieux saisir ces traits et cette soyeuse ronde des couleurs, écoutons l’artiste qui, pour son lyrisme pictural, parlait en ces termes : « Ces paysages, disait-il, ce ne sont pas les paysages du Sud ou de Baalbeck, mais ceux du monde entier. C’est une vision universelle que de capter l’essence de la nature, si fuyante mais aussi si captivante dans son innombrable diversité. Depuis mes débuts dans les années 1970, j’ai une affection particulière pour les arbres. Ils sont source de nombreuses fragrances, donneurs de fruits, antipolluants et dispensateurs d’ombre. Ma définition de la peinture ? Depuis que je suis petit je perçois tout à travers la couleur. C’est la couleur qui me dicte les contours et une couleur appelle ou exclut une autre. C’est ainsi que s’opèrent mes mélanges et mes harmonies. »

Magnétique réseau et écheveau de couleurs que déploient les toiles de Ali Chams où l’espace cavalcade et se chevauche comme des boîtes d’allumettes dextrement agencées dans un équilibre étonnant, presque à couper le souffle.

Pour ces œuvres qui ont été exposées aussi bien à Paris, Londres, Saint-Pétersbourg,

Le Caire et, à part le Liban, de nombreuses villes arabes (Damas, Charjah, Koweït, Amman, Oman, Abou Dhabi), la voix de Ali Chams reste unique. Dans sa force créatrice, son détachement des modes et des tendances.

Une voix libérée des contraintes de la facilité et du compromis, et qui a pour guide des couleurs heureuses, chantantes comme ce ramage caressant des grands oiseaux exotiques aux plumages flamboyants. Comme des enfants médusés, on reste un peu ébahis devant tant de panache !


Pour mémoire

La peinture de Ali Chams, fille de lumière et de bonheur




Sa mémoire avait commencé à flancher il y a deux ans, alors que l’alzheimer rongeait ses souvenirs et faussait ses gestes. À 76 ans, Ali Chams, né à Wardanieh au Chouf, s’en est allé jeudi dernier, laissant son atelier à Rmeilé sur les hauteurs de Saïda, dépôt d’une grande œuvre où ses toiles, lumineuses abstractions, sont ses voyages intérieurs érigés en merveilleuses vues...

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