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Culture - À l’affiche

Vieillir, c’est encore (et toujours) vivre...

Parce que les parents qui vieillissent renvoient presque à chacun de nous notre propre image future, le film de Nibal Arakji, « Wanted », se penche sur le sujet avec humour et réalisme et transporte le spectateur dans l’univers revisité de la vieillesse, sublimant le naufrage de la vie.


Une image de « Wanted », le film de Nibal Arakji.

Il s’agit souvent du dernier recours. Celui qui consiste, pour des familles épuisées par une trop longue maladie ou par l’immobilisation de leurs parents vieillissants, à les placer dans une maison de retraite, l’appellation édulcorée de l’« asile de vieillards ». Alors, les rôles s’inversent et les positions générationnelles sont bousculées. De parents ayant le rôle gratifiant de protecteurs, ils sombrent inexorablement dans la dépendance et l’infantilisation.

La dernière maison sur la colline

C’est un établissement pour personnes âgées comme tant d’autres, un bâtiment moderne et propre, aux fenêtres éclairées, niché dans un parc planté d’arbres. Dans les couloirs aseptisés se croisent des aides-soignants, des résidents en fauteuil roulant, traînant une canne, un respirateur artificiel ou faisant d’ultimes efforts pour repousser la réalité et tenter de placer un pied devant l’autre. Les enfants souvent absents, le monde de cette petite communauté devient un huis clos coloré par des gribouillages d’enfants collés sur un placard, un médaillon qui pend au cou où se loge secrètement la photo d’un conjoint disparu ou par un bouquet de fleurs traînant sur une commode, comme un dernier geste désespéré de survie. Ces habitants de la maison où l’on se repose de la vie et où la vie se repose d’eux se résument à une couleur (celle préférée du mari), un cadre, une affiche. Le sentiment de détresse et d’abandon des résidents saute aux yeux. « Docteur, j’ai mal, j’ai mal au cœur », lance au passage une vieille dame, attablée dans la salle à manger d’un étage qui accueille ceux ou celles qui désormais constituent sa seule famille. « Docteur, je n’ai pas faim, j’attends mes enfants », déclare une autre. Mais contre la solitude, tous les médecins du monde se trouvent impuissants. Les résidents sont tous père, mère, grand-père, ou grand-mère de quelqu’un. Quelqu’un qui les a abandonnés, oubliés ou simplement qui a abdiqué face au dernier effort, celui de l’amour. Bref, la vieillesse est un naufrage.

On est tous Jacko

Pour les enfants, les parents représentent le dernier rempart contre la mort. La peur de vieillir est donc catalysée par l’image négative de la vieillesse. Ainsi, cette peur peut susciter le rejet même s’il s’agit de nos propres parents. Inconsciemment, on leur reproche de ne plus être responsables, rassurants, voire immortels.

Mais la comédie sociale Wanted, écrite, réalisée et produite par la jeune réalisatrice Nibal Arakji, va à contre-courant et n’essaye pas de restituer d’une manière mélodramatique cet univers fermé ou traînent des âmes seules en quête d’un sourire, d’une main tendue ou dans l’attente d’un coup de fil ou d’une visite forcée. « C’est parce que nous avons tous envie de les voir vieillir comme nous aimerions vieillir, déclare la réalisatrice, que ce film a vu le jour. » Un film au service d’une histoire drôle, pétrie d’humanité, celle de quatre personnages, Jacko, Daad, Walid et Adib, qui désertent l’établissement et s’embarquent dans une aventure rocambolesque pour venir en aide à l’une des leurs. Lorsque Jacko apprend par une lettre que la sépulture de son mari va être détruite pour laisser place à un centre commercial, ses trois amis se mobilisent, avec tout ce que cela implique comme situations loufoques, et décident de faire l’impossible pour affronter le monde extérieur et hostile. Produit par Dream Box, le film met en scène Georges Diab, Daad Rizk, Georges Bou Khalil et Siham Haddad, avec Aïda Sabra et Pierre Rabbat. Myriam Klink (personnage haut en couleur) fait une apparition dans le film, aux côtés de Badih Abou Chacra, Wissam Saliba, Dory Samrani, Ali Mneimné, Josiane Boulos, la réalisatrice Lina Abiad et les présentateurs Tony Baroud et Diana Fakhouri.Georges Bou Khalil dans le rôle de Walid fait ses débuts sur scène. Des débuts prometteurs tant il maîtrise son rôle et la scène. Tendre et surtout crédible, il a le mérite de tenir la distance face à des acteurs professionnels.

On pourrait reprocher à la réalisatrice une certaine légèreté dans la mise en scène, quelques maladresses dans les mouvements de caméra, une actrice au timbre un peu trop haut, un dialogue facile. Mais le film reste drôle, touchant, plaisant, truffé de situations caustiques. Il donne envie d’aimer et de le dire. Wanted soulève une problématique universelle et met en lumière une réalité inévitable, celle du dernier voyage qui, grâce à Nibal Arakji, peut être le plus authentique et le plus beau.


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